Les changements règlementaires touchant l'assurance de personnes au Canada et la mise en place de nouvelles normes comptables apporteront des changements majeurs dans l'offre de produits des assureurs vie. C'est ce qu'a affirmé Neil Skelding, président et chef de la direction de RBC Assurances, lors d'une entrevue accordée au Journal de l'assurance.
« L'environnement dans lequel nous faisons affaires va changer dramatiquement. Il est clair que les règles entourant le capital changent. Les assureurs de personnes devront se doter de réserves financières adéquates en fonds propres pour couvrir tous leurs produits. Les régulateurs y porteront plus attention », dit-il.

Interrogé à la fin juillet, M. Skelding a révélé que RBC Assurances, comme tous les autres assureurs vie, subissaient des tests de résistance de capital imposés par le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF). Le test de résistance de capital fait subir un scénario précis au portfolio d'un assureur pour voir comment il réagirait en cas de crise majeure. Par cet exercice, le régulateur fédéral veut voir si la capitalisation des assureurs de personnes est suffisante.

M. Skelding dit d'ailleurs s'attendre à ce que l'industrie ait à maintenir des exigences de capitalisation plus élevées dans le futur. Il ajoute ce sera particulièrement le cas pour les garanties offertes à long terme.

Nature des produits
De tels changements suscitent d'importantes réflexions sur la nature des produits que les assureurs pourront continuer à offrir, dit M. Skelding. « Nous regardons les produits que nous vendons. Nous nous demandons s'ils seront viables dans le nouvel environnement réglementaire. Quels types de garanties pourrons-nous offrir, en fonction des changements apportées par la réglementation? »

De plus, au cours des prochaines années, l'industrie canadienne de l'assurance de personnes devra adopter de nouvelles normes comptables : les normes internationales d'informations financières (NIFF, mieux connues sous leur acronyme anglais IFRS). « Elles pourraient faire changer dramatiquement la dynamique financière de notre industrie, selon la façon dont elles seront appliquées », dit M. Skelding.

Le président de RBC Assurances rappelle aussi que la question des fonds distincts préoccupe les régulateurs. « Il semble que le Bureau du surintendant regarde les fonds distincts et les garanties à long terme qui y sont rattachées en se demandant : " Est-ce que le risque est bien évalué selon les normes de capital? Est-ce qu'il y a suffisamment de capital pour le couvrir? " Il semble que les régulateurs veulent augmenter les exigences de capital derrière ces produits », dit M. Skelding. Toutefois, si les exigences de capital augmentent, certains produits deviendront moins rentables pour les assureurs. « Aussitôt que nous augmentons notre capital, nous devons réduire les rendements sur le capital. Le dénominateur devient plus large, mais le numérateur reste le même », explique M. Skelding.

Il ajoute qu'augmenter les règles d'exigences de capital viendrait « changer fondamentalement » la façon dont les assureurs exercent leurs activités, ainsi que les produits qu'ils offrent. « Il y a un certain point qu'on risque d'atteindre où le capital sera si couteux par rapport aux rendements escomptés que les assureurs ne pourront plus continuer à offrir un produit, ou alors ils devront le modifier, ou encore enlever les caractéristiques qui affectent le capital le couvrant », dit le président de RBC Assurances.

Pour les assureurs, cette situation les obligerait à réévaluer attentivement leurs produits, la façon dont ils les distribuent, ainsi que les garanties qui y sont attachées, explique M. Skelding. « Quels sont les montants minimaux qui devront être garantis? Un assureur pourra-t-il soutenir cela dans cet environnement. De plus, comment y répondra-t-il? Il ne pourra se mettre la tête dans le sable », dit-il.

Plus cher pour le consommateur
En fin de compte, M. Skelding s'attend à ce que les produits demeurent les mêmes. Toutefois, les consommateurs devront payer plus cher pour les obtenir. « N'importe quel type de garantie, que ce soit une garantie d'intérêt ou un versement garanti, demandera plus de capital pour la couvrir. Les assureurs devront soit augmenter le prix, retirer la caractéristique ou les deux », dit-il.

Des exigences de capital plus élevées affecteraient particulièrement la tarification des nouveaux produits, affirme le président de RBC Assurances. « Si un assureur a beaucoup de risques dans son portfolio, il devra songer à conserver plus de capital. Il devra aller chercher son rendement dans les nouveaux produits, puisquù,il n pourra probablement pas modifier la tarification des anciens. Ce sera un gros défi pour l'industrie », dit-il.

M. Skelding croit aussi que le marché nord-américain passera de garanties à long terme à des garanties plus courtes, comme on en retrouve en Europe. Il anticipe que tous les segments de produits seront touchés par le changement des règles de jeu en cours. Il précise toutefois que certains produits spécifiques ne changeront probablement pas.

« Un produit temporaire d'un an renouvelable ou une protection toute simple de dix ans ou moins ne seront pas affectés. C'est plus dans le marché des fonds distincts qu'on verra des changements », dit-il. Les garanties de retraits minimums ont subi beaucoup de changements au cours des derniers mois. M. Skelding croit toutefois que ce n'est pas terminé, compte tenu des nouvelles exigences de capital à venir.