La protection de soins longue durée est le produit de la prochaine décennie, affirme Guy Couture. Comme le produit demeure encore fort peu répandu, il y a encore du travail à faire pour vaincre les réticences des clients... et des conseillers.
Guy Couture est vice-président régional aux ventes en assurance à la Financière Manuvie, où il travaille depuis 1980. L’un de ses collègues chez Manuvie en a fait sa mission et prédit même que le produit sera le plus populaire pour les prochaines 25 années. L’Association canadienne des compagnies d’assurance de personnes (ACCAP) en a fait l’une de ses priorités.
Manuvie a acheté John Hancock en 2004, et cet assureur offre cette protection en soins de longue durée aux États-Unis depuis plus de 40 ans. Entre 1987 et 2008, l’assureur américain a versé plus de 2 G$ en prestations à 51 000 titulaires de contrats.
Lors du Symposium sur les soins de longue durée, tenu récemment à l’Université Laval, M. Couture a cité les données sur les réclamations. Sur un groupe de 1 000 personnes âgées de 65 ans ou plus, 449 auront besoin de soins professionnels. Pour 106 d’entre elles, ces soins seront donnés pendant plus de deux ans, et ça dépassera les cinq années pour 20 d’entre elles. La moyenne d’âge des prestataires ayant réclamé le remboursement de leurs frais était de 78 ans.
Le nombre de personnes âgées de 65 ans ou plus atteindra 2,2 millions en 2031. Si 106 assurés américains sur 1 000 ont besoin de soins d’une durée de plus de deux ans, cela représente un bassin de 233 200 personnes au Québec.
Le taux de mortalité des patients frappés par l’Alzheimer ou un ACV est inférieur de 15 % au Canada, comparativement aux États-Unis, précise M. Couture. Ce sont les deux principales maladies pour lesquelles les prestataires de l’assureur sont traités dans un centre d’hébergement, et non à domicile, ce qui augmente la facture de soins. M. Couture ajoute que les demandes d’assurance soins de longue durée de John Hancock servent aux deux tiers pour des femmes, dont l’espérance de vie est plus longue.
Des réticences
Dans un sondage mené par la firme Market Probe, Manuvie a interrogé les Canadiens sur les soins de longue durée. Chez ceux qui ont un conseiller en assurance, seulement 27 % des répondants ont reçu de l’information au sujet de leurs besoins en soins de longue durée. « C’est peut-être pour ça qu’on en vend si peu », déplore-t-il.
Le même sondage révèle que les Canadiens préfèrent passer leur examen physique annuel, voire consacrer une journée à faire du ménage, plutôt que de parler avec un conseiller à propos de leurs besoins de soins de longue durée. En creusant davantage, on apprend que 43 % des répondants surestiment largement le cout mensuel d’une prestation pour une personne de 55 ans et plus.
De plus, la moitié des répondants croient que leur assurance collective couvrira les soins de longue durée. Pourtant, près de deux répondants sur trois avouent leur crainte de perdre leur autonomie, et une personne deux craint de devenir un fardeau pour sa famille. Avec le taux de divorce élevé et le nombre d’enfants moins élevés, ils ont raison de se demander qui pourra s’occuper d’eux, souligne M. Couture.
Discussion difficile
Il n’est pas facile d’ouvrir la conversation avec les clients pour parler d’assurance en soins de longue durée, mais même lorsqu’il y arrive, le conseiller doit travailler fort. « Les gens pensent avoir assez d’argent à la retraite pour vivre jusqu’à 90 ans. Ils pensent pouvoir voyager, jouer au golf, léguer un héritage à leurs enfants et payer les études de leurs petits-enfants. Mais ils ne pensent pas à leur risque de maladie et de dépendance », dit-il. Il existe des gens qui sont prêts à dépenser 10 000 $ pour s’acheter un vélo afin de garder la forme, mais ils ne veulent pas couvrir le risque de vieillir en mauvaise santé, souligne-t-il.
Ce risque de passer cinq années en CHSLD représente des dépenses d’environ 300 000 $, à raison de 5 000 $ par mois. Selon M. Couture, couvrir le risque d’érosion du capital de retraite correspond à retirer une tranche de 0,5 % à 1 % dans le rendement de son régime à prestations déterminées (RPD).
Pour couvrir un risque de 300 000 $, il en coute 1 442 $ par année à 55 ans, mais 2 665 $ à 65 ans. Les conseillers objectent que la prime peut varier tous les cinq ans, ce qui rend le produit difficile à vendre. Il y a certes eu des hausses de primes pour ce produit en 2012, reconnait M. Couture, mais elles étaient attribuables au rendement très faible associé au taux d’intérêt très bas.
L’ACCAP recommande au gouvernement d’offrir un crédit d’impôt de 15 % sur la prime servant à payer cette protection en soins de longue durée. Au lieu de parler de prime au client, il faut l’amener à lui demander quelle somme il aura besoin pour couvrir ce risque d’invalidité. « C’est un choix très émotif. On le fait pour sa propre dignité, ou encore pour ne pas devenir un fardeau pour les autres », conclut M. Couture.