Lors du Rendez-vous de l’Autorité des marchés financiers, Jean-Philippe Desbiolles a présenté un système de technologie cognitive développé par IBM. Il a rassuré les conseillers et courtiers. L’intelligence artificielle ne les remplacera pas. Elle les aidera à prendre les bonnes décisions.

C’est en 1997 que nait véritablement la technologie cognitive avec un nom qui marquera à jamais l’histoire de l’intelligence artificielle : Deep Blue. À l’époque, il s’agit de faire s’affronter le plus grand joueur d’échecs de l’époque, Garry Kasparov, et un « superordinateur ». Après avoir perdu plusieurs parties, Deep Blue finit par battre à plusieurs reprises le champion russe.

« En gagnant, l’être humain a appris à la machine à le battre. C’est le concept de machine learning », précise Jean-Philippe Desbiolles, associé-responsable mondial du secteur banque pour IBM Groupe Watson, du nom de l’intelligence artificielle développée par IBM. Watson est en effet une technologie cognitive qui traite les informations plus comme un humain que comme un ordinateur, par la compréhension du langage naturel, la génération d’hypothèses basées sur des données probantes et par l’apprentissage.

Apprendre, c’est justement ce que Watson fait de mieux. Il hausse ses connaissances de trois façons : par ce que ses utilisateurs lui enseignent, par ce qu’il déduit d’interactions antérieures et par les nouvelles informations qu’on lui présente. Autrement dit, les organisations peuvent mieux comprendre et utiliser les données qui les entourent, puis s’en servir pour prendre de meilleures décisions.

L’expérience menée en 2011 autour du jeu Jeopardy (voir Le défi Jeopardy ci-dessous) a permis de développer les différents niveaux d’apprentissage de Watson selon trois étapes : la machine doit comprendre (understands natural language), répondre (generates and evaluates hypothesis), et prendre une décision par rapport au risque et au gain potentiel (adapts and learns).

« En banque, Watson est impliqué au niveau de l’expérience client, dans le conseil à l’investissement, et dans la question du risque et de la conformité. Il travaille en trois temps : cognition, prédiction, prescription, précise Jean-Philippe Desbiolles. Mes clients banquiers apprennent à Watson à les aider à faire le travail de banquiers. »

En effet, la machine ne cesse de s’améliorer, et apporte une réponse probabiliste. « Watson connait ce qu’il sait, mais aussi ce qu’il ne sait pas », dit M. Desbiolles.

Watson améliore la valeur de l’être humain

Grâce à Watson, on peut donc recréer une relation quasi humaine avec la machine grâce à un système qui repose sur des évidences (evidence based). Watson améliore ainsi le rôle, la valeur de l’être humain en l’aidant dans son travail. Mais à aucun moment il ne le remplace.

Et dans le cas où Watson est mis à la disposition de chargés de clientèles, ces derniers vont apprendre à Watson à traiter avec leurs clients.

« On est en fait en train de parler de transfert de savoir. Or dans notre métier, le plus important c’est justement le savoir, le savoir-faire, et le savoir-être », explique celui qui possède plus de 18 années d’expérience dans le secteur des services financiers.

« Le savoir-être, Watson ne le gère pas. En revanche, le savoir et le savoir-faire, il peut l’apprendre. Watson ne se programme pas. C’est un système pour lequel chaque chargé de clientèle va apprendre à Watson ce qui est juste et ce qui ne l’est pas, ce qui est bon et ce qui n’est pas bon », souligne Jean-Philippe Desbiolles.

Le conseiller devra donc passer beaucoup de temps avec le système, car Watson est un peu comme un enfant : il apprend très vite, a une mémoire sans limites, et ne ment jamais. D’où l’importance de la personne qui va former Watson, et qui va s’assurer que son apprentissage est un bon apprentissage. Car comme pour un enfant, s’il a été mal éduqué, il aura des comportements déviants ou erronés. S’il est bien éduqué, en revanche, le conseiller aura une solution avec une forte valeur ajoutée. « À la différence d’un programme informatique, Watson est un processus sans fin. Il ne finit jamais d’apprendre. Il faudra continuer à lui apprendre pour qu’il améliore ses résultats », dit encore M. Desbiolles.

C’est toujours le conseiller qui prend la décision

Face au développement de l’intelligence artificielle et des technologies cognitives dans le secteur de la banque et de l’assurance, la crainte des conseillers est finalement de savoir s’ils ne sont pas en train de se tuer eux-mêmes, en transférant un savoir-faire à un système qui va lui-même conseiller leurs propres clients.

Jean-Philippe Desbiolles pense au contraire que les systèmes cognitifs comme Watson apportent beaucoup plus de pouvoirs aux consommateurs qu’ils n’en ont aujourd’hui, et potentiellement aux conseillers.

Pourquoi? « Parce qu’on sait tous qu’il y a des risques que l’on accepte, d’autres que l’on n’accepte pas. C’est une réflexion très individuelle. Watson est un evidence based system, c’est un système qui vous apporte des évidences qui sous-tendent une position. Watson, si son savoir est assez suffisant, il vous apporte toutes les évidences, mais à la fin des fins, c’est le conseiller et le client qui prennent la décision », prévient le spécialiste.

« En médecine, Watson apporte des éléments, des faits, des perspectives sur une pathologie, mais au final, c’est toujours le docteur et son patient qui prendront la décision. Et ils le font – c’est ça qui est important – en connaissance de cause. Il y a tellement de données disponibles aujourd’hui que l’être humain ne peut plus intégrer pour bien conseiller son client. Et c’est là toute la valeur de Watson. »

 

 

Le défi Jeopardy

En février 2011, Watson a battu les champions Brad Rutter et Ken Jennings au jeu télévisé Jeopardy. Reconnu pour ses questions complexes pleines de pièges, le populaire jeu s’est imposé comme le choix idéal de l’équipe Recherche IBM pour l’extraordinaire défi qu’il présentait. Pour jouer, et gagner, Watson devait répondre à des questions posées dans toutes les nuances du langage naturel, y compris des jeux de mots, des synonymes et des homonymes, de l’argot et du jargon.

Il faut aussi noter que Watson n’était pas connecté à Internet durant l’émission. Tout ce qu’il savait avait été amassé durant des années d’interaction et d’apprentissage à partir d’un grand ensemble de connaissances non structurées. En misant sur l’apprentissage-machine, l’analyse statistique et le traitement du langage naturel pour trouver et comprendre les indices dans les questions, Watson a comparé les réponses possibles en les classant selon le degré de confiance qu’il accordait à leur précision, et il a répondu, le tout, en 3 secondes environ.