Les indices de deux sociétés d’actuaires-conseils révèlent que les régimes de retraite à prestations déterminées ont maintenu la position de capital enviable qu’ils affichaient depuis le début de l’année.
Selon l’outil de suivi des risques liés aux régimes de retraite d’Aon, le ratio de capitalisation global des régimes de retraite canadiens associés à l’indice composé S&P/TSX s’est établi à 105,3 %. Il demeure inchangé par rapport au ratio du deuxième trimestre de 2024. L’outil scrute l’état global de capitalisation sur une base comptable des entreprises incluse dans le S&P/TSX, et qui offrent des régimes à prestations déterminées.
L’indice Mercer sur la santé financière des régimes de retraite mesure quant à lui le degré de solvabilité médian des régimes de retraite à prestations déterminées. Selon l’indice fondé sur la base de données des régimes de retraite de Mercer, la capitalisation globale des régimes a terminé le deuxième trimestre de 2024 dans une situation similaire à celle du début de ce trimestre.
L’indice de Mercer révèle toutefois que la santé financière des régimes mesurée selon le degré de solvabilité a été volatile au cours du deuxième trimestre de 2024. Ainsi, le degré de solvabilité s’est établi à 118 % au 29 mars 2024, puis s’est élevé à 123 % au 30 avril 2024, pour ensuite reculer à 122 % au 31 mai 2024, pour finalement redescendre à 118 % au 28 juin 2024.
Rendements en équilibre
Selon l’outil d’Aon, les actifs des régimes de retraite ont gagné 1,5 % au cours du deuxième trimestre de 2024. Les obligations à long terme du gouvernement du Canada ont vu leur rendement augmenter de 5 points de base (0,05 %) par rapport au premier trimestre de 2024. Les écarts de crédit (entre les taux à long terme et à court terme) ont de leur côté diminué de 4 points de base, au terme de cette comparaison. Cette combinaison a entraîné une stabilisation relative des taux d’intérêt utilisés pour évaluer les engagements du régime de retraite, passant de 4,65 % à 4,66 %.
« Au deuxième trimestre 2024, les régimes de retraite ont maintenu leurs positions de financement saines », affirme Jason Malone, associé exécutif des Solutions pour le patrimoine d’Aon. « Les marchés ont continué à donner du temps aux promoteurs de régimes pour prendre des mesures et réduire le risque à la lumière de leur position de financement », ajoute M. Malone.
L’indice de Mercer révèle quant à lui que les actifs de la plupart des régimes ont réalisé des rendements au deuxième trimestre de 2024. Ces rendements ont été réalisés par les titres à revenu fixe, les actions américaines et les actions internationales. La firme d’actuariat souligne toutefois que ces rendements ont « généralement été contrecarrés par les rendements négatifs des actions canadiennes et l’augmentation des passifs des régimes ».
Mercer observe que les régimes qui ont recouru au levier avec les titres à revenu fixe peuvent avoir enregistré un degré de solvabilité stable ou meilleur.
Des régimes en moyens
En outre, le nombre de régimes dont le degré de solvabilité était supérieur à 100 % à la fin du deuxième trimestre est généralement similaire au résultat obtenu à la fin du premier trimestre. « La santé financière globale des régimes de retraite canadiens à prestations déterminées demeure excellente », a déclaré F. Hubert Tremblay, membre du partenariat de Mercer Canada.
M. Tremblay croit cependant que la variation des taux d’intérêt et la volatilité des marchés au cours du deuxième trimestre de 2024 rappellent « que la capitalisation des régimes à prestations déterminées peut changer rapidement et que les promoteurs de régime doivent planifier en conséquence ».
En entrevue avec le Portail de l’assurance, F. Hubert Tremblay a fait valoir que de multiples stratégies sont encore disponibles pour les promoteurs de régimes qui veulent éliminer des risques. « Ils peuvent transférer le risque (en achetant des rentes collectives), le gérer au moyen de la politique de placement, ou utiliser les excédents d’actifs pour des congés de cotisation, des améliorations au régime », explique-t-il.
Le membre du partenariat de Mercer Canada rappelle que les obligations à rendement réel continuent d’exister, même si le gouvernement du Canada a mis fin à leur émission. « Plusieurs groupes militent pour leur retour. Plusieurs régimes en veulent ; il y aura beaucoup de demandes », prévoit-il. Les obligations à rendement réel portent intérêt à un taux rajusté en fonction de l’indice des prix à la consommation.
Impact des taux
Le 5 juin, la Banque du Canada a baissé le taux de financement à un jour (taux directeur), le faisant passer de 5,00 % à 4,75 %, et elle s’attend à ce que l’inflation continue de se rapprocher de la cible de 2 %. Plusieurs économistes prévoient d’autres baisses du taux directeur. La Banque du Canada présentera sa prochaine décision sur le taux directeur le 24 juillet, en même temps que son rapport sur la politique monétaire. Quant à l’inflation, elle est remontée à 2,9 % en mai.
Mercer observe que le taux de financement à un jour reste plus élevé que les taux des obligations canadiennes de grande qualité à plus long terme. À cet égard, M. Tremblay a dit en entrevue que les courbes de taux d’intérêt se comportent de façon inhabituelle, pour le moment.
Par conséquent, les promoteurs surveilleront de près l’inflation canadienne et l’évolution des taux à long terme des obligations canadiennes, compte tenu de la nature à long terme des régimes à prestations déterminées.
Contrer la volatilité
F. Hubert Tremblay considère que les multiples mouvements à la hausse et à la baisse du degré de solvabilité durant le deuxième trimestre de 2024 démontrent bien la volatilité à laquelle les régimes de retraite à prestations déterminées sont exposés. « Les promoteurs doivent en être bien conscients et s’assurer qu’ils ont une tolérance à cette volatilité », conseille-t-il.
Autrement, c’est un bon moment pour prendre des mesures, ajoute M. Tremblay. Comment l’aplanir ? « On entre encore dans la discussion de la politique de placement. Bien souvent, un moyen de la corriger sera de mieux apparier les actifs du régime à ses passifs actuariels », explique-t-il. M. Tremblay croit que mieux apparier se traduit souvent par être plus conservateur.
Or, augmenter le poids des titres à revenu fixe aura selon lui pour conséquence de réduire le surplus actuariel en augmentant la valeur des engagements actuariels. « Les rendements seront moins au rendez-vous », dit-il.
Pour enlever du risque tout en restant positif en termes de rendement, il y a une autre possibilité, rappelle F. Hubert Tremblay. « C’est l’achat de rentes, dont on ne voit pas diminuer la popularité. Mes clients regardent constamment cette possibilité. Compte tenu du niveau encore relativement élevé des taux d’intérêt, ils perçoivent que le prix est adéquat pour entrer dans le marché des rentes. »
Risque de longévité
Si la capitalisation des régimes de retraite canadiens demeure excellente, Mercer souligne qu’un nouveau rapport de l’Institut canadien des actuaires sur la mortalité dans la population canadienne révèle que l’espérance de vie au Canada devrait s’améliorer à un des taux plus élevés que ceux utilisés dans les régimes de retraite.
L’espérance de vie accrue signifie pour les régimes à prestations déterminées que les rentes viagères pourraient être versées plus longtemps, rappelle Mercer. Cela pourrait se traduire par une augmentation des passifs actuariels de 2 % à 4 %, en général. Il est donc conseillé aux gestionnaires des régimes de retraite à prestations déterminées d’évaluer l’incidence de cette amélioration de l’espérance de vie sur leur régime.
« Les gestionnaires de régimes de retraite canadiens à prestations déterminées ont longtemps parlé du risque de longévité et de ce qu’il signifie pour la capitalisation », ajoute M. Tremblay. Selon lui, il incombe aux gestionnaires d’évaluer le niveau de capitalisation, de procéder à un examen stratégique des risques auxquels les régimes sont confrontés et de prendre les mesures requises. « Nous encourageons notre clientèle à essayer de prévoir les impacts qu’une espérance de vie accrue peut avoir sur leurs régimes », ajoute F. Hubert Tremblay.