Dan Berty

Au moment de communiquer ses résultats de mutualisation de 2023 publiés le 28 avril 2025, la Société canadienne de mutualisation en assurance médicaments (SCMAM) a dit avoir permis à ses 21 assureurs membres d’aider les Canadiens à économiser plus de 946 millions de dollars (M$).

Grâce à son cadre de partage des coûts (mutualisation), la SCMAM ajoute dans son communiqué que ses membres ont augmenté de plus de 15 % le montant versé pour les demandes de règlement par rapport à 2022. Le cadre s’applique aux médicaments de 10 000 $ et plus. 

La croissance de 15 % en 2023 représente un ralentissement par rapport aux résultats de 2022. La SCMAM a rapporté que le coût annuel moyen remboursé pour de nouveaux médicaments avait alors bondi, passant de 44 700 $ en 2021 à 60 900 $ en 2022, soit des versements en hausse de 36 % par rapport à 2021.

L’industrie observe depuis quelques années que de nouveaux réclamants s’ajoutent en termes de réclamation pour des médicaments coûteux. De plus certains de ces médicaments sont utilisés pour plus d’une maladie. Utilisé au départ pour traiter la fibrose kystique, le Trikafta a ensuite été approuvé par Santé Canada pour un plus grand nombre de maladies. Une réclamation pour ce médicament peut coûter annuellement 300 000 $

En entrevue avec le Portail de l’assurance, Dan Berty, directeur général de la SCMAM, a dit qu’il est difficile d’isoler l’impact du Trikafta sur l’augmentation des coûts mutualisés. « Il est probable que les patients atteints de fibrose kystique qui pourraient bénéficier de Trikafta soient déjà largement couverts par les régimes d’assurance privés et bénéficient de ce médicament. En revanche, de nouveaux patients atteints de fibrose kystique sont diagnostiqués chaque jour, et les coûts pourraient donc continuer à augmenter, mais probablement pas au niveau des tendances passées », prévoit M. Berty. 

Dan Berty révèle aussi que les assureurs membres de la SCMAM ont enregistré 264 certificats représentant 48,1 M$ en termes de coûts reliés à des demandes de remboursement de médicaments dont le principal médicament par certificat était le Trikafta. En 2023, ils ont enregistré 368 certificats représentant 81,3 M$ de réclamations. 

215 nouveaux médicaments en 5 ans 

La SCMAM relève que de 2019 à 2023, les régimes d’assurance médicaments EP3 (voir l’intertitre Un cadre complexe) ont reçu des demandes de règlement pour 215 nouveaux médicaments onéreux.

« Cette tendance devrait s’accentuer et peut-être s’accélérer, à moins que les tarifs douaniers et l’industrie n’aient d’importantes répercussions sur l’approvisionnement en médicaments », croit le directeur général de la SCMAM. 

Forte inflation 

L’inflation des médicaments onéreux a dépassé de près de 400 % l’IPC en 2023 — Dan Berty 

Le coût des médicaments de 10 000 $ et plus couverts dans son cadre du SCMAM a explosé. « L’inflation des médicaments onéreux a dépassé de près de 400 % l’indice des prix à la consommation (IPC) en 2023 », a déclaré Dan Berty, directeur général de la SCMAM, à l’annonce des résultats de 2023.

D’où vient cette inflation de 400 % ? Durant l’entrevue avec le Portail de l’assurance, M. Berty a affirmé que cette pression ne vient d’aucune classe de médicaments en particulier. « Le coût total moyen des médicaments par personne ou certificat d’assurance (incluant les personnes à charge) augmente selon les tranches », explique-t-il.

« Le problème provient d’une combinaison de facteurs : un plus grand nombre de personnes ont vu leurs demandes de remboursement prises en charge, un plus grand nombre de médicaments ont été pris en charge et le coût global moyen des médicaments onéreux continue d’augmenter », observe aussi Dan Berty.

Selon le directeur général de la SCMAM, le nombre de personnes (couvertes dans le cadre de la SCMAM) a également augmenté. Or, un petit nombre peut faire bouger l’aiguille. Selon les données de la SCMAM portant sur la période de 2019 à 2023, c’est le nombre de réclamants dans la tranche des médicaments coûtant entre 750 000 $ et 1 M$ qui a le plus augmenté, passant de 3 en 2019 à 7 en 2023, soit une croissance de 233,3 %.

Les réclamants de médicaments de la tranche des 1 M$ étaient 2 en 2019, mais 6 en 2023, soit une croissance de 200 %. 

Troisième plus forte croissance par tranche, le nombre de réclamants pour des médicaments coûtant entre 100 000 $ et 400 000 $ est passé de 333 à 679 entre 2019 et 2023, soit une croissance de 103,9 %. 

Le gros des réclamations provient de la tranche des médicaments de 10 000 $ à 32 500 $. Le nombre de réclamants de cette catégorie est passé de 20 696 à 30 829 en 2023, soit une croissance de 49 %. 

Un cadre complexe 

Au moment d’annoncer ses résultats de 2023, la SCMAM a précisé que 21 assureurs membres ont fourni des régimes d’assurance médicaments complémentaires EP3 (pooling EP3 dans le jargon de l’industrie) à plus de 16 000 employeurs canadiens. Ces régimes ont bénéficié à plus de 36 000 employés et à leurs familles, dont les dépenses annuelles en médicaments ont dépassé 10 000 $.

La SCMAM remplit dans l’ensemble du Canada un rôle semblable à celui de la Société de compensation en assurance médicaments du Québec (SCAMQ). À la différence de la SCAMQ, à laquelle tout assureur ou administrateur de régimes actif au Québec doit participer en vertu de la Loi sur l’assurance médicaments du Québec, l’adhésion à la SCMAM est volontaire.

En revanche, la mutualisation selon EP3 repose sur la mutualisation obligatoire par la norme EP3. Durant l’entrevue, Dan Berty a expliqué que la mutualisation EP3 fait partie du cadre de la SCMAM. « Il s’agit du mécanisme par lequel les assureurs partagent les coûts avec les employeurs », a-t-il ajouté. 

Selon le site Internet de la SCMAM, les assureurs participants placent dans un pool administré par eux-mêmes les règlements élevés de réclamation en médicaments de tous leurs groupes (régimes collectifs privés) entièrement assurés. Les promoteurs de ces régimes (employeurs) ne peuvent renoncer à la couverture. 

La SCMAM ajoute que l’assureur doit pouvoir prouver qu’il satisfait aux normes EP3 dans le règlement des réclamations en médicaments. L’assureur peut toutefois établir sa tarification en tenant compte d’autres réclamations que pour des médicaments. En entrevue, M. Berty a donné l’exemple des soins paramédicaux. 

L’assureur peut adapter les autres aspects du EP3, dont la tarification du pool. Il peut aussi choisir le seuil du pool, c’est-à-dire modifier la définition de médicament onéreux. L’assureur peut établir la tarification de la mutualisation en fonction du montant par personne ou par certificat, les quotes-parts ou les franchises (qui sont plafonnées à 1 000 $). Il peut établir la liste de médicaments. Enfin, il peut établir des pools EP3 pour différents segments du marché.