Les courtiers d’assurance de dommages du Québec sont très attentifs à la situation des assureurs avec qui ils font affaire. Certains sont préoccupés par la consolidation du secteur, tandis que d’autres se questionnent sur la stabilité financière de certains joueurs.
C'est le constat qu'a dressé le Journal de l'assurance à partir de réponses fournies par les participants au Classement 2009 des grands cabinets de courtage IARD du Québec.
Louis-Thomas Labbé, président de GPL Assurance, croit que la consolidation de l'industrie IARD représente une menace pour les consommateurs.
« En assurance des particuliers, il existe une compétition féroce entre les modes de distribution, note-t-il. On trouve aussi cette compétition entre les différents acteurs de l'industrie. Les consommateurs ont encore un grand éventail de produits et les prix sont extrêmement compétitifs. Toutefois, les transactions entre assureurs sont certainement une menace pour les consommateurs en général puisqu'elles augmentent la concentration. Ultimement, ça limite le choix du client. Le domaine bancaire est un exemple où la concentration mène parfois à l'abus. »
Pour sa part, Joseph Lanzo, président de Société d'assurance Elco, croit que ce sont les cabinets de courtage, qui concentrent leurs affaires avec un assureur, qui souffriront plus de la consolidation de l'industrie IARD. « Ils pourraient avoir une certaine inquiétude. Les cabinets indépendants n'auront pas ce problème, car ils ont toujours le choix de changer de fournisseur », mentionne-t-il.
Robert Beauchamp, président d'Invessa, voit deux aspects négatifs aux transactions entre assureurs. « Ces transactions sont inquiétantes principalement à l'égard de notre aptitude future à offrir diverses offres concurrentielles aux clients. Ces transactions menacent aussi notre degré d'indépendance à l'égard des assureurs », fait-il valoir.
Stéphan Bernatchez, président de Deslauriers et associés, se dit préoccupé par les transactions entre assureurs, mais pas inquiet. « Notre positionnement nous permet de réagir à une transaction éventuelle en raison de notre faible concentration de volume, assure-t-il. Par ailleurs, le choix restreint de l'offre peut entraîner un certain contrôle des primes qui mènerait à la stabilité et à la rentabilité des assureurs. »
Yvon Pinsonneault, de DPA Assurances, se dit inquiet à l'égard de cette situation, surtout que son cabinet concentre une bonne majorité de son volume avec le même assureur. « Nous ne souhaitons pas diminuer le nombre d'assureurs avec qui on fait affaire », précise-t-il.
De son côté, Marie-Josée Fiset, de Soly, Chabot Ranger, abonde dans le même sens. « Si le nombre de compagnies diminue, notre marché s'en trouve automatiquement affecté, car nos possibilités de placement sont réduites », indique-t-elle.
Pierre-Yves Billette, président de Rochefort, Perron, Billette, va plus loin, Il affirme que la concentration risque d'affecter gravement les relations entre courtiers et assureurs. « L'histoire dans plusieurs autres domaines nous montre que la création de méga-entreprises n'apporte que lourdeur administrative et, très souvent, une performance économique moins rentable », souligne-t-il.
Certains voient cependant d'un bon œil la consolidation de l'industrie. Ginette Mailhot, présidente de La Turquoise, croit que les transactions apporteront un resserrement du marché, tout en permettant une saine compétition.
« Ça pourrait être avantageux pour les courtiers et les clients de voir des assureurs avoir une masse critique plus importante, explique-t-elle. Les assureurs auraient un meilleur contrôle de la tarification et de leur marché. Ainsi, ils pourront éviter des augmentations élevées très difficiles à comprendre pour les clients »
Louis Caron, président du Groupe PMA/GDM, partage cet avis. « La consolidation devrait s'accentuer tant chez les assureurs qu'au niveau du réseau de courtage, estime-t-il. Elle devrait engendrer une plus grande stabilité et de meilleurs résultats à long terme. La combinaison de moins bons résultats techniques à des revenus de placement déficients favorisera un resserrement du marché afin de produire un rendement satisfaisant pour les actionnaires. »
Quant aux résultats financiers des assureurs en 2008, les courtiers IARD du Québec s'attendent à observer certaines répercussions sur leur travail. Daniel Binette, vice-président exploitation pour la région est du Canada de BFL Canada, dit regretter que l'industrie n'apprenne pas de ses erreurs. « Nous allons donc vivre un autre cycle à la hausse. C'est imminent », prévoit-il.
Louis-Thomas Labbé, de GPL Assurance, s'attend ainsi à voir une hausse des tarifs. « La majorité des assureurs sont touchés par la variation des marchés financiers, note-t-il. Certains ont subi des contrecoups très négatifs à la suite des pertes reliées aux produits dérivés. L'ensemble de l'industrie voit ses résultats se détériorer plus significativement à cause de la tarification inadéquate face aux sinistres encourus depuis trois à cinq ans. Une correction des tarifs est donc à prévoir au cours des douze prochains mois », ajoute M. Labbé.
Certains courtiers disent espérer que la crise incitera les assureurs à revoir leurs pratiques. Robert Beauchamp, d'Invessa, aimerait que les assureurs présentent des offres plus stables et logiques dans le but de montrer une meilleure stabilité de l'offre à la clientèle.
« Par contre, nous sommes inquiets quant au fait que les assureurs devront sans aucun doute augmenter leurs taux, alors que nous vivons une crise économique où nous pouvons difficilement établir la capacité des consommateurs privés et corporatifs à composer avec une hausse de taux. De plus, les résultats se détériorant actuellement, il est à envisager qu'il y aura un impact néfaste sur les commissions contingentes, ce qui va nuire aux cabinets de courtage et pourrait provoquer une vague de ventes de cabinets de courtage », poursuit M. Beauchamp.
Stéphan Bernatchez, de Deslauriers et associés, croit que les assureurs qui sont plus performants vont mieux s'en sortir que les autres. « Ceux qui n'ont qu'une planification et une vision à court terme auront plus de difficulté à surmonter les résultats actuels », remarque-t-il.
Joseph Lanzo, d'Elco, estime que les assureurs vont remonter la pente d'ici peu. « Un assureur sérieux doit mettre l'emphase sur la souscription et la tarification afin de contrer son manque à gagner sur les retours d'investissements. Les assureurs doivent revenir à la base de l'assurance. Pour quelques-uns, par contre, cette tache est plus laborieuse. Les courtiers risquent donc de se retrouver avec des problèmes au niveau du service d'indemnisation », précise-t-il.
Pierre-Yves Billette, de Rochefort, Perron, Billette, recommande aux assureurs d'améliorer leur souscription. « Les assureurs ont tendance à favoriser les parts de marché plutôt qu'une évaluation juste par une tarification adéquate de leur portefeuille d'assurance.
Non seulement la bonne souscription est délaissée, mais la prévention et les inspections physiques sont souvent inexistantes », conclut-il.