Un paiement qui ne se fait pas faute de provisions suffisantes dans le compte bancaire. Un avis envoyé à une mauvaise adresse. Un examen sanguin suspect. La police d’assurance vie contractée 30 ans plus tôt a été annulée et n’a pas été réactivée. Le recours du consommateur échoue, le tribunal ayant donné raison à l’assureur. 

Le jugement qui a tranché le litige entre l’assuré et Beneva a été rendu le 14 août dernier par la juge Magali Lewis, du district de Montréal de la Cour du Québec.

Afin de bénéficier des règles simplifiées relatives au recouvrement, le demandeur réduit le montant de sa réclamation à 15 000 $, soit la limite que peut accorder la division des petites créances de la chambre civile du tribunal. 

Jean-Luc Beauchemin reprochait à Assurance SSQ (Beneva) d’avoir mis fin de manière unilatérale à son contrat en avril 2019. En septembre 1988, il avait adhéré à ce contrat d’assurance vie pour un montant de 100 000 $ payable en cas de décès auprès de la Compagnie d’assurance Provinces-Unies

Le contrat a une valeur de rachat de 50 000 $ à 65 ans et de 65 000 $ à 80 ans. Dans les années 1990, la police est transférée à Axa assurance, avant d’être reprise par SSQ en 2012. Tous les droits ont été cédés à la Société d’assurance Beneva en janvier 2023. 

Délai de grâce 

Outre la première prime, la compagnie accorde sans intérêt un délai de 30 jours pour effectuer le paiement de la prime. Après ce délai de grâce, si la prime demeure impayée, la police est résiliée et n’a pas de valeur de rachat. 

Le 12 avril 2019, SSQ écrit à M. Beauchemin pour l’informer que le prélèvement bancaire de 40,90 $ a été refusé faute de provisions suffisantes. L’assureur accorde au demandeur jusqu’au 10 mai 2019 pour payer la prime due et rembourser les frais de 25 $. La police est résiliée faute de réaction du consommateur. 

Au cours des deux années qui suivent la date de résiliation du contrat pour défaut de paiement de la prime, le propriétaire peut obtenir sur demande écrite la remise en vigueur du contrat, selon diverses conditions. 

Ce n’est qu’en mars 2021 que le client constate qu’il n’y a plus de prélèvement automatique pour payer sa police d’assurance vie. Le conseiller qui avait fait souscrire la police écrit à l’assureur pour remettre en vigueur le contrat.

Le 26 mars 2021, l’assureur confirme que le montant à payer pour réactiver la police est de 1 033,33 $ et précise la date limite pour transmettre le formulaire requis. Les documents sont acheminés dans le délai prescrit, tout comme le paiement. 

Le 2 juin 2021, après analyse du formulaire d’assurabilité, des résultats du profil sanguin et de l’analyse d’urine, l’assureur écrit au consommateur pour l’aviser qu’il refuse de remettre le contrat en vigueur. On lui rembourse les fonds récemment perçus, moins 25 $. 

La lettre est transmise à l’adresse qui apparaît sur le formulaire signé le 1er avril 2021. Les résultats de l’analyse sanguine sont joints, mais faute de rapport médical, le tribunal ne peut en interpréter les résultats. 

Révision du dossier 

À partir de septembre 2021, le demandeur tente de contester la décision de l’assureur. Une première plainte formelle est expédiée, pour laquelle il essuie un refus, tout comme lors de la demande de révision du dossier qui suit. Le 22 décembre 2021, SSQ maintient son refus après réévaluation du dossier. 

Le 11 décembre 2023, une experte en tarification mandatée par l’assureur produit un rapport où elle estime que le profil sanguin confirme que le consommateur n’est pas assurable pour une assurance vie. Elle souligne le taux élevé d’antigène spécifique de la prostate (APS). De plus, la prise de Metformine à titre préventif pour le diabète de même que l’historique familial « auraient motivé un tarificateur raisonnable à demander un profil sanguin et une analyse d’urine », écrit l’experte dans son rapport. 

En septembre 2022, l’intervention de l’ombudsman des assurances de personnes ne permet pas d’obtenir une entente entre les parties. 

Le consommateur estime que l’assureur a profité de la situation pour se débarrasser de lui et se soustraire au contrat. Il était en train de démarrer une entreprise et vivait des difficultés financières au printemps 2019, ce qui a causé le défaut de paiement. Il considère l’annulation « expéditive » et faite « en catimini », rapporte-t-on dans le jugement. 

L’analyse 

Le tribunal estime que le demandeur n’a pu soumettre une preuve convaincante. La juge Lewis détermine que l’assureur était justifié d’annuler le contrat le 10 mai 2019.

Les clauses du contrat d’assurance sont conformes à l’article 2427 du Code civil du Québec. La résiliation est automatique du seul fait du dépassement du délai de grâce fixé par le contrat. 

Quant au refus de réactiver le contrat, la clause 15 de la police respecte la disposition de l’article 2431 du Code civil. Celle-ci prescrit les conditions de remise en vigueur du contrat. Si le délai a été respecté, les conditions nécessaires pour être assurable au titre du contrat résilié ne sont pas remplies par le demandeur. 

« Il appartenait à M. Beauchemin de faire la preuve de bonne santé et d’assurabilité selon les critères qui prévalaient lors de l’établissement de l’assurance » et le client n’a pu établir cette preuve, indique le tribunal. Son seul témoignage n’est pas suffisant pour invalider l’évaluation de son assurabilité faite par l’assureur ou le rapport de l’experte. 

La mauvaise adresse 

Le conseiller qui a vendu la police a reçu une copie des avis de défaut de paiement et de résiliation du contrat de son client. Il était responsable d’aviser l’assureur des changements d’adresse du consommateur, et ce dernier devait faire de même auprès de son représentant. 

Le conseiller devait témoigner après avoir été assigné par M. Beauchemin, mais le 29 mai 2025, le demandeur a avisé le tribunal qu’il renonçait à ce témoignage.

De plus, le tribunal souligne que le client n’a pas requis que son conseiller dépose une déclaration assermentée pour expliquer à quel moment il a été informé des changements d’adresse du consommateur avant le 10 avril 2019 et du suivi qu’il a fait après avoir reçu les avis de défaut de paiement et de résiliation. 

L’assureur ne commet pas de faute s’il envoie des avis à la mauvaise adresse quand il n’a pas été avisé du changement, indiquait la Cour supérieure dans une décision rendue en 2006, précise le tribunal.