Les rendements obligataires à la hausse et la remontée boursière de fin d’année a poussé à des sommets historiques le niveau de solvabilité des régimes à prestations déterminées.
Deux firmes d’actuaires d’envergure internationale ont livré leurs indices de fin d’année sur les régimes de retraite à prestations déterminées. Ces régimes garantissent le paiement à vie de prestations de retraite, dont le montant est déterminé par le nombre d’années de services de l’employé.
Dans les deux indices qui se fondent sur la clientèle respective des deux firmes, le niveau de solvabilité s’est maintenu au-delà de la barre des 100 %, et s’est même accru sensiblement durant 2019. Des actuaires signalent toutefois que les bas taux d’intérêt augmentent le poids des obligations futures sur les épaules des gestionnaires de caisses de retraite. L’effet se fait sentir directement dans leur bilan.
Des records
Le dernier sondage d’Aon Canada signale un ratio de solvabilité médian de 102,5 %. « Sous l’effet des rendements obligataires à la hausse et de la remontée boursière de fin d’année, les niveaux de solvabilité des régimes de retraite à prestations déterminées au Canada ont augmenté de façon marquée au quatrième trimestre de 2019, se rapprochant ainsi d’un sommet historique », note Aon.
Au cours de l’année, le ratio de solvabilité médian d’Aon a progressé de près de 7,2 points de pourcentage. Cette hausse se rapproche du record trimestriel atteint au troisième trimestre de 2018, dit Aon. Le rendement global de l’actif des régimes de retraite d’Aon au Canada a atteint 15,9 % en 2019.
L’indice Mercer de la santé financière des régimes de retraite signale quant à lui un degré de solvabilité de 112 %. Il est en hausse par rapport au taux de 105 % obtenu à la fin du troisième trimestre de 2019, et par rapport au taux de 102 % obtenu au début de l’année 2019.
Taux d’intérêt les plus faibles en 60 ans
Selon l’indice de Mercer, le rendement positif du marché des actions tout au long de 2019 a permis aux régimes de connaitre une très bonne année, malgré les taux de rendement à échéance des obligations à long terme les plus faibles en plus de 60 ans. « Les régimes qui investissent massivement dans les actions peuvent encore une fois dire merci aux marchés de les avoir sauvés d’une année qui aurait pu être catastrophique », souligne F. Hubert Tremblay, conseiller principal au sein du domaine avoirs de Mercer Canada.
L’actuaire croit que la pression s’intensifie sur le bilan des caisses de retraite, en raison de cette faiblesse inédite des taux d’intérêt. Selon Mercer, les promoteurs de régimes de retraite constateront dans leur bilan une augmentation de leur obligation au titre des prestations déterminées de près de 15 % au courant de l’année, en raison de la faiblesse jamais vue des taux d’intérêt et de l’aplatissement de la courbe des taux en 2019. « Il est possible que cette hausse dans le bilan des organisations au courant de l’année attire l’attention des directeurs financiers et des investisseurs sur les passifs accumulés », indique M. Tremblay.
Transferts de risques et actifs non traditionnels
Transférer à un assureur ses obligations envers les retraités devient soudainement une possibilité de plus en plus intéressante pour certains promoteurs de régimes, selon M. Tremblay.
Il estime que le transfert de risque peut être une solution pour réduire l’obligation. Or, il croit que cette solution ne convient pas à tous les promoteurs de régimes. « Certains cherchent d’autres moyens de gérer la volatilité des actifs des régimes et d’optimiser les rendements en cette période de grande faiblesse des taux d’intérêt, d’inversion de la courbe de taux et d’incertitude sur les marchés des actions. Nous constatons ainsi une augmentation du recours aux catégories d’actifs non traditionnels ainsi qu’un mouvement vers les marchés privés au détriment des marchés publics. »
2020 : dernière année faste ?
Directeur canadien, solutions déléguées en placement de Aon, Erwan Pirou rappelle qu’au début de 2019, les marchés financiers ne s’étaient pas encore remis d’une année 2018 difficile. Le marché des actions a encaissé l’incertitude pendant une bonne partie de l’année, sur fond de ralentissement de la croissance mondiale et des différends commerciaux, relate M. Pirou. Des tensions qui se sont finalement apaisées.
La firme d’actuaires s’inquiète maintenant des perspectives à long terme. Les promoteurs de régimes doivent distinguer les récents évènements des tendances à long terme, souligne pour sa part Claude Lockhead, associé exécutif, solutions pour la retraite de Aon. « Malgré la hausse des rendements au quatrième trimestre, la tendance baissière à long terme semble vouloir perdurer, compte tenu des attentes modérées sur le plan de l’inflation et du ralentissement de la croissance mondiale », ajoute M. Lockhead. Il se préoccupe entre autres des rendements obligataires.