Une trop grande utilisation des inhibiteurs de la pompe à protons (IPP), des médicaments utilisés pour réduire les reflux gastriques et traiter les ulcères d’estomac, est de nouveau observée au Québec, ce qui inquiète les autorités de santé en raison du poids financier qu’ils entraînent. L’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) vient de publier en juillet des guides de déprescription dans le but de réduire leurs coûts et leur trop long usage.
Six IPP sont offerts au Canada. La plupart sont vendus uniquement sous prescription d’un médecin, mais certains produits d’oméprazole sont disponibles en vente libre.
L’utilisation des IPP est largement répandue au pays, indique Santé Canada : en 2016, 33 millions d’ordonnances ont été exécutées. Ces chiffres canadiens, qui remontent à neuf ans, pourraient être à la hausse aujourd'hui. En effet, l'INESSS observe au Québec une augmentation de leur utilisation au fil des années.
Des médicaments coûteux
Les IPP coûtent très cher au régime public québécois, soit plus d'une centaine de millions de dollars (M$) par an.
Des chiffres obtenus par le Portail de l’assurance auprès de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) donnent un portrait d’ensemble.
Au total, en quatre ans, ces médicaments ont coûté au régime public québécois un peu plus de 451 M$, un chiffre qui ne tient pas compte des montants déboursés par les assureurs privés.
Une tendance à la hausse
Ce n’est pas la première fois que le Québec s’inquiète et s’attaque à la facture qu’engendrent les IPP. Ces vingt dernières années, diverses mesures ont été appliquées afin de favoriser leur usage optimal et réduire leur volume d’ordonnances.
Mais ces efforts ne donnent plus les résultats escomptés et la tendance est de retour à la hausse.
Malgré l’instauration des modalités de remboursement en 2017, note l’INESSS, une tendance à l’usage inapproprié semble s’observer de nouveau. La quantité des IPP remboursés annuellement est croissante et engendre une pression financière sur le régime, comme le montrent les chiffres de la RAMQ.
Selon les experts de l'Institut, les IPP sont souvent utilisés de manière inappropriée, sans indication ou plus longtemps qu’il n’est recommandé. Une révision des modalités de remboursement est nécessaire, soutiennent-ils.
Favoriser les IPP moins onéreux
Les cliniciens, mentionne l’INESSS, font état de la disparité d’accès aux IPP entre le régime public et les régimes privés en général. Ces derniers ne limitent pas les modalités de remboursement.
Les assureurs auraient toutefois intérêt à être attentifs : au Québec, les coûts par jour varient de 0,07 $ à 0,46 $ selon l’inhibiteur. Les experts relèvent que l’ensemble des IPP présentent des profils d’efficacité et d’innocuité semblables. Or, certains comme le dexlansoprazole, l’esoméprazole et le lansoprazole présentent un coût d’acquisition plus élevé sans qu’aucun bénéfice clinique soit démontré.
« Favoriser le recours aux IPP les moins onéreux constituerait une utilisation plus efficiente des ressources », dit l’organisme public.
Par exemple, la Colombie-Britannique et l’Alberta ont mis en place des modalités qui limitent leur remboursement au prix du pantoprazole et du rabéprazole, les IPP les moins onéreux. Dans ces provinces, la part relative qu’occupe le remboursement de ces deux IPP est plus élevée qu’au Québec : elle gravitait autour de 74 % en 2024 alors qu’au Québec, elle était de 64 % pour la même période. Advenant l'application de ces mêmes modalités au Québec, le régime public pourrait épargner par cette seule mesure 4,1 M$.
Les conséquences de la déprescription
Si l’objectif d’économie est compréhensible, la déprescription pourrait toutefois avoir des conséquences négatives. Des cliniciens consultés par l’INESSS disent qu’un tel choix risquerait d’augmenter significativement les coûts liés aux consultations en « sans rendez-vous » ou à l’urgence, aux examens supplémentaires et aux traitements qui pourraient être prescrits.
Néanmoins, pour aider à la diminution des ordonnances et à la trop grande consommation des IPP, l’INESSS vient de publier en juillet 2025 un algorithme décisionnel destiné aux prescripteurs.
Dans son guide, elle recommande notamment une évaluation de la pertinence de poursuivre la médication chez ceux qui en prennent depuis plus de huit semaines, un essai de déprescription chez les patients qui n’ont pas d’indications justifiant un usage prolongé et, chez certains, la réduction de la dose, voire l’arrêt complet du médicament. En cas de persistance du problème, l’IPP doit être repris à la dose efficace précédente.
Les experts rappellent aussi l’importance d’une modification des habitudes de vie pour soulager les symptômes gastro-intestinaux avant, pendant et après la prise de médicaments, notamment par des changements dans l’alimentation, le maintien d’une bonne hygiène de sommeil et plus d’activité physique.