Claude Dussault affirme que l’évaluation du risque lié aux changements climatiques doit être une priorité. Les inondations de la Vallée du Richelieu servent d’alarme. « Comme observateur, je cherche ce qu’il faut faire pour que les victimes ne revivent pas, au-delà du drame humain, toute l’insécurité reliée au sinistre. »
M. Dussault détient l’honneur d’avoir fait la couverture du tout premier numéro du Journal de l’assurance, en octobre 1992. Il était alors premier vice-président, assurances des particuliers et marketing du Groupe Commerce, aujourd’hui Intact Corporation financière. Vingt ans plus tard, il en est le président du conseil d’administration, en plus de gérer sa firme de conseils financiers avec son fils. Il a ainsi accueilli le Journal de l’assurance à ses bureaux de la Grande Allée, à Québec.
Il maintient que la couverture des zones à risques en cas d’inondation est claire, tout en ajoutant du même souffle que bon nombre de victimes de l’an dernier au Richelieu vivaient bien en dehors de ces zones. « C’est une bonne question pour l’industrie. On n’a pas vécu non plus de tremblement de terre important au Canada depuis un certain temps. Sommes-nous bien équipés pour y faire face? On peut se poser la question. »
« Le climat pose un défi certain, et des mesures doivent être prises à la fois pour prévenir les dommages, instruire les clients et améliorer les infrastructures. »
M. Dussault a été l’un des principaux acteurs du mouvement de consolidation qu’a connu l’industrie de l’assurance de dommages au Canada, depuis 20 ans. La création de plus gros assureurs à courtage visait non seulement à mieux résister à la concurrence des assureurs directs, mais aussi à mieux s’adapter aux changements du marché et des besoins de la clientèle.
M. Dussault dit croire que la concentration en assurance de dommages n’atteindra pas celle en assurance de personnes. À l’époque aux commandes d’ING, l’entreprise avait atteint une part de 11%. « Je prévoyais qu’elle pouvait doubler. » Encore aujourd’hui, il estime que le marché canadien pourrait voir l’émergence de quelques meneurs affichant environ de telles tailles.
Danger de complaisance
Il ajoute que si la taille de l’entreprise comporte des avantages, elle ne peut suffire à assurer sa pérennité. « Il y a un danger de complaisance quand on atteint une taille trop importante. Je ne pense pas que la taille empêche une entreprise de se réinventer. Il faut conserver cette capacité. C’est ce que IBM a su faire, c’est ce que Microsoft est en train de faire », dit-il.
Au fil de sa carrière, M. Dussault a été au cœur de plusieurs tentatives d’uniformisation des moyens technologiques entre les assureurs et leur réseau d’intermédiaires. Il peut donc mesurer le chemin parcouru et les progrès qu’il reste à faire pour mieux transiger avec les clients.
« Les nouvelles technologies représentent un défi pour toutes les entreprises. On a peut-être passé trop de temps à essayer d’intégrer les technologies dans l’industrie, plutôt que de s’adapter aux besoins des consommateurs qui transforment eux-mêmes leur manière d’agir. C’est le grand défi. Aujourd’hui, il faudra arriver à utiliser le téléphone mobile, le Web, les réseaux sociaux », dit-il.
Le secteur de l’assurance ne diffère pas d’autres secteurs où la présence des intermédiaires a reculé. M. Dussault estime néanmoins que les courtiers ont toujours leur place.
« Il ne faut pas comparer les mérites de faire des affaires avec un courtier ou de tout négocier soi-même. Les deux manières de faire peuvent contribuer à mieux servir le client. Le courtier est bien placé en matière de connaissance, d’expertise, de l’accès au marché, de proximité physique du client, etc. Il doit miser sur ses forces pour mieux utiliser les avantages d’Internet. La venue du téléphone n’a pas fait disparaitre les courtiers qui faisaient jusque-là du porte-à-porte. Les gens ne se sont pas mis non plus à appeler directement les assureurs. »
L’important, insiste-t-il, est que le client puisse avoir accès rapidement à son intermédiaire, représentant ou courtier, de manière à accélérer le traitement du dossier en cas de sinistre ou pour sa demande de soumission.
À cet effet, il ajoute qu’il fut un temps où les acteurs de l’industrie sentaient le besoin d’adopter des positions communes, ce qui ralentissait l’évolution du secteur. « Au fil des ans, on s’est aperçu que pour faire avancer l’industrie, il faut que ce soit les meneurs qui bougent. Que les autres suivent ou pas, tant pis pour eux. On n’attend plus d’avoir le consensus pour faire avancer les choses. C’est un changement de culture de l’industrie. »
Adaptation par la relève
La capacité d’adaptation est la principale qualité requise de la part des courtiers qui voudront rester en affaires, insiste-t-il. En cela, M. Dussault reprend le message lancé aux courtiers, à l’automne 1992, à la une du premier Journal de l’assurance : « L’avenir appartient aux courtiers performants ».
« Les courtiers qui ne sauront pas s’adapter aux nouvelles technologies auront plus de misère à réussir, ou se limiteront à la clientèle qui n’est elle-même pas utilisatrice de ces technologies. »
M. Dussault pense que le changement viendra du renouvèlement de la main-d’œuvre à tous les échelons des organisations. « Bon nombre d’étudiants diplômés ne savent pas trop dans quel secteur ils veulent travailler. Ce sont les entreprises qui offrent l’environnement le plus dynamique, avec des gens ouverts, qui attireront ces jeunes. Ceux qui montrent une image plus conservatrice attireront des gens qui sont moins ouverts au changement. C’est ainsi que ça se dans chaque entreprise. »
Cette nécessité d’assurer la relève dans les cabinets de courtage est la condition requise pour le futur, insiste-t-il. « Ce sont des nouveaux clients qu’on recherche. On doit mieux les connaitre pour aller les chercher, sans perdre ceux que l’on a déjà. Recruter des gens qui nous aideront à mieux comprendre ces clientèles, c’est une bonne manière de s’adapter. »
Il y a dix ans, M. Dussault s’attendait à ce que les cabinets deviennent multidisciplinaires et offrent toute la variété de produits à leur clientèle. « Je dirais que j’ai mal lu cette évolution. Je ne pense pas que c’était la meilleure direction pour l’ensemble des courtiers de devenir multidisciplinaires. »
Peu de cabinets ont d’ailleurs entrepris le virage. « L’important est de bâtir sur ses propres forces, note M. Dussault. C’est ce que ING Canada a fait, puis Intact. On a davantage axé nos efforts à partir de nos forces, pour ensuite s’adapter à l’évolution des marchés. Ça n’empêche pas les courtiers d’accompagner leurs clients de manière plus large et de réussir, mais être les meilleurs dans son domaine est toujours préférable. »