Parallèlement à la hausse des coûts de la vie, les dépenses liées aux voyages augmentent également. La conscience des risques associés aux déplacements semble elle aussi s’accentuer, rendant les Canadiens plus enclins que jamais à se munir d’une assurance voyage. Cela dit, ils peuvent plus fréquemment avoir besoin d’aide pour choisir une couverture, les formules d’assurance et les conditions de voyage des Canadiens devenant de plus en plus variables. 

Bien qu’il soit encore trop tôt pour disposer de statistiques, les images diffusées sur les réseaux sociaux lors des récentes vacances de mars, par exemple, montrent des aéroports vides, supposément des salles d’embarquement pour des vols à destination des États-Unis. 

Dans une nouvelle note publiée par Morningstar DBRS, la firme de notation cite des données de OAG Aviation Worldwide Limited (OAG), un fournisseur mondial de données sur les voyages. En comparant les réservations effectuées en mars 2025 à celles de mars 2024, OAG observe une baisse de plus de 70 % des réservations vers les États-Unis pour les mois à venir. Les compagnies aériennes, elles, soutiennent que la faiblesse du marché transfrontalier n’est pas aussi marquée que ce que les données de OAG laissent croire. 

« L’activité aérienne entre le Canada et les États-Unis a ralenti, et cette tendance pourrait s’accentuer durant l’été, les réservations à l’avance ayant considérablement chuté », écrivent les analystes dans un commentaire portant sur le profil de risque de crédit des transporteurs aériens canadiens, intitulé The Summer of 2025 May Not Bring Much Joy for Canadian Airlines. 

En 2024, les Canadiens ont effectué 39 millions de voyages aux États-Unis. En février 2025, le nombre de Canadiens revenant en avion d’une destination américaine a diminué de 13,1 %. Le nombre de ceux revenant en voiture a chuté de 23 %, comparativement à l’année précédente. 

Selon les spécialistes des tendances de voyage, cela s’explique en partie par le fait que les voyages en avion sont souvent planifiés longtemps à l’avance, alors que les déplacements en voiture sont plus spontanés et reflètent mieux l’état d’esprit du moment. « Cela commence à se refléter dans certaines réservations », affirme Will McAleer, directeur général de l’Association canadienne de l’assurance voyage (THIA). « Toutefois, les voyageurs actuels ont tous réservé à l’avance. » 

Pamela Wong, responsable des partenariats chez Manuvie Canada, abonde dans le même sens, précisant que les réservations à l’avance sont typiques pour les voyages plus coûteux. « Globalement, il n’y a pas eu de grands bouleversements », dit-elle, « mais je pense que la composition des voyages va probablement évoluer. » 

Les Canadiens souhaitent toujours voyager. Un sondage mené récemment pour Croix Bleue Canada révèle que les voyageurs potentiels font preuve de créativité face à la hausse des coûts, et sans doute face à une inquiétude croissante à l’idée de se rendre aux États-Unis. 

Réalisé en novembre 2024, le sondage annuel portait sur les pressions financières liées au voyage, l’instabilité géopolitique, les préoccupations environnementales et les choix de plus en plus éthiques réalisés, surtout par les jeunes voyageurs. 

Il révèle que 81 % des répondants modifient leurs habitudes de voyage en raison des coûts, soit une hausse de 17 % par rapport à l’année précédente. Parmi eux, 36 % réduisent déjà le nombre de voyages à effectuer, 35 % recherchent des hébergements ou des destinations plus abordables, 25 % privilégient les séjours près de chez eux et 22 % écourtent leurs séjours. 

Mené auprès de 2 072 Canadiens, le sondage montre également que 47 % des personnes sondées sont moins enclines à visiter les États-Unis dans les 12 prochains mois — une perception qui n’a pas encore été réévaluée à la lumière des récents événements. 

À la question de savoir si les changements dans les habitudes de voyage des Canadiens préoccupent les assureurs, ceux qui ont discuté du sujet avec le Insurance Portal se sont montrés peu inquiets — le sentiment général étant que les Canadiens continueront de voyager, mais en étant simplement plus sélectifs quant aux destinations. 

Toutes les polices ne se valent pas 

Le prix a toujours été un facteur déterminant pour l’achat d’une assurance voyage. « C’était toujours un élément de poids, car si vous avez le moindre problème de santé, l’assurance voyage peut devenir très coûteuse », explique Sylvain Lamanque, vice-président principal chez SecuriGlobe inc. Il ajoute que certaines primes ont augmenté de 30 % chez certains assureurs au cours des 12 à 14 derniers mois. « Donc, d’un point de vue comportemental, les consommateurs magasinent davantage. » 

Cela dit, tous s’entendent pour dire qu’aujourd’hui, le prix doit aujourd’hui être relégué au second plan, au profit d’une véritable analyse de la couverture disponible. Cette approche a toujours été nécessaire, mais elle devient d’autant plus importante que les Canadiens recherchent des expériences plus diversifiées. 

Il se pourrait que les Canadiens aient besoin de l’expertise d’un agent ou d’un conseiller pour choisir une couverture appropriée. Quant aux agents d’assurance, ils doivent savoir qu’il existe des couvertures qui peuvent permettre à leurs clients d’économiser beaucoup d’argent, particulièrement si les États-Unis ne font pas partie de leurs plans de voyage. 

M. Lamanque souligne que pour les assureurs couvrant les soins aux États-Unis, les coûts grimpent de 30 % d’entrée de jeu à cause du taux de change. De plus, ce pays est notoirement dispendieux pour y recevoir des soins médicaux. « Ce qui influe sur les coûts, c’est la sinistralité — une sinistralité que la plupart des assureurs sont en train d’expérimenter en ce moment », dit-il. « D’après ce que nous entendons, leurs ratios de sinistres se détériorent. L’une des principales raisons est le coût des soins de santé aux États-Unis. » 

M. McAleer partage cet avis. « Les États-Unis sont le pays où le coût des soins médicaux est le plus élevé au monde », dit-il, ajoutant que les personnes qui voyagent en Europe et évitent complètement les États-Unis peuvent probablement réaliser des économies, car les tarificateurs tiennent compte des coûts de soins moins élevés lorsqu’ils fixent les primes. « Cela peut mener à des économies très significatives. » 

Obtenir la bonne couverture 

Ceux qui voyagent à l’intérieur du Canada peuvent réaliser encore plus d’économies. Malgré les primes relativement abordables pour les voyages interprovinciaux, de nombreux clients ont besoin de se rappeler que cette couverture est nécessaire. Selon les représentants de Croix Bleue, Joanne Parent, vice-présidente des ventes nationales d’assurance voyage, et Joseph Russo, directeur des assurances et des voyages nationaux, au moins 25 % des voyageurs qui avaient l’habitude de se rendre en Floride et en Arizona voyageront au Canada à l’avenir. 

« Certaines personnes croient que l’assurance maladie universelle les couvre partout au pays. Or, certains soins ne sont pas couverts d’une province à l’autre. Il faut en tenir compte », indique M. McAleer, précisant que les services d’ambulance terrestre ou aérienne ne sont pas pris en charge. « Cela peut coûter très cher s’il n’y a pas de couverture. » Les médicaments prescrits dans un hôpital ne sont pas non plus couverts. « Il faut s’assurer d’avoir une police pour les voyages à l’intérieur du Canada. La bonne nouvelle, c’est que ces protections sont très abordables, car beaucoup de coûts sont encore pris en charge. » 

Pour tout type de voyage, il recommande aux consommateurs et à leurs agents de suivre trois « règles d’or » : connaître sa santé, connaître son voyage et connaître sa police. 

« Connaissez d’abord votre état de santé », dit-il. « Sachez quelles sont les pathologies dont vous souffrez avant de souscrire une assurance ». Ensuite, renseignez-vous sur votre voyage et comprenez toutes les activités que vous prévoyez d’entreprendre afin de vous assurer que votre police les couvrira. Enfin, connaissez votre police d’assurance : il est absolument vital de s’assurer que les clients comprennent si leur police couvrira ou non les problèmes de santé existants et les activités prévues, ajoute-t-il. « Il faut s’assurer que le type d’activité est couvert par votre assurance voyage. Certaines polices couvrent les activités à risque élevé. D’autres non. » 

Avec l’évolution des habitudes de voyage, il existe différentes options d’assurance voyage que l’on n’a peut-être pas l’habitude de vendre — Will McAleer 

La partie assistance d’une police d’assurance voyage est également très importante, comme l’ont souligné Mme Wong et Mme Parent, ainsi que M. McAleer, qui précise que cette assistance doit également être disponible sur place, dans le pays de voyage. « Il faut s’assurer de pouvoir obtenir l’aide dont on a besoin quand on en a besoin. Il ne s’agit pas seulement d’être en mesure de payer la facture », précise-t-il. « Sachez qu’avec l’évolution des habitudes de voyage, il existe différentes options d’assurance voyage que l’on n’a peut-être pas l’habitude de vendre. » 

Comportements et habitudes d’achat 

Alors que, jusqu’à présent, les gens achetaient leur assurance voyage strictement en fonction du prix, les conditions de voyage sont plus dynamiques et changent parfois au quotidien; les agents seront peut-être ravis de constater que les clients sont plus réceptifs et disposés que jamais à faire preuve de prudence et de diligence. « L’assurance doit faire partie de la planification globale du voyage », affirme M. Wong. 

Selon Croix Bleue, 51 % des Canadiens sondés affirment être plus enclins à souscrire une assurance voyage aujourd’hui qu’auparavant. 

Détails par génération, selon la compagnie : 

  • 26 % des clients de la génération Z achètent une assurance voyage pour certains voyages; 35 % le font pour tous leurs voyages. 
  • 27 % des millénariaux achètent une assurance pour certains voyages; 34 % le font pour tous leurs voyages. 
  • 22 % des membres de la génération X achètent une assurance pour certains voyages; 40 % le font systématiquement. 
  • 15 % des baby-boomers achètent une assurance pour certains voyages; 57 % le font pour tous leurs déplacements. 

Autre évolution observée, selon les experts : le moment où les voyageurs canadiens décident de souscrire leur assurance voyage. 

« L’incertitude et la conjoncture actuelle modifient les comportements d’achat. Les clients achètent plus tard qu’avant », explique M. Lamanque. Par le passé, les hivernants (snowbirds) achetaient en mai pour des départs en novembre ou décembre. Aujourd’hui, ils attendent jusqu’à octobre ou novembre pour prendre leur décision. « On observe un certain affaiblissement du marché des snowbirds », ajoute-t-il. 

En cause : la réalité des revenus fixes qui ne suffisent plus, en raison de l’inflation. « Ils réduisent la durée de leur séjour. Certains changent même de destination », dit-il. 

Il précise aussi que l’assurance annulation de voyage gagne en popularité. « Ils sont très prudents à cet égard. » 

Chez Croix Bleue, Mme Parent et M. Russo mentionnent que la couverture annulation pour n’importe quelle raison (CFAR) est également très prisée, tout comme les protections telles que le service de retard de vol. « Ce n’était pas très populaire il y a quelques années, mais les clients l’apprécient énormément maintenant », affirme Mme Parent. « Chacun trouve sa façon de voyager sans se ruiner », ajoute M.Russo.