Avec la crise économique actuelle, les clients portent un œil plus attentif à l'allocation de leur revenu disponible. Dans ce contexte, comment les conseillers peuvent-ils vendre une assurance maladies graves? La réponse pourrait bien se trouver dans les polices temporaires plutôt que permanentes.

« La police temporaire a un certain élan maintenant. Je pense que ça continuera, particulièrement dans le contexte actuel où les gens essayent d'économiser des sous. C'est une occasion parfaite de s'assurer que les clients ont cette protection et qu'ils obtiennent un bon prix pour celle-ci », dit John Parker, vice-président adjoint, produits et marketing, prestation du vivant, assurance individuelle à la Financière Manuvie. Il ajoute qu'il y a eu un effort de la part de l'assureur pour promouvoir et vendre plus de polices temporaires, car le prix élevé des polices permanentes peut freiner les ventes.

Selon John Young, PDG de RBC Assurances vie, la police T10 peut être attrayante en raison de son coût initial plus bas et de la possibilité de la convertir en une police à plus long terme ou en une police permanente. « C'est une stratégie pour réduire les coûts d'entrée si un client ne peut pas se permettre la prime d'une police T100. S'il voulait vraiment acheter une police à long terme, il devrait opter pour une police T65 ou une T75. Acheter une T10 est une manière d'entrer dans ce marché, d'obtenir la protection maintenant et de la convertir quand c'est financièrement possible », dit-il.

À La Survivance, Stéphane Rochon, vice-président, marketing et ventes, affirme que la croissance des polices temporaires est incroyable en ce moment. « Par exemple, le marché des 40 ans fumeurs s'est ouvert grâce à ce produit, avance-t-il. Maintenant, on est capable de les assurer à des montants acceptables. » Il révèle d'ailleurs que sa compagnie vend trois polices temporaires pour chaque permanente. « Mais c'est sûr qu'en termes de volume de primes, la permanente demeure forte puisque ça coûte trois fois plus cher que la temporaire », souligne-t-il.

Nathalie Tremblay, chef des produits d'assurance santé chez Desjardins Sécurité financière (DSF), dit que les consommateurs veulent parfois couvrir un risque qui est temporaire, telle une hypothèque. « Dans ce cas, la T20 s'avère un produit approprié, dit-elle. L'âge moyen d'un client qui souscrit une assurance maladies graves est de 40 ans. Avec une T20, ça l'amène à 60 ans, ce qui couvre la majeure partie de sa vie active où il est dans une phase très importante d'accumulation de son actif, une période cruciale », ajoute-t-elle. Mme Tremblay souligne toutefois que, pour les clients qui en ont les moyens et qui veulent une protection jusqu'à la fin de leurs jours, la bonne stratégie à adopter est de souscrire une police permanente.

Le marché des permanentes est maintenant saturé, selon M. Rochon, de La Survivance. « Les ventes de ces polices ont atteint un plateau; on continue à en vendre beaucoup, mais la croissance chez nous vient totalement du temporaire. Il faut dire aussi que la compétition est plus forte dans le domaine du permanent; t'as une douzaine de joueurs alors que dans le temporaire, des joueurs compétitifs, t'en a trois ou quatre », dit-il.

Réticences et solutions

Le fait demeure que plusieurs conseillers en sécurité financière sont encore réticents à offrir l'assurance maladies graves à leur clientèle. L'an dernier, l'Industrielle Alliance a identifié un frein à la souscription de ce type de couverture : environ 40 % des demandes étaient refusées, une proportion beaucoup plus élevée qu'en assurance vie, selon Jacques Potvin, vice-président, produits d'assurance et rentes individuelles. « Cette situation contribuait à une baisse de l'intérêt des conseillers à offrir l'assurance maladies graves », explique-t-il.

C'est ainsi que la compagnie a décidé de lancer un produit à souscription simplifiée pour ses polices T10 et T75. « Le client doit répondre à neuf questions et il sait s'il est assuré ou non. Ça a apporté beaucoup d'eau au moulin et c'est une approche qui a engendré énormément d'engouement », poursuit-il. À la suite de cette initiative, les courtiers ont vu les applications acceptées passer de 60 % à 85 %, selon M. Potvin.

D'autres assureurs ont aussi développé des stratégies afin d'augmenter l'intérêt des conseillers envers l'assurance maladies graves. C'est le cas de RBC Assurances qui a introduit une offre combinée. « Si le client achète une police d'assurance vie temporaire et demande une police de maladies graves en même temps, nous éliminons les honoraires de polices sur l'assurance vie temporaire », affirme M. Young. La raison de cette initiative : faciliter la tâche pour le conseiller d'aborder le sujet des maladies graves. De plus, l'assureur a conçu une application que les conseillers peuvent utiliser pour souscrire les deux produits simultanément, dit Karyn Kasperski, directrice des produits en maladies graves chez RBC.

Définitions uniformes

En avril 2008, Munich Re adoptait des définitions uniformes pour les 26 maladies graves couvertes au Canada. Depuis, plusieurs assureurs ont adapté leurs contrats. Il est maintenant plus facile pour les conseillers d'offrir un produit de maladies graves à leur clientèle sans se perdre dans des définitions différentes pour chacun des fournisseurs.

« Bien qu'il n'y ait pas eu de différences significatives dans les définitions utilisées par les compagnies, c'était suffisant pour confondre le marché et décourager des conseillers de vendre des polices de maladies graves. Nous savions aussi que quelques définitions devaient être mises à jour pour mieux refléter les définitions utilisées en médecine et ainsi améliorer le processus de réclamation », explique Hélène Michaud, vice-présidente adjointe, marketing, chez Munich Re.

« Ça va enlever une excuse aux conseillers pour ne pas vendre ce type d'assurance », lance Mme Tremblay, de DSF. « Pour les conseillers qui veulent vraiment s'intéresser à l'assurance maladies graves, ça va les réconforter parce qu'ils ne sont pas des experts en médecine », poursuit-elle.

Manque de mordant

Mme Tremblay trouve toutefois que l'initiative de l'industrie manque de mordant. « Dans les discussions entre Munich Re et les principaux assureurs, il a été question d'établir un identifiant ou un sceau afin d'instaurer rapidement quelle compagnie a adopté les définitions uniformes. Mais il y avait des considérations légales et des difficultés à faire ça, donc les compagnies ont décidé de ne pas le faire », explique-t-elle. Ainsi, un conseiller ne peut pas déterminer rapidement si une compagnie donnée utilise ces définitions.

Pour M. Parker, de Manuvie, l'uniformisation des définitions sert à stimuler la croissance du marché des maladies graves. « Avec plus de conseillers à l'aise avec le produit, plus de conseillers qui en vendent et plus de consommateurs qui en achètent, nous avons estimé que ce serait une bonne chose pour l'industrie et que ça pourrait augmenter les ventes de tout le monde », dit-il.

C'est un avis que Mme Tremblay partage : « C'est sûr qu'on a fait ça pour aider les ventes », avance-t-elle. Même si elle affirme que le seul fait d'uniformiser les définitions ne créera pas une explosion instantanée des ventes.

Bien que les assureurs interrogés par le Journal de l'assurance affirment avoir connu une croissance en 2008 au chapitre des ventes de produits maladies graves, tous hésitent à attribuer ce succès aux seules nouvelles définitions. Pourquoi? La plupart d'entre eux les ont adoptées dans la deuxième moitié de 2008 et au début de cette année alors que d'autres planifient le faire dans les prochains mois.

Souvent, les définitions sont incorporées lorsque des changements surviennent à un produit existant ou tout simplement lorsqu'un nouveau produit est lancé. « C'est difficile de dire si ça a engendré plus de ventes ou non, parce qu'on venait de remodeler complètement notre produit, mais chose certaine, beaucoup de courtiers ont vu ça d'une façon très positive », affirme M. Potvin, de l'Industrielle Alliance.

« Nous avons reçu des commentaires très positifs de la part des conseillers. Nous pensons que ça se traduira par plus de ventes pour l'industrie. À court terme, nous voyons les effets positifs. Est-il trop tôt pour dire que ça a été un succès à 100 %? Probablement, mais c'est sur la bonne voie », explique M. Parker, de Manuvie.

« J'espère que ça aidera les conseillers à être davantage impliqué dans le marketing des polices maladies graves parce que, dans le passé, la complexité des définitions a pu les intimider. C'est un bon pas en avant pour l'industrie des maladies graves au Canada », dit M. Young, de RBC.

À la Financière Sun Life, le vice-président adjoint, produits de santé et développement des affaires en assurance, David Baker, croit que « étant donné le nombre de compagnies qui adoptent la nouvelle norme, c'est vraiment difficile pour une compagnie de ne pas l'avoir ».

Pourtant, au moins une compagnie d'assurance n'envisage pas pour le moment adopter les définitions uniformes dans ses contrats. Il s'agit de La Survivance. « Nous avons décidé de garder nos propres définitions », affirme Stéphane Rochon.

Il ajoute qu'avec « la notion d'uniformité, on règle un problème à court terme, c'est-à-dire que tout ce qui sort en 2009 sera uniforme, mais quand on va arriver avec les définitions de 2011, on va se ramasser avec deux listes de définitions de toute façon. Les contrats moins récents resteront avec les anciennes définitions uniformes ; donc, il faut se demander si on ne court pas après notre queue en adoptant ça ».

Déjà, une définition se retrouve sous révision. Mme Michaud, de Munich Re dit que « la définition de Parkinson est actuellement passée en revue par le comité des maladies graves de l'Association canadienne des compagnies d'assurance de personnes. Il y a des discussions sur ce que devrait être les critères pour bénéficier d'une compensation si un client est atteint de la maladie de Parkinson. Le processus de révision donnera aux compagnies l'occasion de réagir sur la définition courante et de proposer des changements ».

La clé : présenter le produit

« Nous espérons que les conseillers continueront de parler aux clients des produits de maladies graves. Toute l'industrie a pour but d'éliminer les obstacles en adoptant des définitions et en améliorant les produits de façon constante », affirme M. Baker, de Sun Life.

M. Parker de Manuvie dit que le plus important lors d'une offre d'assurance maladies graves est d'abord de déterminer le bon montant de protection et ensuite de présenter les niveaux de prix et leur différent terme. « Je pense qu'il y a plusieurs outils et produits que les conseillers peuvent offrir aux clients avec la bonne protection à bon prix. N'ignorez pas la police T10, c'est un outil puissant pour les personnes qui ont besoin d'une couverture, mais qui se préoccupent avant tout du prix. »

De con côté, George Turpie, vice-président, protection du vivant, chez Great-West, lance ce message aux conseillers en sécurité financière: « Je pense qu'il est important que les conseillers considèrent l'assurance maladies graves.

Ce n'est pas un produit que les clients vont demander, mais c'est un produit qu'ils comprendront, surtout s'ils pensent à quelqu'un de leur entourage qui a souffert d'un état critique », dit-il.