L’accident routier qui a décimé l'équipe de hockey junior des Broncos de Humboldt, en avril 2018 en Saskatchewan, est l'un des plus récents sinistres ayant eu un impact non négligeable sur les critères de sélection des assureurs à l'étape de la souscription.
La collision entre un camion et l'autobus du club de hockey, survenu près de Tisdale à l'intersection des routes 35 et 335, a couté la vie à 16 personnes et en a blessé 13 autres. L'autobus transportait l'équipe en vue de son match contre les Hawks de Nipawin. Le camionneur a omis de respecter un panneau d'arrêt obligatoire.
Le conducteur du semi-remorque a été inculpé de 16 chefs de conduite dangereuse ayant causé la mort et de 13 chefs de conduite dangereuse ayant causé des lésions corporelles. Le chauffeur a reconnu sa culpabilité le 8 janvier 2019 à l'ensemble des chefs. Le 22 mars 2019, il a été condamné à huit années de prison.
Âgé de 29 ans au moment de l'accident, Jaskirat Singh Sidhu est un immigrant d'origine indienne venu étudier au Canada. Il travaillait comme chauffeur d'une petite entreprise albertaine de transport dont le dossier était loin d'être sans tache. Son camion transportait des ballots de tourbe de sphaigne manufacturés par Premier Tech à ses installations de Carrot, en Saskatchewan. Le chauffeur sera renvoyé dans son pays d'origine à sa sortie de prison.
L'Alberta a suspendu les permis du transporteur, Adesh Deol Trucking, mais son propriétaire a pu redémarrer une nouvelle entreprise de transport en conduisant le camion acheté par son épouse, et il a continué d'exploiter son entreprise pendant six mois.
Fraude à l'immigration
La journaliste d'enquête Kathy Tomlison a dévoilé l'existence d'un système frauduleux impliquant des consultants en immigration et des entreprises de transport de la Colombie-Britannique dans le quotidien The Globe and Mail du 5 octobre 2019.
Le stratagème consiste à faire croire aux immigrants d'origine indienne que leur expérience comme chauffeur de camion les aidera à obtenir leur statut de résident permanent. L'employeur utilise le programme fédéral des travailleurs étrangers temporaires pour les recruter. Ces immigrants paient plusieurs milliers de dollars pour obtenir ce « privilège ». On les envoie ensuite sur la route sans aucune formation préalable. La plupart de ces flottes ont un nombre bien plus grand de chauffeurs que de véhicules. Leurs camions sont constamment sur la route et les chauffeurs se relaient pour le conduire.
L'enquête de Mme Tomlinson révèle que 96 compagnies de transport établis en C.-B. ont obtenu la permission de recruter des travailleurs étrangers temporaires entre 2016 et 2018. Sur ce groupe, 29 entreprises ayant embauché quelque 291 chauffeurs immigrants temporaires ont été condamnées à diverses infractions touchant la sécurité et la conduite.
En Colombie-Britannique, les exigences pour obtenir un permis de conduire un camion sont minimalistes. C'était aussi le cas en Ontario, mais la province a renforcé ses exigences de formation en 2017. En Alberta et en Saskatchewan, dles conditions plus strictes ont été imposées après la tragédie impliquant les Broncos de Humboldt.
Une campagne nationale
La sous-traitance dans le transport est dénoncée à l'échelle canadienne. L'Association canadienne du camionnage (CTA), dont l'Association du camionnage du Québec (ACQ) est membre, a relancé une campagne en décembre 2019 pour demander à ses membres de faire pression auprès des nouveaux membres du cabinet Trudeau et des nouveaux députés fédéraux élus lors des élections tenues en octobre 2019.
La campagne vise à mettre fin à l'utilisation du « Chauffeur inc. », soit le recours à un chauffeur sous-traitant qui loue ses services à un transporteur. Ce dernier peut alors économiser toutes les taxes sur la masse salariale, le paiement des avantages sociaux en plus de contourner les normes du travail sur le temps supplémentaire. En agissant ainsi, le transporteur peut réduire ses tarifs auprès des donneurs d'ouvrage.
Une telle campagne a déjà eu lieu en 2013. Le phénomène aurait repris de l'ampleur en 2019, sans que l'on s'explique pourquoi. À l'ACQ, on tient à distinguer ces chauffeurs en location comparativement aux voituriers-remorqueurs, qui sont des camionneurs propriétaires de leur équipement.
Pour Francis Rouleau, qui a lui-même déjà été un « chauffeur incorporé », celui qui veut recourir à cette manière de réduire sa facture d'impôt a tout intérêt à être bien conseillé par un bon fiscaliste ou comptable. L'Association des routiers professionnels du Québec (ARPQ) fait d'ailleurs des représentations à cet égard pour que le fisc pénalise un peu moins les travailleurs dont le nombre d'heures de travail dépasse les limites imposées par les normes du travail, ce qui est le cas des camionneurs.
Cet article est un Complément au magazine. Pour consulter notre dossier spécial sur le camionnage dans notre édition d'avril 2020, cliquez ici.