Le régime volontaire d’épargne retraite (RVER) a désormais force de loi pour permettre aux assureurs d’offrir un régime à peu de frais. Le cout du RVER pourrait toutefois être plus élevé que prévu et la rentabilité pourrait ne pas être au rendez-vous avant plusieurs années.Au colloque sur l’état des régimes de retraite du Conseil du patronat du Québec (CPQ) qui s’est déroulé le 12 juin, le RVER retenait presque toute l’attention. Le même jour, Québec a déposé son projet de loi 80 sur les RVER. Ottawa a obtenu la sanction royale pour son projet de loi C-25, la Loi sur les régimes de pension agréés collectifs (RPAC) le 28 juin.

Les astres semblent s’aligner pour régler à frais minimums le problème des deux millions de travailleurs québécois sans régimes privés. Des assureurs ont déjà confirmé leur intention de participer. Par exemple, Great-West a créé un site Web dédié au RVER. Il offre entre autres à l’utilisateur les coordonnées de spécialistes du RVER, un centre de renseignements et un fil de presse dédié aux régimes de retraite.

Standard Life s’est aussi engagée à offrir des RVER. Il faudra toutefois mettre le temps avant de rentabiliser l’exercice, a dit son premier vice-président, régimes d’épargne et de retraite collectifs, Claude Leblanc, lors du colloque du CPQ.

Le gouvernement québécois ne dicte aucun plafond des frais de gestion des RVER à ses éventuels fournisseurs. Le projet de loi mentionne tout simplement que le tout doit être « peu couteux ».

La compétition sera vive

Les fournisseurs s’entendent déjà pour dire qu’ils joueront sur un terrain très compétitif. « Nous avons des cibles assez précises à atteindre pour satisfaire nos critères de rentabilité, tout en respectant ce que le législateur souhaite. Je sais d’expérience que cela coute souvent plus cher que prévu », a dit M. Leblanc, lors de sa conférence.

Le RVER sera un régime à cotisations déterminées. Or, on sous-estime souvent les couts d’administration de ces régimes, ajoute M. Leblanc. « Le volet administratif du RVER est beaucoup plus important qu’on le pense. Il constituera une grosse partie des frais », dit-il.

Selon lui, les fournisseurs devront surveiller de près le cout des transactions. S’ils aspirent à rentabiliser le RVER, des dispositions du régime, comme l’ajustement automatique des contributions au fil des ans, créeront d’importantes obligations de communications aux participants. Et beaucoup de cotisations à gérer dans le système, dit M. Leblanc. Les fournisseurs auront aussi la charge de superviser la perception et la remise des cotisations des participants par les employeurs.

Le poids de la responsabilité fiduciaire repose aussi sur le fournisseur. « L’employeur n’encourt aucune responsabilité découlant des actes ou des omissions de l’administrateur du régime », peut-on lire dans le projet de loi.

En marge de l’évènement, M. Leblanc a confié au Journal de l’assurance que les assureurs pourraient mettre sept ans à retirer de véritables bénéfices de l’exercice. « Si nous perdons de l’argent, le gouvernement devra décider s’il arrête l’expérience ou s’il augmente les frais. D’ici là, nous aurons au moins rendu service à la population. »

Pour s’assurer que les couts du régime demeurent bas, il faudra du volume, dit M. Leblanc. La distribution sera le nerf de la guerre si on veut espérer rejoindre les quelque 120 000 entreprises québécoises visées par la Loi.

Des discussions

« Il y a des discussions actuellement, à savoir si le cadre de distribution devrait être élargi. Par exemple, rien dans le projet de loi ne parle de distribution directe. Il est seulement question de distribution par intermédiaire », dit-il.

Le défi du volume se posera aussi par le fait que le public cible du RVER pourrait comprendre un nombre important de petits salariés. Ces travailleurs n’auront pas nécessairement avantage à adhérer à un RVER. Ceux dont le salaire oscille autour des 36 000 $ auraient peut-être avantage à opter pour un compte d’épargne libre d’impôt (CELI) ou même un REER collectif. « Avant tout, il y aura un test fiscal à faire », dit M. Leblanc.

L’inscription automatique des salariés jouera toutefois un rôle bénéfique, ajoute-t-il. « Cela permettra de transformer l’inertie en action positive », dit-il. Lors du colloque, le président du CPQ, Yves-Thomas Dorval, a dit avoir bon espoir que plusieurs employeurs implanteront le RVER. Dans une entrevue accordée au Journal de l’assurance, il a dit croire que le taux de participation des entreprises pourrait être élevé, même si elles ne sont pas obligées de cotiser.

« Je ne dis pas que toutes les entreprises vont cotiser. Elles le feront si elles estiment qu’un RVER peut les aider à attirer et retenir les employés. Il se pourrait même qu’elles le fassent, par esprit de responsabilité sociale », dit-il.

Le RVER lui semble un régime intéressant. Il croit que le régime devra toutefois passer à travers un banc d’essai. « Il faudra compter au moins jusqu’en 2020 avant de dire s’il fonctionne ou pas. Et ce ne sera pas la panacée. C’est un nouvel outil parmi d’autres. Il ne sera pas utilisé par tous, mais par une masse critique suffisante s’il a sa place dans le coffre », dit M. Dorval.

Il croit de plus que la rentabilité du RVER dépendra du modèle d’affaires de chaque fournisseur. « Il ne sera pas difficile d’arriver à un meilleur cout qu’en investissement individuel », dit M. Dorval. Il suffit à la Régie des rentes du Québec (RRQ) de créer l’équilibre par voie de règlement. « Le cout devra être assez bas pour attirer les cotisants et assez haut pour rentabiliser le régime ».

Rappelant le désastre britannique en matière de RVER, M. Dorval explique que le Royaume-Uni avait placé le plafond des frais de gestion trop bas. Le secret de la sauce est une bonne règlementation. Aux États-Unis, par exemple, l’adhésion automatique a fait grimper l’adhésion aux régimes volontaires jusqu’à 95 %.

Scepticisme à la FCEI

Pour d’autres raisons que la rentabilité, la Fédération canadienne des entreprises indépendantes (FCEI) demeure sceptique envers certaines dispositions du RVER. Sa vice-présidente au Québec, Martine Hébert, le voit comme un fardeau administratif supplémentaire pour les entreprises de cinq employés et plus. Ces entreprises comptent pour la moitié de ses membres.

« Nous aurions préféré que le régime soit entièrement volontaire. Nous croyons que l’épargne-retraite est avant tout une question de responsabilité et de volonté individuelles », dit-elle.

Elle ajoute que la bonne marche du RVER nécessitera une excellente collaboration entre l’employeur et l’administrateur du régime. Le travailleur voudra savoir où va son argent, comment il est géré, etc. « Les PME n’ont souvent pas les ressources qualifiées pour répondre à ces questions », dit Mme Hébert.

Elle pense aussi que l’implantation d’un RVER entrainera des couts cachés pour les PME. « Les employeurs devront prélever les cotisations à même la paie des employés et seront responsables de les envoyer à l’administrateur. Cette charge peut entrainer des couts additionnels de logiciels et de formation auxquels on ne pense pas », dit Mme Hébert.

Malgré ces irritants, la vice-présidente du FCEI adhère aussi au principe que le RVER aidera les PME à retenir la main-d’œuvre qualifiée.