Alors que le nombre de véhicules volés chaque année au Québec se stabilise autour de 17 000 unités, la valeur moyenne des automobiles ciblées est, elle, en constante progression. De quoi donner raison aux fournisseurs de solution antivol qui invitent les consommateurs à miser sur la prévention, plutôt que de compter sur la répression.
Il ne s’agit pas encore des chiffres officiels, mais en 2014, il se serait volé près de 17 000 véhicules au Québec, un chiffre qui se situe dans la lignée de ceux enregistrés les années précédentes. Selon Statistique Canada et le Centre de renseignements policiers du Québec (CRPQ), il y avait une moyenne de 27 000 véhicules volés au Québec en 2009.
Depuis, chaque année, une baisse plus ou moins marquée est constatée même si désormais, cette baisse sera moins nette qu’auparavant. « Les prévisions montrent que la situation va rester stable », explique Charles Rabbat qui dirige le service d’enquête du Bureau d’assurance du Canada (BAC).
Pourquoi stable à 15 000, 16 000 ou 17 000 véhicules? « Parce que les voleurs se sont habitués aux nouvelles technologies, aux clés à puces, aux systèmes de repérage GPS, au marquage, etc. Il va donc y avoir une certaine stabilité du nombre de véhicules volés », dit-il.
Il est vrai que l’adoption d’un règlement qui oblige, depuis 2007, les constructeurs automobiles à installer des dispositifs d’immobilisation électronique dans leurs nouveaux véhicules a porté ses fruits en réduisant rapidement le nombre de vols.
Toutefois, si on constatait en 2013 une baisse du nombre de véhicules volés, du point de vue de la valeur totale, les chiffres étaient pratiquement comparables avec l’année d’avant. Car aujourd’hui, il est devenu plus intéressant pour les criminels de voler des véhicules plus luxueux, de plus grandes valeurs, au premier rang desquels on retrouve des Lexus, des Jeep Cherokee, des Mercedes, des Ford 150. En revanche, la baisse s’est poursuivie concernant le vol de véhicules de moindre valeur, le petit véhicule le plus volé restant la Honda Civic.
Hausse du cout du vol
« Dans les chiffres, on constate une hausse du cout moyen par véhicule volé, précise Freddy Marcantonio, vice-président de Tag Tracking, une société qui commercialise un système de prévention du vol, basé sur l’identification et le repérage des véhicules. Quand on joint ce chiffre-là au taux de véhicules retrouvés qui, lui, a tendance à diminuer, moins de 30 %, le cout en perte totale pour les assureurs augmente. Il y a 10 ans, on avait 45 000 vols de véhicules et ça coutait 165 millions de dollars à l’industrie de l’assurance. Aujourd’hui, on en a à peine 20 000, mais ça coute 450 millions de dollars aux assureurs »
La tendance reste donc les véhicules de luxe, et tout spécialement les 4x4. « On se concentre surtout au niveau du Port de Montréal et on les différencie en deux catégories, poursuit M. Rabbat du BAC. Les Toyota et les Nissan, tout d’abord, qui sont le plus souvent expédiés vers les pays d’Afrique de l’Ouest. Ce sont des véhicules très prisés, que ce soient le Sequoia, le Highlander, ou encore le RAV4. Ce sont des véhicules solides, vendus à travers la planète, et les “morceaux”, les pièces de rechange, se revendent facilement. Ensuite, il y a des véhicules comme la Mercedes GL550 ou la Lexus 350 qui sont très prisées par les pays de l’Est comme la Russie, la Roumanie ou la République tchèque. Ces véhicules ont une très grande valeur là-bas et l’exportation de véhicules volés vers ces pays-là est encore très forte. Par exemple, un GL550 volé neuf au Québec sera revendu en Russie 10 à 15 000 dollars de plus. »
« L’exportation est devenue le bébé caché des réseaux qui visent les pays où il y a un embargo ou un quota du nombre de véhicules qui peuvent être importés, ajoute Freddy Marcantonio. C’est une activité très très rentable. D’ailleurs, ce ne sont plus des réseaux, mais des petites PME, des compagnies à numéro qui peuvent générer entre 20 et 50 millions de dollars par année. Eux ne volent d’ailleurs jamais les véhicules : ils paient quelqu’un pour voler le véhicule ou alors ils l’achètent à quelqu’un qui veut s’en débarrasser. »
Car il n’y a pas que le vol « traditionnel ». Avec la garantie valeur à neuf proposée par de nombreux concessionnaires ou professionnels de l’assurance, les fraudes représentent un phénomène qui s’est largement développé, au point de concerner aujourd’hui près de 30 % des véhicules rapportés comme volés. Le vol pour l’exportation ou les pièces détachées représentant lui 50 % des vols d’automobile au Québec.
Quant au 20 % restant, ils représentent ce qu’on appelle communément les joyrides, lorsque des véhicules sont dérobés sans but particulier, par pur plaisir. Une fois le parcours effectué, le véhicule est généralement abandonné, voire parfois incendié.
« On dénombre plus d’une douzaine organisations criminelles au Québec en provenance du Liban, du Nigeria, de la Côte d’Ivoire, de Russie ou encore d’Italie, souligne Charles Rabbat. À la suite d’une enquête de la GRC, on a même pu faire la démonstration que certains de ces groupes financent des organisations criminelles et le terrorisme, notamment le Hezbollah. Les véhicules volés sont une monnaie d’échange, les organisations criminelles ne sont parfois pas payées en argent, mais en drogue ou en armes. »
Des voleurs experts en techno
L’exportation ne concerne pas néanmoins seulement l’Afrique ou les anciennes républiques soviétiques. Le phénomène se répand de plus en plus d’une province canadienne à une autre. « Grâce à une action menée conjointement avec le BAC, nous avons pu récupérer deux véhicules de haute valeur, une Mercedes SL550 et un Cadillac Escalade, qui devaient être exportés vers le Nouveau-Brunswick, affirme Annie Roy, directrice de Vin-Lock. Les véhicules avaient été maquillés, mais le marquage de Vin-Lock a permis de les identifier. Le vol pour l’exportation se fait aussi vers les autres provinces. C’est d’ailleurs la confirmation qu’il y a des véhicules, des bateaux ou même des roulottes exportés ailleurs au Canada. »
La technologie embarquée désormais à bord des véhicules a donc forcé les voleurs à « s’améliorer », à « s’adapter au marché ». Désormais, déverrouiller et démarrer un véhicule est plus l’affaire d’un informaticien que d’un voleur amateur. Rien n’est improvisé et voler une automobile est devenu un véritable travail d’experts.
Finies donc les serrures forcées ou les vitres cassées, les voleurs disposent aujourd’hui de tous les outils technologiques pour déverrouiller le véhicule ciblé : laptop pour lire les codes-barres ou directement la clé à puce, intercepteur d’ondes pour lire la clé à distance… Ils peuvent aussi bénéficier directement d’un informateur chez le concessionnaire qui va leur donner le code de la clé à puce pour qu’ils puissent ouvrir le véhicule. « Pour beaucoup de vols, 20 à 25 %, les voleurs ont eu tellement de données en leur possession que l’on sait qu’il y a eu une vente d’information, que ça vient d’un garagiste, d’un voiturier, d’un employé d’un concessionnaire », prévient M. Rabbat.
Une fois à l’intérieur, les voleurs vont brancher directement un ordinateur sur l’ordinateur de l’auto et pourront alors procéder au duplicata de la clé sur place. Les voleurs peuvent même parfois être équipés d’un bumper-beeper (un système de repérage GPS) afin de pouvoir suivre le véhicule dont ils ont déjà la clé, et de le voler dans un environnement où ils seront moins exposés.
« Pour les modèles de Toyota, ce n’est pas compliqué, il y a deux endroits où on peut trouver un code de clé, affirme Yvon Morin, enquêteur au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM). C’est un code à 5 chiffres qui se trouve dans le manuel du propriétaire sur un autocollant ou qui est gravé sur la serrure côté chauffeur. Ce code de clé, à l’aide d’un logiciel, va nous donner un chemin de clé et une coupe de clés. Avec un taille-clé annexé à mon laptop, je vais pouvoir me tailler la clé sur mesure ».
La deuxième étape, c’est de se présenter sur les lieux avec une clé préencodée. « Avec ma clé, j’ouvre la porte du véhicule. Une fois à l’intérieur, je vais utiliser un outil de mécanicien, un scanner, et je vais déprogrammer la codification de l’ordinateur de bord du véhicule et le reprogrammer pour qu’il reconnaisse la nouvelle puce. La mémoire du véhicule a alors été remplacée. Le propriétaire ne peut plus partir avec son véhicule. C’est de cette façon que l’on peut avoir des véhicules volés avec zéro dommage, prêts pour la vente. Cette technique fonctionne aussi pour les autres fabricants sauf que pour avoir un code de clé, il faut se rendre chez un concessionnaire pour obtenir le numéro de série d’un véhicule. Il ne reste après qu’à encoder la clé avec ce numéro-là. »
La dissuasion pour aider la prévention
Grâce à son principe de marquage antivol au jet de sable et au burin qui consiste à graver un code alphanumérique sur les pièces principales du véhicule, Marquage Antivol Sherlock rend ainsi un véhicule moins attrayant pour le voleur. Et si ce dernier décide quand même de le dérober, alors il pourra être incriminé, car l’origine des pièces pourra être retracée.
« Le message qu’on lance, c’est : “prenez un autre véhicule, celui-là va vous amener du trouble”. On prône la prévention, et la prévention, pour nous, passe par le marquage des pièces », souligne Anne-Marie Jodoin, directrice générale de Sherlock, dont la société dénombre aujourd’hui 600 000 véhicules marqués en circulation au Québec, sur les 5 millions qui roulent dans la province.
« Ultimement, l’objectif de notre entreprise c’est de revenir à la base, rappelle Mme Jodoin. Qu’est-ce qu’un voleur souhaite? Il veut prendre un véhicule pour en tirer un profit. Et que doit-on faire pour rendre le véhicule moins attrayant? C’est assez simple, il faut qu’il perde de la valeur sur le marché noir. Et pour perdre de la valeur sur le marché noir, il faut qu’on soit capable d’identifier l’origine de la pièce. »
Pour Annie Roy, qui dirige Centrale Vin-Lock, une entreprise spécialisée dans le burinage de véhicules et d’équipements tels que les automobiles, les bateaux, les équipements agricoles et industriels, mais aussi les motoneiges, les véhicules remorques ou encore les VTT, le constat est identique : « quand un véhicule est buriné dans son ensemble, il ne vaut pas très cher », souligne-t-elle. « On trouve souvent des véhicules volés et stationnés dans une rue de Montréal. En effet, quand un voleur présente un véhicule marqué à son réseau criminel, on lui fait comprendre qu’il vaut mieux trouver un autre véhicule. Il va alors le garer et en voler un autre, non marqué celui-là. »
Vin-Lock procède donc au burinage de 60 pièces et plus sur un même véhicule, les pièces identifiées étant celles qui sont le plus demandées sur le marché des pièces détachées. Et dans le cas des véhicules industriels, ce ne sont pas moins de 125 pièces qui sont marquées. « Vin-Lock émet aussi des certificats de conformité qu’il est impossible de falsifie. Sur présentation de ce certificat, une majorité d’assureurs québécois offrent, par ailleurs, un rabais substantiel. Ce rabais, particulier à chaque dossier d’assurance, s’appliquera notamment sur les chapitres concernant le vol et le vandalisme. »
Autre système de prévention, Tag Tracking, qui, à la différence de ses deux concurrents susnommés, confronte les voleurs non seulement à du marquage électronique, mais aussi à des éléments de repérage multiplies. Et comme pour Sherlock ou Vin-Lock, le voleur est avisé que le véhicule est protégé par le système Tag grâce au logo de la société apposé sur le coin inférieur des vitres côté conducteur et passager.
« On a réussi à baisser l’instance de vol à 99,82 % sur la majorité des véhicules visés par les voleurs, dit Freddy Marcantonio, vice-président de la société. Sur les 5 dernières années, le nombre de véhicules protégés par le système Tag qui ont été volés aurait dû atteindre près de 800. Or, on en compte aujourd’hui seulement 85, dont 7 cas de fraude à l’assurance, pour un taux de réussite de véhicules retrouvés de 100 %. Pour nous, c’est donc important d’avoir notre logo sur les deux portes. J’aime mieux que nos véhicules ne soient pas volés plutôt que de devoir les repérer pour les retrouver. On ne veut pas que les voleurs touchent à nos véhicules. »