Les trois plus grands assureurs canadiens détiennent la part du lion des actifs de fonds distincts. Toutefois, leurs poursuivants ont fait mieux qu’eux depuis le début de 2011 au chapitre des ventes nettes.
Les données compilées par Investor Economics, un cabinet spécialisé en recherche dans l’industrie, montrent qu’en septembre 2011, les trois plus grands joueurs, Investissement Manuvie, Great-West Compagnie d’assurance-vie et la Financière Sun Life, possédaient 68,8 % des actifs de l’industrie. Paradoxalement, ces compagnies se classaient respectivement quatrième, cinquième et dixième au chapitre des ventes nettes. Les ventes nettes de Manuvie ont été de 164 millions de dollars M$) au cours des neuf premiers mois de 2011, alors que celles de Great-West ont été de 154 M$ et celles de Sun Life de 16 M$.
Les trois meilleurs joueurs à l’égard des ventes nettes ont été l’Industrielle Alliance (554 M$), Standard Life (298 M$) et Desjardins Sécurité Financière (285 M$).
Pourquoi les trois plus grands assureurs obtiennent-ils des ventes nettes inférieures? « Si vous regardez les ventes brutes ou les primes – les fonds nouveaux qui entrent – ce sont encore les trois grands assureurs et l’Industrielle Alliance qui dominent et qui sont responsables d’une très grande part des ventes », indique Karol Kalejta, analyste chez Investor Economics.
Great-West et Manuvie sont classées au premier et au deuxième rang des ventes brutes avec respectivement 2,8 milliards de dollars (G$) et 1,9 G$. L’Industrielle Alliance occupe la troisième position, affichant 1,2 G$ de ventes brutes, et Sun Life est en quatrième position avec 790 M$ de ventes brutes. Un niveau de rachat plus élevé explique ainsi les ventes nettes inférieures des trois grands assureurs, dit M. Kalejta.
Pourquoi des taux de rachat si élevés? Les assureurs qui sont dans le marché depuis longtemps ont des portefeuilles de produits qui arrivent à échéance dont plusieurs polices atteignant l’échéance de dix ans, explique Goshka Folda, directrice gestionnaire chez Investor Economics.
« Il est normal que certaines des plus grandes compagnies qui ont été de la partie depuis longtemps connaissent des rachats à plus grande échelle. Ces compagnies ont été les pourvoyeurs originaux et les vendeurs clés des fonds distincts, tandis que d’autres compagnies, ayant des volumes d’affaires plus récents, n’ont pas à affronter cette réalité. »
Elle a ajouté, que les fonds rachetés ne sortent pas nécessairement des compagnies. Souvent, les investisseurs les transféreront des fonds distincts vers un autre produit de placement ou de revenu. « Il y a beaucoup de nouveaux produits qui se développent et plusieurs compagnies font un effort concerté afin de s’assurer que les détenteurs de ces polices arrivant à maturité disposent d’une gamme d’options parmi lesquelles choisir », dit Mme Folda.
Recul des ventes
Au terme de septembre 2011, les ventes brutes globales du marché des fonds distincts étaient en baisse d’un peu plus d’un demi-milliard de dollars, comparé aux neuf premiers mois de 2010. Bien qu’elle considère que les ventes de fonds distincts se sont généralement bien maintenues, Mme Folda ajoute que le déclin des ventes peut être expliqué par le fait que les investisseurs tournent leur attention vers les fonds communs de placement.
Ces derniers se sont bien vendus au cours de la saison des REER 2011 en raison de l’amélioration des rendements observée en 2009 et 2010. Les fonds à revenu fixe ont aussi été extrêmement populaires auprès des Canadiens.
Mme Folda ajoute que la volatilité actuelle sur le marché pourrait maintenant favoriser les fonds distincts en raison de leurs caractéristiques de gestion de risque. « À moyen et à long terme, les fonds distincts ont aussi une perspective très positive, ajoute-t-elle. Des produits comme des polices à garantie de retraits qui s’assortissent d’une caractéristique de revenu sont manifestement des produits qui progresseront en raison du vieillissement de la population. »
Rattrapage
Mme Folda croit que le marché des fonds distincts est innovateur et actif parce que de nouveaux joueurs tentent de s’approprier une part du marché. « C’est assurément un marché qui s’est accru plus rapidement que plusieurs autres marchés en assurance et en investissement. Il a beaucoup attiré l’attention. Plusieurs compagnies l’ont défini comme un secteur d’intérêt et ont lancé un grand nombre de produits. » Elle dit qu’il n’est pas surprenant de voir les nouveaux joueurs dotés d’une panoplie de nouveaux produits récolter de très bonnes ventes.
En matière de succès en innovation de produits, M. Kalejta a cité l’Industrielle Alliance. Selon elle, cet assureur a agi à l’instar de Manuvie et Sun Life auparavant, en réorientant ses produits. Son but : offrir trois séries très ciblées sur des objectifs précis que les clients de fonds distincts peuvent avoir.
Standard Life a lancé une option à garantie de retrait en 2011 et a apporté d’autres changements à sa gamme. Ça lui a permis de récolter de meilleures ventes, croit M. Kaletja.
Mme Folda dit que les plus nouveaux joueurs dans le marché des fonds distincts profitent aussi des relations croissantes avec différents distributeurs indépendants, y compris les comptes nationaux et les agents généraux. « Certains résultats semblent provenir des relations plus solides qui sont maintenant en place. »
Les gains dans la part de marché obtenus par certains des joueurs les plus récents pourraient être comparés au développement du marché des fonds communs de placement. Ce marché était autrefois dominé par le Groupe Investors, mais plusieurs petits joueurs ont éventuellement accru leur part de marché. « Il y a un jeu de rattrapage qui se joue et pour le moment nous voyons les fonds distincts comme un marché très dynamique. »
Diversification
Un autre facteur qui influence vraisemblablement les nouvelles ventes de certains des plus grands joueurs dans ce marché est leur désir de diversifier leurs affaires entre leurs gammes de produits. Le marché des fonds distincts a connu cette particularité avec les produits à garantie de retraits.
« Je pense que tout dirigeant prudent rechercherait la diversification de ses revenus et des risques. Il y a aussi le désir général d’avoir un modèle plus diversifié de nouvelles rentrées de fonds dans une plus grande variété de produits », explique Mme Folda.
Un exemple est l’introduction par Manuvie du produit PensionRetraite, qui se situe entre une rente immédiate et un produit à garantie de retrait minimum. « Alors l’offre et la diversification sont en croissance », ajoute-t-elle.
Selon elle, des pressions comme les exigences en matière de capital et l’avènement du régime des Normes internationales d’information financière génèrent des défis de gestion du bilan des assureurs, qui influencera la conception des produits de garantie de retrait minimum.
« C’est un produit très solide, mais les assureurs devront en gérer les caractéristiques en fonction de ses couts additionnels de conception et de maintien. Nous allons voir la partie de bras de fer typique entre les spécialistes du marketing, les conseillers et les actuaires, mais tout le monde reconnait que c’est un produit important et qu’il continuera de l’être. »