En mai 2025, François Lemieux a concrétisé sa 25e transaction avec l’intégration des activités du cabinet Assurance TCM. Cette acquisition lui permet de s’établir dans la région des Laurentides, la sixième région administrative où il exploite un cabinet au Québec. Ses ambitions de croissance demeurent aussi fortes qu’à ses débuts à la fin des années 1980.
François Lemieux a fondé son entreprise, Lemieux Assurances, en avril 1989, avec l’aide de son père, Julien Lemieux. Un an plus tôt, ce dernier avait vendu son cabinet, J.A. Lemieux Assurances, pour réduire ses activités. François Lemieux a continué d’y travailler, mais une mésentente avec le nouveau dirigeant lui a fait remettre sa démission.
Après avoir démarré l’entreprise dans le sous-sol de la résidence familiale, un premier bureau a été ouvert en 1989 à Lévis. Grâce aux contacts de son père, il a rapidement pu obtenir des contrats avec plusieurs assureurs. « J’avais plus d’assureurs que de clients quand j’ai commencé », raconte-t-il. Avec son associé Alain Lapointe, les premières années ont été très occupées.
À l’époque, la municipalité de Lévis comptait une population d’environ 45 000 personnes et il avait au moins une douzaine de cabinets de courtage pour les desservir. « Je me rendais partout pour chercher des clients. J’allais voir des entrepreneurs sur un chantier et je leur demandais s’ils étaient assurés. Aujourd’hui, ce genre de sollicitation est susceptible de provoquer l’arrivée de la police », dit-il. Trente-six ans plus tard, Lévis compte plus de 145 000 habitants, et il reste peu de concurrents.
Lemieux Assurances compte désormais une dizaine d’établissements établis à Beauceville et à Saint-Henri, en Chaudière-Appalaches, de même qu’à Québec et Pont-Rouge, dans la Capitale-Nationale, à Drummondville et à Bécancour, dans le Centre-du-Québec, à Trois-Rivières et Yamachiche, en Mauricie, à Boucherville en Montérégie et, maintenant, à Saint-Jérôme dans les Laurentides à la suite de l’arrivée de l’équipe d’Assurance TCM dans son entreprise. Le volume de primes devrait approcher les 150 millions de dollars (M$) d’ici la fin de l’année 2025.
La croissance
Lors de l’entretien accordé au Journal de l’assurance, en marge de cette transaction mise en vigueur le 1er mai 2025, François Lemieux explique le processus qui le guide dans la réussite de ses acquisitions.
Quand il a fondé l’entreprise en 1989, il avait une cible : atteindre 6 M$ en volume de primes. « Après cela, on a voulu se rendre à 10 M$, puis à 25 M$, à 50 M$, et vous connaissez l’histoire. »
Certes, la progression est plus facile ces dernières années, avec des primes qui, notamment en assurance aux entreprises, augmentent en moyenne de 8 % par année. « La récurrence du besoin d’assurance, c’est une bonne chose. Les gens ont besoin d’assurer leurs biens. »
Le mot confiance revient souvent dans la conversation. « J’aime tellement mon métier. J’aime travailler, faire croître l’entreprise. Faire des acquisitions, c’est motivant. Les gens qui acceptent de se joindre à nous, ils nous font confiance. Il n’y a pas juste l’aspect financier là-dedans. Les gens adhèrent à tes valeurs et à celles de l’entreprise », dit-il.
Pour que les nouveaux courtiers qui se joignent à Lemieux contribuent à cette croissance, « il faut faire ça simplement. On n’a pas de grande théorie. Les gens sont prêts à adhérer à des concepts qu’ils comprennent ».
M. Lemieux reconnaît que pour certaines transactions, malgré ses efforts, les résultats obtenus ont été inférieurs aux attentes. « Parfois, les gens à l’interne savent déjà qu’ils vont s’en aller travailler ailleurs, même s’ils disent le contraire quand tu les rencontres », explique-t-il.
Par nature, le courtier d’assurance est indépendant de caractère; parfois, le changement de propriétaire au sein du cabinet peut l’inciter à plutôt se lancer à son compte, selon lui.
Le courtage indépendant
Le maintien du statut du cabinet dans le courtage indépendant est une grande motivation dans les discussions qu’il entretient avec les autres courtiers. « Un courtier indépendant est capable de prendre les décisions au quotidien. »
« Un courtier qui veut se former pour développer un nouveau créneau, ou qui n’avait pas encore sa certification en assurance aux entreprises, on l’aide à suivre les cours et à obtenir les compétences. On réussit quand même à attirer beaucoup de monde chez nous, notamment grâce à notre statut de courtier indépendant », poursuit-il.
« On fait affaire avec une grande variété d’assureurs. Le courtier peut placer son risque là où c’est avantageux pour son client. C’est une latitude que d’autres courtiers n’ont pas. L’indépendance chez nous, ça se passe à tous les niveaux. J’y crois tellement à cette nécessité de l’indépendance du courtier », dit-il.
M. Lemieux encourage ses courtiers à continuer de se former pour diversifier leurs activités en assurance commerciale. Au fil des ans, Lemieux Assurances a pu développer des créneaux intéressants, notamment l’assurance agricole. « Quand on fait juste des lignes personnelles, les défis ne sont pas les mêmes. Les dossiers complexes, il n’y en a pas tant que ça », dit-il.
Le financement
« L’indépendance, c’est quelque chose qui me motive. Je suis capable de prendre mes décisions, je n’ai pas de permission à demander, je suis capable de faire grandir mon entreprise. C’est mon modèle d’affaires », insiste M. Lemieux.
Le financement des acquisitions chez Lemieux Assurances passe par une institution bancaire. « Quand j’achète une entreprise, mon partenaire, c’est BMO. »
François Lemieux indique qu’il comprend la situation des cabinets qui financent leur croissance auprès d’un assureur. Il ajoute : « Le cabinet ne vous le dit pas, mais il y a une bonne partie de sa nouvelle clientèle qui lui est directement référée par l’assureur qui le finance. »
« Nous ne sommes pas là-dedans. Nous sommes présents auprès de nos clients, qui nous donnent beaucoup de référence, ce qui nous aide. Évidemment, on commence à avoir une belle notoriété. Après 36 ans, on est un peu plus connus, il faut que ça rapporte un peu. »
L’intégration
« Quand j’ai acheté un premier bureau en 2006, je me demandais comment j’allais accueillir ces gens-là. C’était ma première vraie intégration. J’avais fait deux autres transactions avant, mais pas de la même taille. Là, c’était plus sérieux », raconte-t-il.
Quand les clients du cabinet acquis sont prévenus du changement de propriétaire, il faut préparer l’équipe, car cela génère plusieurs appels. « On s’est donné une procédure. Ça tenait sur une page. À la deuxième acquisition, on a ajouté des choses à faire. Le document est rendu à une trentaine de pages. Cela comprend toutes les étapes qui précèdent la transaction, durant la transaction et à des moments précis par la suite, jusqu’à un an après. »
« L’autre aspect qu’on ne peut pas négliger, c’est l’implication communautaire des cabinets dans leur localité. La plupart fournissent des commandites, ils redonnent à la communauté. Il faut s’en occuper, déterminer ce qui est utile pour le cabinet », dit-il.
Quand François Lemieux acquiert un bureau de courtage, il veut attacher les courtiers faisant partie de la haute direction pour au moins un an, sinon deux années. « Tant mieux s’ils veulent rester plus longtemps. Les courtiers d’Assurance TCM sont encore très jeunes, j’espère qu’ils vont rester très longtemps », dit-il.
Il juge important de retenir les employés le plus longtemps possible après l’intégration du portefeuille. « Même si les individus n’adhèrent pas toujours à nos méthodes, nous sommes capables de nous adapter à eux. Nous sommes capables de faire des compromis pour le temps où ils sont toujours présents dans le cabinet, et c’est bien correct ainsi », précise-t-il.
La recette semble fonctionner, si l’on se fie au taux de rétention de la clientèle après la transaction, qui dépasse 90 %. « Cela me surprend chaque fois. Si le cabinet servait bien sa clientèle, au renouvellement, les clients viennent vers nous », dit-il.
L’avantage
Quel est l’avantage pour un bureau de courtage comme Assurance TCM de faire désormais partie de Lemieux Assurances ? François Lemieux insiste sur la réduction du fardeau administratif. « Nous avons un back office, un support administratif, que les plus petits cabinets n’ont pas toujours. On leur fournit des gestionnaires et des administrateurs de comptes, ça leur enlève des tâches, ce qui leur donne plus de temps pour aller voir les clients et en chercher des nouveaux », dit-il.
La gestion des ressources humaines est un autre bon exemple où une entreprise de plus grande taille, comme Lemieux Assurances, est capable d’aider un établissement à trouver les bonnes personnes quand un poste est à pourvoir.
La comptabilité est une autre tâche qui peut peser sur le gestionnaire d’un petit bureau. « Le courtier n’a plus à s’occuper des bilans, des résultats, de penser à ses obligations de formation continue, on s’occupe même de renouveler son permis auprès de l’Autorité des marchés financiers. Nous voulons que le courtier se dévoue entièrement à ses clients, on s’occupe du reste, on a tout ce qu’il lui faut », indique M. Lemieux.
La relève
Sa fille poursuit ses études tout en travaillant au sein du cabinet. Elle entend d’ailleurs obtenir son permis de courtier prochainement, . À 58 ans, François Lemieux n’a pas du tout l’intention de vendre son entreprise ou de prendre sa retraite. « Je suis très heureux de la présence de ma fille dans l’entreprise. Et à l’intérieur du bureau, j’ai de la belle relève aussi », dit-il.
« Faire croître cette entreprise, qui est partie de rien il y a 36 ans, ça me rend fier. Je veux que l’entreprise continue de s’épanouir et je veux y participer », dit-il.