Les travailleurs de 55 ans et plus sont beaucoup plus nombreux sur le marché du travail, voire presque aussi nombreux que ceux de la tranche d’âge des 25-34 ans, alors qu’ils étaient presque trois fois moins en 1996. Cela fait naitre un sentiment d’urgence chez les employeurs qui, doivent adapter leurs programmes sociaux et leurs politiques internes à cette nouvelle réalité, indique Mercer Canada, dans son rapport Tirer profit de la force de l’âge, paru en octobre.

Les employeurs n’ont pas de guides fiables auxquels ils peuvent se référer puisque la situation professionnelle actuelle est sans précédent. Le vieillissement de la population prend de l’ampleur et au même moment, la croissance mondiale est à son plus bas, depuis la crise financière de 2008.

« Les écarts marqués dans la conception des régimes de retraite, combinés à une épargne insuffisante et à une espérance de vie plus longue, font en sorte que les employés sont moins bien préparés à la retraite sur le plan financier et sont moins enclins à prendre leur retraite dans les délais prévisibles », dit Mercer.

Les employeurs ont donc intérêt à inclure et bénéficier de la main-d’œuvre plus âgée comme d’un atout stratégique à leurs équipes, étant donné leur bagage d’expérience et leur envie de demeurer plus longtemps sur le marché du travail.

Tirer profit de la force de l’âge

« Le nombre d’employés, le taux de participation et la productivité sont intimement liés à la croissance commerciale et économique, la main-d’œuvre expérimentée constitue un bassin de talents et un avantage concurrentiel indéniable que les employeurs doivent exploiter dès maintenant, dit Pat Milligan, membre principal du partenariat et responsable mondiale du groupe des clients multinationaux de Mercer. Cependant, pour tirer profit de la force de l’âge, il faut porter attention à ce segment de main-d’œuvre, l’analyser de façon réfléchie et changer les perspectives à son égard, pour constater la valeur que ces employés d’expérience peuvent rapporter au sein des organisations. »

Afin de stimuler la croissance économique, les pays membres du G20 conviennent qu’il faut absolument encourager les gens à prendre leur santé en main et ainsi les amener demeurer actifs et productifs sur le plan économique. Par incidence, ces mesures poussent les travailleurs plus âgés à travailler plus longtemps et à réduire leur dépendance au système de santé. Des mesures qui contribueraient à diminuer le fardeau assumé par ces systèmes.

Abattre les tabous et encourager l’expérience

Encore faut-il encourager les employeurs à embaucher une main-d’œuvre plus âgée et à améliorer les conditions de travail de cette main-d’œuvre. Beaucoup ont encore tendance à ne pas encourager la diversité générationnelle, à ignorer les plus âgés ou à mal les percevoir, de sorte qu’ils ne font pas partie des plans de main-d’œuvre stratégique, dit Mercer. Selon le rapport du Forum économique mondial sur l’avenir des emplois The Future of Jobs, paru en 2016, seulement 4 % des répondants ont indiqué qu’ils prévoyaient investir dans les employés d’expérience dans le cadre de leur stratégie de main-d’œuvre.

Or, selon Statistique Canada, le ratio entre vieux et jeunes dans le domaine des affaires, de la finance et de l’administration, était égal en 2018, comparativement à 1996 où le ratio était de 3,1 jeunes pour une personne de 55 ans et plus. En 22 ans, le nombre de jeunes travailleurs de ce domaine a augmenté de 2 %, tandis que le nombre de travailleurs âgés a explosé de 236 %.

Pourtant, les préjugés sur l’âge et les barrières culturelles et psychologiques toujours bien présents rendent les entreprises hésitantes au moment d’embaucher une main-d’œuvre plus âgée. Les employeurs ont tendance à faire de l’âgisme et préfèrent embaucher des employés plus jeunes que d’élaborer des plans de main-d’œuvre stratégique. Et ce, bien que les employés de 50 ans et plus possèdent une vaste expérience et restent sur le marché du travail, parce qu’ils ont la volonté de contribuer à la réussite de leur employeur et, surtout, parce qu’ils s’en sentent capables, dit Mercer.

Bien que des normes aient été établies pour combattre la stigmatisation subie par les populations issues de la diversité, il est toujours socialement acceptable, voire habituel, d’exprimer des préjugés sur l’âge, révèle Mercer dans son rapport. Pourtant, les gens ne se qualifient pas eux-mêmes de « vieux », indique Mercer. Ils ont plutôt tendance à faire référence à leur genre, leur race, leur l’ethnie ou leur culture. Or, ils sont victimes d’âgisme, soit « un processus par lequel des personnes sont stéréotypées et discriminées en raison de leur âge. Ce qui s’apparente à du racisme et du sexisme », écrivait le gérontologue, auteur et premier directeur de l’Institut national du vieillissement des États-Unis, Robert Butler, en 1975, alors que l’âgisme était écore un mot inconnu.

Portrait statistique actuel

Le ratio entre les jeunes travailleuses et les travailleuses âgées a diminué pour passer de 4,5 en 1996 à 1,6 en 2016 chez les infirmières, par exemple. Dans quelques cas, l’arrivée massive des femmes depuis 20 ans est venue atténuer le vieillissement, notamment pour les omnipraticiens et médecins de famille, professions pour lesquelles il y a eu une augmentation de 135 % du nombre de femmes entre 1996 et 2016, contre seulement 14 % pour les hommes. Ce mouvement est venu changer le portrait autrefois typiquement masculin de la profession.

Au sein de certaines professions, le vieillissement peut être exacerbé par des difficultés à attirer de plus jeunes travailleurs ou par des changements structurels, comme en enseignement ou en assurance, où les conditions de travail peuvent être plus difficiles, alors que les emplois plus technologiques peuvent rebuter les travailleurs plus âgés.

La stratégie à adopter envers les employés expérimentés est amplifiée par les tendances démographiques mondiales : en effet, d’ici 2040, l’espérance de vie, en moyenne, devrait être de 80 ans, alors qu’en 1966, elle était de 56 ans et, en 2016, de 72 ans.