Un rapport récent du Conference Board du Canada (CBoC) confirme que la pénurie de main-d’œuvre dans l’industrie de la construction a un impact sur les coûts d’assurance, notamment ceux liés à la reconstruction après un sinistre. Le Bureau d’assurance du Canada (BAC) accueille favorablement le document.
Publié le 24 novembre dernier, le rapport du CBoC est intitulé La construction sous pression : pénurie de main-d’œuvre qualifiée et augmentation des coûts de construction. L’organisation estime que la pénurie ajoutera 0,2 % par année à l’inflation dans le secteur de la construction résidentielle au cours des 20 prochaines années.
Dans leurs principales conclusions, les auteurs indiquent que les postes vacants dans l’industrie de la construction résidentielle ont augmenté à un rythme moyen de 11 % par année depuis 2017. La pénurie dans les métiers qualifiés devrait s’aggraver dans les prochaines années, avec une hausse moyenne de 13 % par an de 2026 à 2045. « Cette situation exercera une pression supplémentaire sur le coût des rénovations immobilières. »
Trois facteurs critiques
Trois facteurs critiques peuvent contribuer à aggraver la pénurie sur les chantiers : les risques liés aux changements climatiques, les enjeux démographiques et les politiques visant la construction de logements. Ce dernier aspect fait partie du Plan de résilience en trois points pour mieux protéger le Canada contre les catastrophes naturelles proposé à la fin de l’été par le BAC.
Selon l’organisme, il faut repenser l’aménagement du territoire en évitant de construire les nouveaux logements dans les zones à haut risque. Il faut aussi modifier le code du bâtiment en fonction du risque accru de conditions météorologiques extrêmes.
Maximilien Roy, vice-président stratégie du BAC, rappelle que cela fait plusieurs années que l’organisme « souligne que cette situation compromet la capacité des assureurs à aider la population canadienne à se rétablir rapidement après une catastrophe naturelle ».
En l’absence d’une stratégie coordonnée en matière de main-d’œuvre, la politique d’accélération des mises en chantier pourrait exercer une pression accrue sur les coûts de construction résidentielle, indique-t-on dans le rapport. Le bassin des nouveaux travailleurs issus de l’immigration a été réduit, ce qui limite la disponibilité du personnel.
De plus, les gains de productivité ont été faibles, voire inexistants au cours des dernières décennies, soulignent les auteurs. Ils estiment essentiel d’augmenter la productivité sur les chantiers en tirant parti des nouvelles technologies, comme la construction modulaire, les outils de conception numérique et la robotique.
Économies majeures
Si la pénurie de main-d’œuvre se résorbe, le coût total des rénovations et des réparations résidentielles serait inférieur de 7,9 milliards de dollars (G$) chaque année de 2026 à 2045, estime le CBoC.
À titre d’exemple, un projet de rénovation résidentielle de 100 000 $ en 2025 se chiffrerait à 150 060 $ en 2045, au lieu de 153 630 $, en l’absence d’une pénurie de main-d’œuvre. À l’inverse, si le nombre de postes vacants augmente encore de 20 %, le même projet de rénovation coûterait 166 170 $, soit 6,4 % de plus que le niveau de référence.
Les auteurs notent que d’autres coûts similaires s’ajouteraient si d’autres sous-secteurs de la construction (immobilier commercial, industriel ou infrastructures) étaient touchés par des pénuries au sein des métiers qualifiés qu’ils se partagent.
« La fréquence croissante et la gravité des catastrophes naturelles, associées à la demande accrue de logements, exercent une pression supplémentaire sur l’offre de main-d’œuvre », souligne le BAC en résumant les conclusions du rapport.
Impact sur les primes
Le CBoC constate que le taux de propriétaires-occupants est en baisse depuis 2011, alors qu’il atteignait 69 %, pour glisser à 66,5 % en 2021. Le nombre de ménages locataires a augmenté de 21,5 % en une décennie. La Société canadienne d’hypothèque et de logement souligne que les mises en chantier doivent doubler au cours de la prochaine décennie si le Canada veut rétablir l’accessibilité à la propriété qui prévalait avant la pandémie.
La pénurie de main-d’œuvre qualifiée peut contribuer à la hausse des primes d’assurance de deux manières, précisent les auteurs du rapport : en augmentant les coûts dans le marché de la construction et en prolongeant les délais liés à la rénovation ou à la reconstruction. Les frais de subsistance des sinistrés font partie des intrants qui déterminent la prime.
« Lorsque les coûts de reconstruction et les frais de subsistance deviennent excessifs, il est possible que les compagnies d’assurance se retirent complètement de certains marchés et de certaines régions », note-t-on dans le rapport. La concurrence réduite est un autre élément qui pourrait pousser les primes à la hausse.
Méthodologie
Pour déterminer les répercussions, le CBoC a développé un indicateur de la demande implicite de main-d’œuvre, qui est défini par le ratio du nombre de travailleurs requis par dollar d’investissement dans le secteur de la construction résidentielle. En comparant cette demande à l’offre sur le marché du travail, on obtient une mesure des postes vacants implicites.
En soustrayant les postes vacants standards des postes vacants implicites, on obtient un indicateur des postes vacants excédentaires qui est utilisé pour déterminer les pressions inflationnistes. Ainsi, en 2045, la pénurie en construction résidentielle pourrait se chiffrer à 32 000 travailleurs, ce qui entraîne une hausse de prix de 2,3 %.