Malgré la robustesse du marché du travail et le rattrapage économique de ces dernières années, le Québec produit encore des retraités parmi les plus pauvres au pays, rappelle Janie Béïque

La présidente-directrice générale du Fonds de solidarité FTQ était de passage devant le Cercle canadien de Montréal, la semaine dernière. Depuis bientôt 40 ans, le Fonds travaille à soutenir la retraite de plusieurs centaines de milliers de Québécois tout en soutenant la croissance des entreprises au Québec, indique Mme Béïque. 

La contribution moyenne des actionnaires du Fonds à leur épargne retraite est de 2 900 $ par année. Bon an, mal an, les sommes déposées en épargne dépassent le milliard. 

« Avec tous ces petits morceaux, on a bâti un moteur pour propulser les entreprises du Québec, un moteur qui a maintenant une puissance de 17 milliards $ d’actifs », dit-elle.

Pour chaque dollar de crédit d’impôt accordé par le gouvernement du Québec entre 2017 et 2022, le Fonds a investi 9 $ dans les entreprises. La première poussée de cette création de valeur vient de la contribution des travailleurs, insiste Janie Béïque. 

Éducation et sensibilisation 

« On a compris depuis longtemps que la préparation à la retraite, le fait d’établir des habitudes d’épargne, ça passe aussi par l’éducation et la sensibilisation », poursuit-elle. 

La situation des retraités doit s’améliorer au Québec, selon la PDG du Fonds de solidarité FTQ. Entre 2014 et 2020, le nombre de régimes à prestations déterminées ou à cotisations déterminées a baissé de 16 %. 

« Près de 6 travailleurs sur 10 n’ont pas accès à un régime de retraite et sont laissés à eux-mêmes pour accumuler leur retraite. Un aîné québécois a des revenus moyens de 9 000 $ par année de moins que son voisin ontarien : 40 000 $ contre 49 000 $. Et 39 % des personnes aînées au Québec touchent le supplément de revenu garanti. On ne doit pas tolérer ça », indique Janie Béïque.

« Un travailleur qui n’arrive pas à épargner pour la retraite risque des lendemains difficiles, on le sait tous. Mais des milliers de travailleurs qui n’épargnent pas suffisamment dans une société qui vieillit rapidement, c’est une bombe à retardement social et financière », insiste-t-elle.

Pour éviter cela, le Fonds s’est donné comme objectif de convaincre dans les cinq prochaines années quelque 100 000 personnes sans régime de retraite ou qui gagnent moins de 55 000 $ de s’engager dans une démarche d’épargne. « Il y a un risque de crise à la retraite. Nous sommes aux premières loges pour le constater », dit-elle. 

Pour 93 % des actionnaires, ajoute-t-elle, la contribution se fait par une retenue directe sur le salaire et le crédit d’impôt est appliqué à la source.

« Depuis 40 ans, le Québec émerge comme une force économique au Canada et en Amérique du Nord. Nous avons des entreprises prometteuses dans tous les secteurs. Il y a un Québec qui est bien positionné, dont nous sommes partenaires, dont nous sommes fiers. Mais il y a aussi un Québec pour qui c’est plus difficile. Il faut en prendre soin. Nous sommes le partenaire de ces deux Québec », note Mme Béïque.

Axes d’investissement 

Les efforts du Fonds se déroulent sous trois grands thèmes : l’investissement, l’épargne et l’accompagnement. « C’est l’essence de notre ADN », dit-elle. 

« Nous créons de l’épargne. Nous investissons cette épargne afin de générer des rendements. Nous accompagnons les entreprises et nous le faisons d’une manière unique », ajoute Janie Béïque.

Au cours de son plus récent exercice financier, le Fonds a investi 1,4 milliard de dollars (G$), soit une cinquième année consécutive où l’on franchissait la barre du milliard de dollars en investissements. Le rendement a été de 9,1 %. 

Si le rendement financier est essentiel, le Fonds recherche aussi un rendement sociétal. « C’est ce qui s’appelle donner de la valeur à nos valeurs. Le rendement sociétal, c’est ce que chaque dollar investi, chaque geste posé généré en bienfaits supplémentaires au rendement financier », dit-elle.

En conséquence, Janie Béïque énumère les axes d’investissement où l’organisme peut faire une différence tout en générant un rendement.

Le premier est évidemment la retraite adéquate « pour encourager plus de personnes à accumuler un revenu de retraite suffisant pour qu’elles vivent dignement après le travail ».

Le Fonds cible les projets immobiliers durables et à vocation sociale. « En juin dernier, nous avons annoncé avec le gouvernement un programme de construction de logements abordables au Québec. Ça avance très bien puis on a l’intention d’en faire plus », souligne-t-elle.

Avec l’accès au logement abordable et à la propriété qui devient une préoccupation de plus en plus importante, les plus jeunes générations peineront davantage à épargner, déplore-t-elle. « Nous, comme institution, si nous ne faisons rien, je ne sais pas qui d’autre va faire quelque chose. »

L’organisme appuie la croissance des PME au Québec et à l’étranger. On se préoccupe aussi de l’attraction et de la rétention des talents. 

La transition environnementale et le virage technologique sont aussi encouragés. Le Fonds est un investisseur patient et ses investissements sont forcément analysés sous l’angle de la durabilité. 

« Avant d’investir, on regarde aussi l’impact de l’entreprise sur son milieu, sur sa communauté, sur ses employés, sur ses partenaires. On regarde l’entreprise en pensant à l’avenir », précise Mme Béïque. 

Un bon exemple 

Après son allocution, Janie Béïque a échangé avec Éric Martin, PDG de Métal 7. Quand elle a été transférée du côté de l’investissement au Fonds de solidarité FTQ, cette entreprise est l’une des premières que Mme Béïque a accompagnées afin de maintenir le siège social au Québec. 

Cette entreprise manufacturière fondée en 1974 à Sept-Îles, qui compte désormais 200 employés, est devenue un important fournisseur des entreprises minières. Quelque 80 % de ses revenus viennent de l’étranger, où elle exporte dans 22 pays ses produits de tamisage du minerai, de filtration, de combustion, de transport du minerai et de sécurité des sites miniers. 

Il y a 10 ans, grâce à des investisseurs institutionnels, dont le Fonds FTQ, les actions de l’ancien propriétaire ont été rachetées. Depuis, l’entreprise génère des revenus qui lui permettent de procéder à ses propres acquisitions.

Janie Béïque profite de sa présence pour souligner l’existence du programme Hastuce au Fonds. Par son entremise, on prête des ressources à l’entreprise pour s’assurer que l’humain n’est pas oublié dans la démarche de croissance stratégique.

Métal 7 contribue à diminuer l’empreinte environnementale de ses entreprises clientes, ce qui donne encore plus de valeur à l’investissement du Fonds, conclut-elle. 

* L’article a été rédigé à partir d’un enregistrement audio de la présentation qui nous a été fourni par les organisateurs.