Le 21 juillet 2024, les deux tiers de la population mondiale subissaient les effets désagréables de la chaleur extrême. Selon les experts de deux organismes spécialisés en météorologie, le réchauffement du climat, qui est estimé à 1,3 °C en 2024 par rapport à l’ère préindustrielle, a ajouté 41 journées en moyenne où la chaleur a causé des dommages à la santé humaine et aux écosystèmes.
L’étude, intitulée When Risks Become Reality: Extreme Weather in 2024, a été rendue publique le 27 décembre dernier. Lors d’un webinaire tenu sous embargo quelques jours auparavant, les chercheurs de World Weather Attribution (WWA) et de Climate Central ont présenté les grandes conclusions de leurs travaux sous forme de bilan pour l’année 2024.
Selon Julie Arrighi, directrice du centre d’études sur le climat de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, l’impact des canicules n’est pas bien étudié. Dans de nombreux pays, les autorités de santé publique ne sont pas en mesure de dénombrer les décès associés à la chaleur extrême ou à la sécheresse ni d’estimer son impact sur la santé humaine.
« La mortalité lors des canicules n’est pas toujours la plus forte durant les journées les plus chaudes, car les personnes les plus vulnérables et ayant des conditions préexistantes sont parmi les premières à souffrir de la chaleur et à en mourir », explique Mme Arrighi lors du webinaire.
Friederike Otto, chercheure principale au WWA et professeur en sciences du climat au Collège impérial de Londres, juge important de mieux alerter les populations lors d’un épisode de chaleur extrême. Pourquoi ? Parce que les impacts de la canicule et de la sécheresse sont parmi les plus importants que peuvent subir les personnes en lien avec le changement climatique.
L’étude rapporte un épisode de canicule au Mali en avril 2024, lorsqu’un hôpital a rapporté un nombre plus élevé de décès au moment où la température approchait les 50 °C. « Rapportée par les médias locaux, cette annonce est un rare exemple de professionnels de la santé tirant la sonnette d’alarme sur les dangers de la chaleur extrême en temps réel. »
D’autres médecins au Mexique, au Maroc et en Arabie Saoudite ont rapporté des faits similaires en lien avec des épisodes de canicule. « Informer les journalistes locaux lorsque les services d’urgence sont débordés est un moyen simple d’alerter le public que la chaleur extrême peut être mortelle », explique-t-on dans l’étude.
Celle-ci contient des liens permettant de consulter les différents rapports de WWA où l’on mesure l’impact du réchauffement du climat sur la sévérité et la récurrence des événements météorologiques extrêmes.
La sécheresse
En Afrique méridionale au début de 2024, le manque de précipitations a provoqué une baisse importante de la production agricole. Des problèmes de famine ont touché plus de 20 millions de personnes dans les pays suivants : Zimbabwe, Zambie, Malawi, Angola, Mozambique et Botswana.
Ces pays sont habitués à des épisodes de sécheresse plus longs durant les mois de décembre à février quand le courant El Niño est prédominant. Les anomalies en matière de précipitations, qui sont accentuées par le réchauffement du climat, font particulièrement mal dans des régions où la production agricole en est une de subsistance, indique-t-on dans l’étude.
Depuis le troisième trimestre de 2023, le bassin versant du fleuve Amazone en Amérique du Sud est aussi frappé par une sécheresse importante. En janvier 2024, on rapportait le débit le plus faible depuis 120 ans. Quelque 30 millions de personnes vivant au Brésil, au Pérou, en Colombie, au Venezuela, en Équateur et en Bolivie voient leur vie quotidienne être perturbée par la sécheresse et la chaleur extrême. La production d’électricité par les barrages, qui est prédominante dans tous ces pays, est souvent interrompue en raison du manque d’eau.
Il n’y a pas que dans l’hémisphère sud où l’on souffre de la chaleur. En Italie, les provinces insulaires de la Sicile et de la Sardaigne sont frappées par une sécheresse anormale qui dure depuis l’été 2023. Les autorités locales ont dû rationner l’eau potable, notamment pour les besoins d’irrigation des terres agricoles. La production de céréales et l’élevage ont été très affectés par le manque d’eau. Le tourisme, autre importante activité économique essentielle pour les deux îles, tourne aussi au ralenti.
Les feux de forêt
La sécheresse et la canicule ont aussi pour effet de rendre les feux de forêt de plus en plus incontrôlables. L’année 2024 a encore une fois été très active à cet égard, particulièrement dans les Amériques. En février au Chili, quelque 132 décès et plus de 1 000 blessés sont associés aux feux de forêt. Au Canada et aux États-Unis, les feux de forêt ont été très importants, comme cela était le cas en 2023 au Canada.
Le Canada a connu sa deuxième pire année de l’histoire à cet égard, seulement devancée par l’année 2023, où le Québec, l’Alberta et la Colombie-Britannique avaient été particulièrement touchés. On a vu aussi des études qui traitent de l’impact de ces feux sur la qualité de l’air et du nombre de décès en hausse découlant de l’inhalation des microparticules.
Pour comprendre comment le changement climatique a influencé les températures élevées en 2024, les scientifiques ont identifié des « jours de chaleur dangereux » en calculant le seuil de température pour les 10 % des températures les plus chaudes de 1991 à 2020 à l’échelle locale. Ces journées, qui dépassent le 90e percentile des températures historiques, sont associées à des risques sanitaires accrus. Ils ont ensuite comparé le nombre de jours dépassant ce seuil à un scénario sans changement climatique.
Climate Central a développé un indice, le Climate Shift Index (CSI), qui mesure la probabilité d’une anomalie de température par rapport à l’ère préindustrielle. Quand le CSI dépasse 2, cela signifie que la probabilité que l’événement extrême survienne est deux fois plus élevée qu’il y a quelque 200 ans.
Le 21 juillet 2024, le CSI a dépassé 2 dans des régions habitées par plus de 5,3 milliards de personnes. C’était la journée où la température moyenne sur le globe était la plus élevée, record battu dès le lendemain.
L’étude traite aussi de l’impact d’autres extrêmes climatiques, incluant les pluies diluviennes, les inondations, les tempêtes tropicales et les vagues de froid. En pareil cas, la prévention et les systèmes d’alerte permettent de limiter les pertes de vies humaines, comme on a pu le constater en Europe centrale en septembre dernier.
Quelque 219 événements ont dépassé les seuils critiques dans le monde en 2024, dont 29 ont été l’objet d’une étude distincte par les chercheurs associés au WWA afin d’attribuer la part du réchauffement climatique à l’importance de l’épisode météorologique.
« Nous savons exactement ce que nous devons faire pour empêcher que la situation ne s’aggrave : cesser de brûler des carburants d’origine fossile. La principale résolution pour 2025 doit être de s’éloigner progressivement des combustibles fossiles, ce qui fera du monde un endroit plus sûr et plus stable », souligne Friederike Otto.