Afin de susciter la discussion concernant la réglementation des ventes et processus en ligne d’assurance au Canada, le Conseil canadien des responsables de la réglementation d'assurance (CCRRA) a publié un document, en quête des commentaires des parties prenantes.
Le document de discussion, Le commerce électronique des produits d’assurance, diffusé en janvier, a été suivi de l’envoi d’une lettre à l’industrie le mois suivant, l’invitant à examiner les perceptions, les buts et les hypothèses préalables du CCRRA.
Selon Peter Goldthorpe, directeur de la réglementation du marché à l’Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes (ACCAP), le fait que le document en soit un de discussion plutôt que de consultation est important. « Cela manifeste l’intention d’étudier les questions de manière fondamentale. Quiconque se préoccupe de la façon de vendre ces produits devrait s’intéresser à ce document et y répondre, ce qui permettra d’orienter la formulation de politiques futures. Par la suite, au fur et à mesure des documents officiels de consultation diffusés par le CCRRA et ce qu’on y aura investi, il sera plus difficile d’y apporter des changements », dit-il.

Son collègue, Frank Zinatelli, vice-président et avocat général de l’ACCAP, partage son avis et souligne que toute partie en train de mettre au point des systèmes revient fréquemment à ses documents de base en référence. « Dans une certaine mesure, ce pourrait être le document de base dans ce domaine pour quelque temps. »

Pour faciliter la discussion à propos de l’élaboration future des règlements, le document présente les règles et réglementations déjà en place en Europe, notamment au Royaume-Uni. Il énonce aussi les lois, les règles et les codes volontaires qui régissent le commerce électronique au Canada, tout en précisant qu’aucun ne s’applique expressément à la distribution de produits financiers. « Une grande partie de la législation actuelle en matière d’assurance au Canada a été formulée bien avant qu’on songe aux transactions électroniques », soulignent les auteurs du rapport.
Voilà pourquoi la législation existante impose que certaines transactions soient effectuées par la poste. Des participants de l’industrie ont cité de telles conditions comme des facteurs gênant la croissance du commerce électronique pour les produits d’assurance.

Si le CCRRA n’en dit pas autant et ne se prononce pas d’une façon ou d’une autre, l’accent qu’il place sur les désignations de bénéficiaires et le fait qu’on ne peut les faire sous forme électronique semblent indiquer que les règles exigeant que les gens effectuent de telles tâches sur papier et souvent bien après que la vente soit conclue pourraient nuire aussi aux efforts de protection des consommateurs.

Bref, le conseil de responsables de la réglementation dit rechercher les propositions des intervenants quant à la meilleure façon de concrétiser certains objectifs de protection des consommateurs dans un contexte de commerce électronique et quant à certaines règles ou lignes directrices en application en ce moment.

Le conseil souhaite notamment savoir si les problèmes retenus sont importants et peuvent avoir un effet négatif pour les consommateurs, si tous les problèmes importants ont été déterminés, comment les risques doivent être gérés, si les solutions proposées aux risques cernés conviennent et si la description du sujet est précise quant aux faits.

M. Goldthorpe insiste sur ce dernier point et souligne que la réalité du terrain compte des aspects en plus grand nombre que ce qui est pris en considération dans un document ou dans le bureau de divers responsables des réglementations. « Par expérience, il se passe toujours plus de choses sur le terrain que ce que les gens peuvent soupçonner à un moment ou à un autre. Les membres nous feront part de leurs idées », dit-il.

Les points de discussion concernant la protection des données personnelles sont un autre domaine privilégié. « Ils sont réduits à leur plus simple expression. Ce n’est qu’un exemple d’un domaine descriptif qui sera, selon moi, développé considérablement. L’industrie a des pratiques rigoureuses en place. » L’ACCAP a un code de conduite en matière de protection de la vie privée qui a été rédigé et mis en œuvre en 1981, dit M. Zinatelli.

Le document met surtout l’accent sur l’assurance de dommages. M. Zinatelli précise toutefois que ce sera aux compagnies et aux associations membres de voir si certains points peuvent être appliqués aux deux industries. « Il nous appartient de signaler les différences et de les porter à leur attention. Les responsables de la réglementation sont au courant de cela. Lorsque nous indiquons que quelque chose ne s’applique pas, ils en conviennent facilement. »

Dans le cadre de son examen initial, le Comité sur le commerce électronique (CCÉ) du CCRRA, dirigé par l’Autorité des marchés financiers, a établi une liste de sites Web exploités par des fournisseurs d’assurance. « Actuellement, la plupart des acteurs de l’industrie utilisent Internet d’une façon ou d’une autre dans le cadre de leur mode de distribution », écrivent-ils. De nos jours, les sites Web servent surtout à fournir de l’information, des conseils ou des devis et à conclure des ventes.

Heureusement pour les assureurs vie, le document reconnait aussi le rôle des intermédiaires dans la distribution de produits d’assurance. Il relève le « déséquilibre substantiel au titre de l’information » qui existe entre consommateurs et assureurs, un écart habituellement limité ou comblé par des intermédiaires. « Avec Internet », disent-ils, ces « conseils personnalisés peuvent être absents ou dilués », ce qui peut entrainer plusieurs situations indésirables, comme le risque que des clients aient des contrats non valables ou une couverture inadéquate.

Actuellement, les règles qui orientent et régissent le commerce électronique au Canada sont un ensemble hétérogène de mesures volontaires et imposées par la loi qui s’appliquent aux transactions électroniques en général. À titre informatif, le document en discute, ainsi que des efforts de développement et de mise en œuvre de chacun.

La Loi uniforme sur le commerce électronique du Canada, par exemple, repose sur un modèle de 1996 de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international sur le commerce électronique – un modèle censé être un ensemble non exhaustif de normes acceptables à l’échelle internationale en vue du commerce. La loi canadienne fournit des règles types pour la reconnaissance juridique de l’information sous forme électronique. En ce moment, dans certains cas, cette reconnaissance juridique est annulée par des dispositions législatives plus spécifiques à l’assurance – comme l’obligation pour les consommateurs de désigner sur papier leurs bénéficiaires.
Parmi d’autres réglementations et codes présentés brièvement dans le document figurent le Code canadien de pratiques pour la protection des consommateurs dans le commerce électronique de 2004, d’après des lignes directrices en matière de protection des consommateurs de 1999 de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), et l’utilisation de signatures électroniques comme l’énonce la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques du Canada.

Royaume-Uni
Par comparaison, le Royaume-Uni et l’Union européenne ont institué des critères règlementaires qui régissent la distribution en ligne de produits d’assurance. Ils précisent les exigences en matière d’information qui doivent accompagner les ventes d’assurance, dont de l’information essentielle au sujet de l’assureur, où il est situé et comment il est gouverné ou réglementé. Les assureurs doivent aussi fournir de l’information détaillée sur le contrat d’assurance qui est acheté et de l’information sur les recours pour les consommateurs insatisfaits.

À la lumière de ces critères, le CCRRA dresse une liste de ses propres mesures pour protéger les consommateurs et commence à exposer l’activité et la présentation d’informations qu’il exigera probablement des assureurs canadiens à l’avenir.

« Étant donné l’importance des exclusions et des limitations, faire ressortir cette information ou la séparer d’autres renseignements importants », par exemple, est une approche discutée. « Veiller à ce que l’information soit rédigée en termes clairs et simples comparables à l’information que recevrait un consommateur s’il parlait directement à un intermédiaire agréé » est un autre principe qui orientera sans doute le développement de la documentation future sur les ventes.

Sites Web des assureurs
Le CCRRA propose aussi de régir le contenu du site Web d’un assureur : « L’Internet contient une abondance de renseignements et de publicités conçus pour attirer et influencer les consommateurs. D’après le CCÉ, les pages du site Web d’un assureur concernant une proposition d’assurance ne conviennent pas pour guider les choix d’un consommateur. » Le CCRRA va jusqu’à demander si, pour y remédier, il serait utile d’empêcher les compagnies d’afficher de la publicité sur certaines pages.

Dans l’optique de la protection des consommateurs, le document aborde aussi les clauses, les conséquences et la responsabilité des assureurs si les transactions ne sont pas menées à bonne fin et, de nouveau, la sécurité des données personnelles.

Comme mentionné précédemment, le document accorde une attention particulière aux règles actuelles qui obligent les clients à désigner des bénéficiaires par écrit, sur papier.

Désignations de bénéficiaires
Un sujet qui préoccupe est le fait que les désignations de bénéficiaires faites aujourd’hui de façon électronique sont en général non valables, car les lois actuelles ne les reconnaissent pas comme désignations effectuées « par écrit ». En ce moment, aucun assureur n’accepte de désignations faites de façon électronique. Cela peut entrainer le report du paiement aux bénéficiaires, les sommes assurées laissées à la succession de la personne décédée étant imposables et à la merci des réclamations de créanciers. En général, les clients qui ne signent pas et ne retournent pas les formulaires papier qu’ils reçoivent sont considérés comme n’ayant pas désigné de bénéficiaires, même s’ils en ont identifié durant leur demande par Internet.

Pire, disent-ils, « dans un résultat assez consternant, deux importants vendeurs directs d’assurance vie ont récemment mené des sondages internes selon lesquels 65 % et 63 % des particuliers qui se procurent de l’assurance vie n’ont pas de formulaire de désignation de bénéficiaires on file ». Un de ces assureurs a ajouté que nombre des formulaires qu’il reçoit ne sont pas traités « soit parce que les consommateurs n’ont pas utilisé le formulaire papier fourni, qu’ils n’ont pas bien rempli le formulaire ou qu’ils ont essayé de fournir l’information concernant les bénéficiaires par télécopieur ou téléphone. »

On peut télécharger le document de discussion sur le site Web du CCRRA. Le conseil invite toutes les parties intéressées à l’examiner et à le commenter d’ici au 27 avril 2012.