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Le problème au Québec en massothérapie se situe dans la durée et le degré de formation des massothérapeutes. En effet, la formation est largement inférieure à celle exigée dans d’autres disciplines liées au corps humain.

En comparaison, les physiothérapeutes québécois doivent faire une maitrise pour obtenir un permis de pratique. Un diplôme d’études collégiales est exigé pour être admis en physiothérapie.

Dans ce programme universitaire de 144 crédits, environ 50 % du cursus porte sur le système musculosquelettique, précise Yannick Tousignant-Laflamme, directeur du programme de physiothérapie de l’Université de Sherbrooke. Le reste est divisé entre la neurologie, le système cardiorespiratoire et les multisystèmes. À l’Université de Sherbrooke, la durée des stages s’élève à elle seule à 1 090 heures.

Pour sa part, la chiropratique au Québec exige l’obtention d’un doctorat de cinq ans qui est offert dans un seul établissement, l’Université du Québec à Trois-Rivières. Les candidats doivent être titulaires d’un diplôme d’études collégiales ou avoir une base universitaire. Le programme est fortement contingenté : moins d’une cinquantaine d’étudiants sont admis par année. Le programme comprend 2 532 heures de formation théorique et 2 283 heures de formation pratique.

En massothérapie au Québec, les exigences et le cursus varient selon les écoles. Dans un établissement que nous avons contacté, le plus jeune étudiant était âgé de 17 ans. Dans d’autres écoles, on exige un diplôme d’études secondaires et un âge minimum de 18 ans. Rien de plus. La durée de la formation à temps plein varie de cinq à dix mois. Elle prévoit généralement de 400 à 500 heures pour l’apprentissage de la technique de base, le massage de détente, et 1 000 heures pour le message thérapeutique. Un étudiant peut faire 200 heures pour se spécialiser, selon les établissements.

Dans de nombreuses écoles, à peine 90 heures de la formation de base de 400 heures sont consacrées à l’anatomie et aux problèmes musculosquelettiques, et une trentaine d’heures sont réservées au marketing et aux réalités du travail autonome. Dans certains établissements, les cours théoriques sont donnés en ligne et seuls les stages et les examens se font dans un environnement clinique.

Les droits de scolarité varient aussi d’une école à l’autre. Ils peuvent s’élever à plus ou moins 4 000 $ pour la formation de base, aller de 10000 $ à 12 000 $ pour la formation sur le massage thérapeutique de 1000 heures, et atteindre jusqu’à 13 000 $ pour une formation plus avancée.

Au terme de la formation de base, les étudiants reçoivent leur diplôme, adhèrent à une association et obtiennent un numéro de pratique, ce qui permet à leurs clients de demander à leur assureur de leur rembourser les frais de traitement. Malgré leur courte formation, comparativement aux physiothérapeutes et aux chiropraticiens, bon nombre de massothérapeutes facturent des frais allant de 70  $ à 80 $ par heure. Qui plus est, leurs clients ne connaissent toujours pas leur parcours et leur degré d’expérience et d’expertise.

Les personnes qui ne sont pas assurées ou qui ont atteint la limite de remboursement de leur assureur ne peuvent généralement pas obtenir un crédit d’impôt pour frais médicaux au Québec, car Revenu Québec ne reconnait pas les massothérapeutes comme des praticiens.

Trouver un massothérapeute compétent

Au Québec, des médecins et même des physiothérapeutes recommandent la massothérapie à leurs patients. Mais comment savoir si un massothérapeute est bien formé et compétent ?

Chercher un massothérapeute est facile : ils se comptent par milliers. Ils pratiquent dans des cliniques privées, à leur domicile, dans des spas, dans des cliniques de chiropratique et de physiothérapie, en entreprise. On en trouve sur Kijiji et sur des sites d’achats groupés comme Vie urbaine. Le choix ne manque pas.

La difficulté pour le client, c’est d’être certain que le massothérapeute qu’il choisit est compétent et que sa formation justifie ses frais de traitement élevés.

De nombreux massothérapeutes ont suivi au moins les 1 000 heures de formation que s’apprête à exiger Canada Vie, mais selon Étienne Durand, directeur général par intérim au Réseau des massothérapeutes professionnels du Québec, la majorité possèderait seulement la formation de base. Dans une école de massothérapie reconnue, le directeur nous mentionnait que la plupart des nouveaux étudiants suivent la formation de 400 heures.

Les frais élevés pour atteindre 1 000 heures de formation y sont certainement pour quelque chose, mais les nouvelles exigences de Canada Vie vont sans douter forcer des étudiants à opter pour une formation plus longue.

Pour les autres, on s’attend à ce que la formation continue et l’expérience soient suffisantes pour faire de plusieurs d’entre eux d’excellents massothérapeutes, qualifiés et fiables. « En général, au cours d’une carrière, écrit la Fédération québécoise des massothérapeutes agréés (FQM), le massothérapeute dépasse le niveau d’entrée dans la profession (novice) pour atteindre des niveaux plus avancés ».

Pour accroitre la confiance du milieu médical envers la massothérapie comme soin de santé, Massothérapie Québec (MQ), qui se décrit comme un organisme de certification, a créé le titre de « massothérapeute clinicien MQ », réservé aux massothérapeutes qui possèdent au moins 1 000 heures de formation. Elle a aussi créé un registre national que les gens peuvent consulter pour trouver un massothérapeute clinicien MQ dans leur région. Mais tous les massothérapeutes québécois qui ont 1 000 heures de formation ne font pas partie de Massothérapie Québec. C’est un organisme parmi tant d’autres qui cherche à faire sa marque dans le milieu.

Les risques de préjudices

Selon Sylvie Bédard, présidente de la FQM, un massothérapeute qui ne possède que 400 heures de formation ne peut pas travailler en interdisciplinarité, car il ne parle pas le même « langage » que les autres professionnels de la santé.

Au fil des années, est-ce que tous les massothérapeutes atteignent le niveau d’expertise et de compétence auquel les patients peuvent s’attendre des gens qui prétendent travailler dans le domaine de la santé ? Un massage de détente de base relaxant offert dans un spa ne requiert pas de formation universitaire.

Mais pour les massages thérapeutiques chez les personnes souffrant de douleur chronique ou de TMS importants, il y a des risques importants à être traités par un massothérapeute qui n’est pas qualifié, reconnait la FQM.

« Qu’il s’agisse de massage suédois – technique privilégiée par 72 % des massothérapeutes du Québec –, californien, thaï ou tuina, les techniques employées sont pratiquement les mêmes partout dans le monde. De ce fait, les contre-indications et les possibles préjudices sont les mêmes, écrit la FQM au gouvernement à l’appui de sa demande de création d’un ordre professionnel. À cet effet, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) reconnait les risques de préjudices et leur gravité ».

Selon la FQM, l’état de santé du Québécois moyen et ses motifs de consultation en massothérapie doivent être pris en compte dans l’évaluation des risques de préjudices et de leur gravité. Le vieillissement entraine une augmentation des pathologies comportant des contre-indications. La massothérapie est contre-indiquée, par exemple, pour les personnes qui souffrent d’ostéoporose.

L’organisme cite les résultats d’une étude publiée en 2003 par un médecin anglais, le Dr Edzart Ernst. Il faisait état de blessures modérément graves et de complications graves causées par des techniques de massage, le plus souvent au niveau cervical.

Les agressions sexuelles figurent aussi au nombre des risques de préjudices majeurs en massothérapie. Ces dernières années, de nombreux massothérapeutes québécois ont été arrêtés et poursuivis en justice pour des agressions sexuelles sur des patients.

Ce ne sont toutefois pas tous les massothérapeutes qui estiment que la massothérapie peut entrainer des préjudices graves. Le Réseau des massothérapeutes professionnels du Québec, qui dit compter 8 000 membres, selon son directeur général par intérim, Étienne Durand, est toujours d’avis que rien au Québec ne démontre que la massothérapie présente quelque risque de préjudice sérieux pour le public.

Ce point de vue est partagé par l’Association canadienne des thérapeutes en médecines douces (ACTMD) qui, dans son mémoire daté de juin 2013, affirme que la massothérapie ne présente « aucun risque sérieux » et que, de ce fait, la création d’un ordre professionnel au Québec n’est pas nécessaire.