L’arrivée des assureurs directs dans le marché de l’assurance des véhicules récréatifs y rend la concurrence plus vive. Le marché est à l’avantage des consommateurs, mais demeure payant pour les assureurs. Les primes se stabilisent, après qu’elles aient diminués de 30 % en quelques années.
Au début des années 1990, Jevco était le seul assureur à offrir un programme spécifique pour le marché des véhicules récréatifs, qui comprend les motocyclettes, les VTT, les motoneiges, les bateaux et les motorisés. Des assureurs à courtage, tels Aviva Canada et AXA Assurances, ont fait de même par la suite. Les assureurs directs, dont La Capitale assurances générales, ont ensuite fait leur entrée dans ce marché.
Daniel Babineau, directeur des ventes, des opérations et du développement de J.A. Lemieux et fils, soutient que le marché des véhicules récréatifs a beaucoup évolué. « Au début des années 1990, aucun assureur n'avait des manuels de tarification, à part Jevco. C'était plus des accommodations. Les véhicules ont ensuite pris de la valeur. C'est là que le marché est devenu plus compétitif », dit-il.
Richard Leclerc, président de Leclerc Assurances, spécialiste des véhicules motorisés, affirme que l'arrivée des assureurs directs a changé la donne dans ce marché. « Quand tu décolles, tu abaisses les prix. On a même vu un assureur baisser les prix de 20 à 30 %. Dans plusieurs lignes, la prime est offerte en bas du prix coûtant. Ça risque de créer une instabilité de service et de règlements de sinistres », dit cet ancien dirigeant d'Aviva Élite.
Guy Lacroix, vice-président responsable des opérations du grossiste Marine Expert, dit comprendre pourquoi les assureurs directs s'intéressent de plus en plus au marché des véhicules récréatifs, qui sont « le jouet » du client.
« Ils veulent utiliser ce véhicule pour aller chercher leur core business : l'auto et l'habitation. Le jouet est quelque chose de très important pour le client. Une fois qu'il est assuré, il sera enclin à donner de l'information sur sa date d'échéance. Avant, c'était un marché spécialisé. Maintenant, ça amène beaucoup de clientèle à de grands assureurs qui veulent aller chercher tout ce qui tourne autour de ça. Ils sont prêts à leur faire une meilleure prime. En bateau, la prime moyenne a baissé de 30 % en quatre ans », dit-il.
Patricia St-Jean, première vice-présidente principale, région de l'Est, chez Aviva Canada, abonde dans le même sens. « Le marché des véhicules récréatifs est aussi compétitif que dans les autres lignes personnelles. Il y a beaucoup de nouveaux entrants. En auto et en résidentiel, les joueurs sont stables. En véhicules récréatifs, ça bouge beaucoup. Plus tu as de produits, plus le client est fidèle. C'est le jouet du consommateur. Il aime plus son Harley que sa maison. Ça lui fait plaisir de te donner le reste du portefeuille une fois que tu assures son jouet », dit-elle.
Primes stables
Lucie Constantineau, directrice nationale assurance des particuliers et véhicules récréatifs chez Jevco, souligne que les primes resteront stables à court terme. « Avec la compétition, c'est le statu quo. On ne prévoit pas de hausse ou de baisse significatives en 2009. Plus il y a de compétition, plus la prime est ajustée au marché.
Présentement, il est à l'avantage des consommateurs », précise-t-elle.
Yves Fortin, vice-président assurance aux particuliers chez AXA Assurances, dit s'attendre à une certaine stabilité des primes. « Le marché n'est pas en mode haussier. Dans certains cas, on pourrait même présenter une baisse, comme dans notre nouveau programme pour les femmes conductrices. On s'est adapté au marché, car les conjointes des motocyclistes ne font plus que regarder le casque du conducteur », dit-il.
Chez Aviva, les primes suivent l'inflation, explique Patricia St-Jean. Elle dit ne pas s'attendre à une hausse ou à une baisse dramatiques dans les prochains mois.
Chez TD Assurance, les primes sont légèrement en baisse, puisque l'expérience de l'assureur s'améliore, affirme Nathalie Cyr, directrice des communications de TD Assurance.
Les courtiers d'assurance interrogés par le Journal de l'assurance notent que le marché est plus vigoureux. Richard Leclerc avance même qu'il doit se battre pour conserver ses clients, vu la présence des assureurs directs. « Quand un nouveau joueur entre dans la donne et qu'il veut s'approprier des parts de marchés, il baisse les prix. Ça avantage le consommateur pendant un temps, mais cet assureur devra remonter ses prix à un moment. À moyen terme, ce n'est pas la meilleure façon de faire des affaires », dit-il.
Michèle Boulé, directrice régionale de Pafco au Québec, dit observer le même phénomène. « Les nouvelles affaires sont plus difficiles à conclure depuis l'arrivée des directs », mentionne-t-elle.
Daniel Babineau dit noter que le client compare les avantages de chaque police, comme en assurance habitation, et que son choix final ne porte pas nécessairement sur le prix. De son côté, Guy Lacroix dit s'attendre à un léger redressement cette année. « Les assureurs n'essaieront pas d'aller chercher les 30 % qu'ils ont perdu, mais on peut s'attendre à une augmentation de 5 à 10 % », dit-il.
Bernard Chagnon, président d'Univesta, dit s'attendre à une hausse de la tarification. « Toutes les primes sont à la hausse, surtout en bateau et en moto. Elles seront moins importantes en VTT et en motoneige. En bateau, il y a beaucoup de compétition qui s'est installée et les assureurs veulent garder leurs parts de marché. Ce fut un marché défensif pendant un temps, mais ce n'est plus le cas. En moto, la hausse est moins prononcée. C'est difficile, vu la compétition. On a besoin d'un redressement assez important. Aucun assureur ne veut y aller d'une hausse draconienne. Les assureurs vont vouloir y aller par petites doses sur deux ou trois ans », dit-il.
Malgré la baisse des primes survenues il y a quelques années, tous les joueurs interrogés par le Journal de l'assurance s'entendent pour dire que le marché des véhicules récréatifs demeure rentable. Certains segments comme les motos et les VTT sont plus profitables, tandis que le segment maritime fait face à plus de difficultés.
Un facteur affecte de plus en plus la rentabilité des assureurs dans le marché des véhicules récréatifs : le vol. Daniel Babineau, de J.A. Lemieux et fils, souligne que chaque segment a vécu son épisode de vol à un moment ou un autre.
« Les VTT sont maintenant très rentables pour les assureurs, car le vol a ralenti. En motoneige, le vol a aussi ralenti la profitabilité. Le vol y est maintenant saturé. Les assureurs vont y chercher de la rentabilité.
En moto, c'est sur la ligne, car il y a parfois des pertes totales. La prime moyenne est toutefois de valeur semblable dans les trois secteurs et tourne autour de 300 $. Les véhicules sont toutefois de valeur différente allant de 15 000 $ à 25 000 $. De plus, s'il fait beau l'été, ça nous affecte plus, car la sinistralité est plus élevée », dit M. Babineau.
Richard Leclerc, de Leclerc Assurances, dit que la météo et le vol ont des impacts sur la rentabilité du secteur. « Le domaine maritime vient de connaître des années difficiles. En moto, il y a eu une bonne rentabilité l'année dernière compte tenu de toute la pluie qui est tombée au cours de l'été. Si on connaît un été où il fait vraiment beau, ça ne sera pas la même histoire. La météo est gage de succès à la fin de l'année. Le vol affecte aussi la rentabilité. C'est devenu un problème au niveau des caravanes. Le vol y représente 30 % des sinistres.
C'est plus qu'en auto. Ça a commencé il y a six ans et ça s'est amplifié de façon importante. Les assureurs ont dû faire de la promotion pour contrer ce fléau. Aviva Élite a même incité ses assurés à installer des dispositifs de Repérage Boomerang », dit-il.
D'ailleurs, un tel véhicule, un Essex 4510 2006 d'une valeur de 510 000 $, a été retrouvé à l'automne grâce à un dispositif Boomerang. Son propriétaire l'avait entreposé à Mirabel. Constatant sa disparition, le client a alerté Boomerang qui l'a retrouvé à Shawinigan. Depuis sa création en 1995, Repérage Boomerang a retrouvé plus de 6 560 véhicules toutes catégories représentant une valeur de quelque 325 M$.
Yves Fortin, d'AXA, ajoute que la récession peut augmenter la fréquence de vol. « On devra être alerte sur ce point. En motorisés, ça va assez bien. C'est un marché où on fait attention à la sévérité des sinistres. Si on se fait voler un motorisé dans l'année, la sinistralité sera plus élevée. En moto, la nouvelle législation en sécurité routière nous a beaucoup aidé. La moto est rentable pour nous, car nous avons de bonnes normes de souscription et nous avons finement segmenté ce marché », dit-il.
Rétention
Un élément est primordial pour les courtiers et assureurs s'ils veulent conserver une bonne rentabilité : ils doivent bien connaître le marché des véhicules récréatifs. Être maniaque de ces véhicules ne nuit pas non plus.
Daniel Babineau confie qu'il dévore les kilomètres en moto dès que l'été arrive. « Nos employés ont des motoneiges et les gens qui travaillent en assurance maritime ont des bateaux. Nos employés développent le goût pour ce type de véhicules, en sont propriétaires ou ont une très bonne expertise. Ça met le client en confiance, car ce dernier est plus méticuleux à assurer son jouet que son auto », dit-il.
Pour Patricia St-Jean, son bateau devient sa maison l'été. « C'est un mode de vie. On a un langage différent du reste du monde, comme ceux qui conduisent un Harley.
Il est important d'avoir des gens spécialisés qui connaissent ça. S'il y a un nouveau modèle, nos employés doivent le connaître et rester à l'affût pour avoir de belles discussions avec le client. Ils doivent être capables de parler leur langage. Ils doivent être passionnés et faire en sorte que l'assurance soit leur dernière préoccupation », dit-elle.
Les adeptes de véhicules récréatifs sont pour la plupart membres d'une fédération. Assureurs et courtiers doivent être proches des associations et participer aux différents salons de ces organismes pour nouer des liens. « Travailler avec les fédérations nous donne accès aux membres et nous permet de faire des publicités plus pointues. Ça rapporte définitivement. Les primes ne sont pas très importantes dans ce marché. Il s'agit d'une belle ouverture pour aller chercher les autres segments d'affaires, tels l'automobile et le résidentiel », dit Bernard Chagnon.
Travailler avec les fédérations permet aussi de signer des ententes avec elles. Certains vont plus loin. J.A. Lemieux et fils a signé une entente directe avec le manufacturier Harley-Davidson, sans qu'un assureur soit impliqué.
Offrir des produits novateurs est un autre avantage. Guy Lacroix, de Marine Expert, mentionne que son entreprise a été le premier distributeur à offrir un produit d'assurance pour un bateau sans que l'auto et l'habitation soient sur la police. Le grossiste est maintenant présent dans 65 % du marché de l'assurance maritime au Québec.
Lucie Constantineau, de Jevco, note qu'il est important de bien adapter le produit au client. L'assureur revoit ses manuels à chaque année. Chez TD Assurance, on offre des rabais aux clients et un bulletin leur est envoyé périodiquement, dit Nathalie Cyr.
La Capitale assurances générales a misé sur la publicité. Elle est devenue le présentateur officiel des conditions des sentiers de motoneige sur les ondes de Météomédia.
L'assureur a aussi investi dans une campagne de sensibilisation auprès des motoneigistes, en collaboration avec le ministère des Transports du Québec et Bombardier produits récréatifs.
Se démarquer lorsque le client a un accident laisse une bonne impression, note Patricia St-Jean. « Il doit s'apercevoir qu'on est spécialisé, avec un service instantané lors d'un sinistre. Il faut montrer au client qu'on peut régler son problème », dit-elle.