Le troisième trimestre aura été difficile pour les assureurs de personnes au Canada. La Financière Sun Life et la Financière Manuvie ont tour à tour présenté des pertes importantes. L’Industrielle Alliance, Assurance et services financiers a vu son bénéfice net reculer. Seul Great-West Lifeco a présenté une amélioration de ses résultats.

Les assureurs doivent ce recul à plusieurs facteurs : volatilité accrue, bas taux d’intérêt à long terme qui stagnent et mise en place des normes internationale d’information financières (IFRS) sont en cause.
Manuvie a présenté la perte la plus importante : 1,277 milliards de dollars (G$). L’assureur invoque les bas taux d’intérêts à long terme, la volatilité boursière et ses changements actuariels du troisième trimestre pour expliquer cette perte. Selon la compagnie, les marchés ont connu une volatilité exceptionnelle et la politique de la Réserve fédérale a fait baisser les taux à long terme aux États-Unis, mais aussi ailleurs.
Enfin, sans les normes internationales d’information financière (NIIF), Manuvie soutient qu’elle aurait affiché un bénéfice net de 2,2 G$ au troisième trimestre. Les NIIF exigent que les assureurs escomptent leurs engagements futurs envers les assurés à leur valeur au marché. Les résultats de Manuvie indiquent par ailleurs que son ratio de solvabilité atteignait 219 % au 30 septembre.
La compagnie garde toutefois son lustre auprès des firmes de notation Standard and Poor’s et A.M. Best, qui n’ont pas abaissé ses cotes de crédit. A.M. Best a toutefois prévenu les investisseurs qu’elle allait procéder à une révision en profondeur de celle-ci sous peu.
Le PDG de Manuvie, Donald Guloien, se dit déçu de la perte subie par l’assureur au 3e trimestre. Il se félicite toutefois que son programme de couverture ait fonctionné.
« Il nous a permis de dégager le rendement prévu, même durant les périodes de haute volatilité des marchés au troisième trimestre. De plus, notre programme nous a permis de générer un profit de plus de 3,3 G$, après impôts. Ce qui a compensé environ 70 % de l’incidence sur le résultat de 4,8 G$ au titre du risque relatif aux rentes à capital variable et des pertes liées aux actions des produits de rente à capital fixe. » À titre de comparaison, le troisième trimestre de 2010 avait été pire pour Manuvie, qui subissait alors une perte de 2,3 G$.
La Financière Sun Life a aussi été durement frappée au 3e trimestre de 2010, au point de devancer la divulgation de sa perte de 621 millions de dollars (M$) avant le dévoilement officiel de ses résultats. Son bénéfice net du troisième trimestre 2010 était de 416 M$.
L’assureur explique cette perte par les taux d’intérêt à long terme qui persistent à un plancher historique et les fortes variations des marchés financiers au troisième trimestre. « Aux États-Unis, les taux des titres du Trésor à long terme ont attient des planchers historiques, les rendements sur trente ayant baissé de 146 points de base (1,46 %) pour s’établir à 2,91 % », explique-t-il. Pour leur part, les produits (primes et dépôts) sont passés de 7,7 G$ au troisième trimestre de l’an passé à 7,5 G$ au troisième trimestre 2011. Le ratio de solvabilité de l’assureur atteignait 210 % au 30 septembre.
Recul à l’Industrielle Alliance
Relativement épargnée, l’Industrielle Alliance pointe aussi du doigt ces deux facteurs pour expliquer la décroissance de 28 % de son bénéfice net au troisième trimestre par rapport à la même période de 2010. Elle a réalisé un bénéfice net de 45,7 M$, contre 63,5 M$ au troisième trimestre de 2010.
Yvon Charest, PDG de l’Industrielle Alliance, indique que les faibles taux d’intérêt à long terme et le repli des marchés boursiers lui ont arraché une perte de 19 cents par action dans les secteurs assurance et gestion de patrimoine individuels au troisième trimestre. Cruciaux pour la rentabilité de ces produits, les taux d’intérêt à long terme sont « près de leur plus bas niveau de tous les temps », a dit M. Charest.
Le dirigeant prévoit d’autres écueils si la situation persiste. « Si les taux d’intérêt baissent davantage au quatrième trimestre, nous devrons renforcer nos provisions actuarielles et probablement diminuer notre taux de réinvestissement ultime », a-t-il prévenu.
La gestion des risques s’est aussi avérée couteuse pour l’assureur de Québec. « Environ le tiers de ce recul du bénéfice net est attribuable au programme de gestion dynamique mis de l’avant vers la fin de 2010 pour couvrir notre produit de retrait minimum garanti. La rentabilité au troisième trimestre a également été touchée par des demandes de règlement défavorables dans les secteurs de l’assurance individuelle et de l’assurance collective », a ajouté M. Charest.
Quant à l’impact des nouvelles normes comptables, l’Industrielle Alliance indique dans ses résultats que le passage au NIIF a entrainé une diminution de 1 % de son ratio de solvabilité. Ces ajustements feront diminuer le ratio de solvabilité « de façon linéaire sur une période de huit trimestres s’étalant jusqu’au 31 décembre 2012, pour une diminution qui totalisera 5 points de pourcentage sur l’ensemble de la période ». Au 30 septembre 2011, le ratio de solvabilité de l’assureur s’établissait à 197 %, comparativement à 194 % au 30 juin 2011.
Attention aux États-Unis
Les assureurs avec d’importantes activités aux États-Unis ne semblent pas sortis du bois. La Réserve fédérale américaine s’est engagée le 21 septembre à abaisser les taux d’intérêts à long terme. Elle veut ainsi permettre aux entreprises américaines de relancer leur croissance par l’emprunt. Son plan, appelé « opération twist », consiste à vendre plus de 400 G$ d’obligations à court terme du trésor américain pour en acheter autant à long terme. Selon une étude d’Éric Swanson, de la Réserve fédérale de San Francisco, cette stratégie déjà déployée dans les années 60 a un effet minime sur les taux, soit 0,15 %.
Or, l’effet peut être désastreux pour les assureurs qui investissent massivement dans les obligations à long terme les primes reçues de leurs assurés. Les réserves qu’ils constituent ainsi servent à remplir leurs engagements futurs envers leurs assurés. Elles fondent toutefois sous l’effet d’une baisse des taux à long terme, même minime.
Great-West fait fi des problèmes
Great-West Lifeco a réalisé un bénéfice net de 457 M$ au troisième trimestre de 2011, en hausse de 71,2 % par rapport au bénéfice net de 267 M$ réalisé au troisième trimestre de 2010. Great-West Lifeco a eu un coup de pouce : « Le bénéfice net du troisième trimestre de 2010 comprend l›incidence d›une provision additionnelle liée à des litiges de 204 M$ attribuable aux détenteurs d›actions ordinaires », a indiqué la société de portefeuille.
Elle a de plus inscrit un rendement sur l’avoir des actionnaires de 16,6 % pour ce trimestre. Son ratio de liquidité se situait à 200 % dans ses activités canadiennes d’assurance au 30 septembre.
Pour sa part, Desjardins Sécurité financière a publié ses résultats du troisième trimestre le 29 novembre dernier, après la date de tombée de la présente édition.