La prochaine mouture du Code de bâtiment qui s’appliquera dès cette année aura des impacts marqués sur les assureurs, anticipent des experts interrogés par le Portail de l’assurance. Ce sera encore pire en 2025, disent-ils. Or, l’industrie de l’assurance se fait tirer l’oreille pour participer à ces travaux.
Tous les cinq ans, les codes nationaux de construction, qui servent de modèles pour tous les provinces et territoires canadiens, sont révisés. Le Code du bâtiment en fait partie.
Les modifications proposées, à l’étude pour la nouvelle mouture qui prendra effet dès cette année, touchent entre autres la résistance des charges latérales, la pénétration par les séparations coupe-feu, la tuyauterie combustible et les fermes de toit. Les charges et les effets dus aux séismes et aux feux sur l’intégrité d’un bâtiment sont aussi en examen.
Le calcul parasismique est visé par des propositions de modifications. Il faudra attendre à 2025 pour voir l’adoption de mesures adaptatives aux changements climatiques et aux conditions métrologiques extrêmes.
Bref, ce sont toutes des choses qui sont primordiales pour les assureurs de dommages quand vient le temps d’évaluer le risque que pose un bâtiment. Malgré tout, celle-ci est absente des discussions, ont confié des experts gouvernementaux au Portail de l’assurance.
« On a une difficulté très grande à recruter les membres de l’assurance pour siéger sur nos comités permanents et avoir accès à leur expertise », dit André Laroche, gestionnaire du groupe technique qui supporte le développement des codes nationaux de constructions au Canada, incluant le Code national du bâtiment, mais aussi celui de la prévention incendie, de l’énergie et de la plomberie au Conseil national de recherches Canada (CNRC).
M. Laroche a expliqué comment les assureurs répondent à ses demandes. « Habituellement, les réponses qu’on a des compagnies d’assurances c’est qu’ils traitent des documents privés, ils ont une relation de compagnie d’assurance à client et ça peut parfois même être litigieux. Donc souvent, les recherches des assureurs ne sont pas accessibles pour les comités dans leurs discussions, pour adresser certaines modifications aux codes », explique M. Laroche.
Ce n’est pas faute d’essayer d’attirer les assureurs, révèle M. Laroche. « On fait des démarches importantes auprès d’eux. On a des représentants de certaines compagnies d’assurance, mais ça fluctue. Parfois, on a de la difficulté à recruter, dit-il. Actuellement, on fait toutes les démarches possibles, mais on n’a pas de réponse du milieu de l’assurance. »
« C’est dommage. On serait très content d’avoir plus de participants », ajoute Marianne Armstrong, gestionnaire de l’initiative bâtiments et infrastructures de base résiliente aux changements climatiques, au CNRC. L’initiative du Conseil est menée en collaboration avec Infrastructure Canada et vise à renforcer la capacité de l’industrie canadienne de la construction de s’adapter aux pressions croissantes exercées par les changements climatiques sur les infrastructures bâties. Elle stimule l’innovation et fournit des connaissances et des outils scientifiques aux différents comités et partenaires pour que les décisions sur la façon de concevoir, d’exploiter et d’entretenir les infrastructures soient éclairées.
Tous les cinq ans, les membres de la commission et des comités permanents sont remplacés « Des démarches et des demandes sont faites pour recruter des gens de l’assurance. Idéalement, on aimerait qu’il y ait au moins une personne qui représente le domaine de l’assurance sur chacun des comités permanents. Ce serait une solution parfaite, mais c’est très difficile d’avoir une participation de ces gens-là », dit M. Laroche.
Pourquoi des assureurs refusent-ils de participer alors ? « Parfois, c’est un choix personnel. C’est aussi un choix d’entreprise, parce que celles-ci doivent accepter le fait qu’elles paient le salaire d’un employé qui ne travaille pas pour l’entreprise le temps que durent les rencontres. C’est-à-dire 2 ou 3 jours, ajoutez à cela les journées de preuves pour le transport. Ce n’est pas rare que certaines personnes, une fois qu’elles ont soumis leur candidature et qu’elles sont sélectionnées, demandent leur approbation et se fassent dire non », explique M. Laroche qui travaillait pour FM Global avant de se joindre au CNRC, il y a 15 ans.
Les assureurs préfèrent prendre du recul
Au Bureau d’assurance du Canada, on reconnait que les assureurs ont un rôle à jouer et une voix dans tout cela, dit Pierre Babinsky, directeur des communications et des affaires publiques de la division Québec du BAC. « On pense qu’en ce moment, les bonnes personnes, les spécialistes qui doivent être autour de la table le sont.
Le BAC a fait ses propres représentations au fédéral depuis de nombreuses années pour faire valoir son point de vue. On identifie le type de catastrophe qui peut toucher nos résidences et nos entreprises. Les détails du genre : comment, quels matériaux, dans quels types de circonstances, ou quels est le degré de résistances, sont des aspects techniques pour lesquels le BAC ne va pas se prononcer », a indiqué M. Babinsky au Journal de l’assurance.
M. Babinsky ajoute que le BAC n’a pas nécessairement l’expertise pour valider chacune des décisions prises. « Le BAC souhaite que les experts qui établissent les normes de constructions s’assurent que les événements météorologiques soient pris en considération dans l’élaboration des prochaines versions du code national de construction », précise-t-il.
M. Babinsky donne en exemple l’impact de la grêle sur les bardeaux et les membranes qui servent à faire les toitures pour qu’elles résistent mieux à la grêle, au vent et au feu. Tout comme les dommages causés par l’eau ou encore les feux de forêt. « On doit s’assurer que nos constructions tiennent compte de ces aspects-là », ajoute M. Babinsky.