Créé officiellement en avril, le Conseil des gestionnaires émergents (CGE) veut mobiliser les petits gestionnaires du Québec pour inciter les caisses de retraite à leur confier davantage d’actif. Les gestionnaires montréalais veulent leur part du gâteau dans la gestion des caisses de retraite, trop souvent confiée à leur gout à de grandes entreprises comme Jarisloswky Fraser et les filiale des grandes institutions financières que sont les banques et les assureurs.
Présidente du conseil d’administration du CGE, Geneviève Blouin représente ses quelque 40 membres, tels Cote 100, Medici et Gestion de portefeuille Landry. Ces gestionnaires qualifiés d’émergents possédaient tous un actif sous gestion inférieur à 1 milliard de dollars (G$) au moment de la constitution du CGE.
Elle-même présidente du gestionnaire Altervest qu’elle a fondé en 2010, Geneviève Blouin prévoit avoir accumulé 40 M$ d’actifs d’ici la fin de l’année. Au moment d’écrire ces lignes au début du mois de juin, Mme Blouin a confié qu’elle négociait pour obtenir un premier contrat avec un investisseur institutionnel, d’une valeur estimée de 10 à 15 M$ d’actif.
« L'objectif initial du CGE est d'amener les caisses de retraite et les fortunes familiales à investir au moins 1,5 G$ avec des gestionnaires en émergence locaux au cours des deux prochaines années », a révélé Mme Blouin, en entrevue au Journal de l’assurance.
L’enjeu est de taille. Les gestionnaires sous la barre du milliard$ passent trop souvent sous le radar des caisses de retraite, dit Mme Blouin. Une fois franchi ce seuil, les sous des investisseurs institutionnels affluent. Des histoires à succès de gestionnaires jadis émergents comme Fiera Capital (80 G$ d’actif à ce jour) et Hexavest (18,4 G$ d’actif à ce jour) le démontrent, signale Mme Blouin.
Mais avant, c’est le désert… ou presque. « À partir de 100 millions de dollars (M$), on entre sur le radar des consultants en avantages sociaux, mais il faut s’y rendre. Avant, ceux qui investissent avec nous sont surtout des amis et de la famille », confie Mme Blouin.
Ce premier seuil prometteur, les gestionnaires canadiens peinent à y parvenir en comparaison de leurs homologues américains. En plus de son marché plus vaste, les États-Unis offrent des programmes d’aide aux gestionnaires émergents, explique la présidente d’Altervest. « Cela prend en moyenne de 5 à 6 ans pour amasser un actif sous gestion de 100 M$ au Québec contre peut-être 3 ans en moyenne aux États-Unis », observe Mme Blouin.
Après l’avoir atteint, le gestionnaire grossit parfois de façon exponentielle. « Mais c’est dur pour un gestionnaire de vivre dans l’ombre pendant 6 ans », ajoute Mme Blouin. Selon elle, le CGE permettra de faire connaitre les gestionnaires de petite taille et raccourcir le délai vers la notoriété. « Peu de gens issus de la communauté financière de Montréal savent qu’il y a au moins 40 gestionnaires de cette taille à Montréal. Je croyais moi-même tous les connaitre mais en recrutant pour le CGE, je me suis rendu compte que je n’en connaissais que les trois quarts », a confié Mme Blouin.
Expertise en veille
Geneviève Blouin a fait ses classes chez TAL, à la banque suisse Pictet et à la Caisse de dépôt et placement du Québec. En 1996, elle a connu la criée sur le parquet de la Bourse de Montréal. Souvent créé par des transfuges de grandes firmes d’investissement et de gestion, elle estime que les gestionnaires émergents ont une expertise pointue à offrir au marché. « Selon nos statistiques, la moitié des gestionnaires locaux font du placement alternatif », révèle Mme Blouin.
Cette richesse demeure largement inexploitée, déplore toutefois la gestionnaire. « Les caisses n’ont pas encore alloué à la gestion alternative la place qui lui revient. Il s’agit pourtant d’une très bonne façon pour elles de diversifier leur actif et leurs risques », croit Mme Blouin.
Ces placements non traditionnels visent des secteurs comme l’immobilier, et des véhicules d’investissement tels les contrats à terme, les produits dérivés et les fonds privés. Certains misent sur des stratégies globales macroéconomiques ou de capital de risque.
Par exemple, Altervest propose un portefeuille qui investit dans des sociétés immobilières d’Amérique du Nord actives dans des secteurs clés tels que les bureaux, l’industriel, le détail, le résidentiel, les soins de santé et l’hôtelier. Sa stratégie vise à générer un rendement absolu annuel de 5 % à 7 % supérieur aux Bons du Trésor 91 jours en visant une fourchette de volatilité de 4 % à 9 %. Il s’agit d’un placement dispensé de l’émission d’un prospectus puisqu’il exige 5 000 $ en guise de dépôt initial. Le fonds maintient également un certain degré de levier.
« Le processus d'investissement combine des analyses macro-économiques et fondamentales approfondies, visant à déterminer les titres dont les cours paraissent anormalement élevés ou bas. Le portefeuille est concentré et contient des positions acheteurs, vendeurs ainsi que des positions par paires », indique par ailleurs Altervest sur son site Web.