En 2017, les autorités portuaires canadiennes ont intercepté 316 véhicules volés aux ports de Montréal et d’Halifax. Au total, ces véhicules valent 12 millions de dollars (M$).

L’Agence des services frontaliers du Canada a aussi débusqué des pièces de voitures volées d’une valeur totalisant 203 000 $ en 2017. Il ne s’agit là que des véhicules interceptés. La valeur réelle des véhicules volés et exportés est difficile à évaluer.

Freddy Marcantonio, vice-président, développement des affaires et distribution chez Tag, une entreprise de repérage de véhicules, rapporte que les réseaux criminels s’avèrent être des compagnies à numéro bien organisées qui peuvent enregistrer un chiffre d’affaires annuel de 20 millions de dollars, si bien que le vol automobile finance les autres activités criminelles de ces réseaux.

« Chacun dans l’entreprise a sa fonction. L’un fait une liste d’épicerie des véhicules en demande, l’autre établit le lien entre le réseau et les voleurs et un autre s’occupe de l’exportation. Chacun d’eux a des employés. Ces réseaux ont des contacts partout dans le monde », dévoile M. Marcantonio.

Il ajoute que bien que ces réseaux sont démantelés, ils se reconstituent aussitôt sous une autre entreprise à numéros. Les dirigeants ne sont jamais arrêtés, puisqu’ils utilisent des prête-noms. « L’une de nos plus grandes déceptions en tant qu’entreprise est que ces réseaux fonctionnent et fonctionneront toujours », déplore-t-il.

D’après M. Marcantonio, ce phénomène perdure parce que le système de justice est trop peu sévère à l’endroit de ces criminels. « Au Québec, voler un véhicule est aussi grave aux yeux de la justice que de voler un rasoir dans une pharmacie ! »

Plus rentable d’exporter

Freddy Marcantonio explique la raison qui motive les voleurs à exporter les véhicules : c’est beaucoup plus rentable que de les découper et d’en revendre les pièces. D’abord, pour l’exportation, les voleurs n’ont besoin que de louer un entrepôt pour quelques semaines, le temps de préparer les documents, tandis que lorsque l’on vole pour revendre les pièces, il faut un atelier et des garagistes à temps plein, en plus d’un inventaire de pièces pour alimenter le réseau. Il souligne aussi que les assureurs ont mis des processus en place qui rendent plus difficile pour ces réseaux criminalisés de fournir des pièces volées aux garagistes reconnus par l’industrie.

De plus, la valeur des véhicules double, spécialement lorsque vendus dans des pays de l’Europe, de l’Afrique et du Moyen-Orient. Combinés à des couts minimes, que M. Marcantonio évalue à 5 000 $, les profits sont donc plus qu’intéressants pour les réseaux.

M. Marcantonio explique que l’exportation de pièces est un nouveau phénomène observé dans les ports de mer canadiens. « Si les véhicules valent le double de leur valeur dans les pays où les voleurs exportent, les pièces aussi. C’est presque impossible de déterminer quelles pièces sont volées et quelles pièces ne le sont pas dans un conteneur puisqu’elles sont mélangées. Si les pièces volées sont généralement placées à l’arrière d’un conteneur, personne ne va prendre le temps de les vérifier une à une. »

Un pied-à-terre au Port de Montréal

D’ailleurs, M. Marcantonio a révélé que Tag a installé des sites au port de Montréal, appelés des « gravitons ». Ils permettent à l’entreprise de réagir plus rapidement lorsqu’un vol est déclaré et que le véhicule est détecté au port.

« Nous sommes en mesure de retrouver des véhicules grâce à notre collaboration avec le Bureau d’assurance du Canada (BAC), dont les équipes utilisent des outils dédiés à Tag », explique M. Marcantonio.

L’entreprise y a récemment retrouvé un véhicule de marque Mercedes-Benz évalué à 125 000 $. Si le BAC n’est pas l’entité qui est en mesure de déterminer quel conteneur doit être ouvert, les techniciens utilisent des « baguettes magiques », qui détectent les récepteurs placés par Tag lorsque ceux-ci sont activés pour retrouver le véhicule.

C’est alors Tag qui indique au Bureau d'assurance du Canada, division enquête, quel conteneur doit être ouvert. Le BAC obtient à son tour un mandat pour procéder à l’ouverture. Si le conteneur est sur un bateau, les couts pour l'ouvrir peuvent rapidement grimper, dit M. Marcantonio. « Nous devons alors être bien certains que le conteneur que nous ouvrons est le bon ! »

Précision: la version orginale de cet article stipulait qu'il en coutait 100000$ pour ouvrir un conteneur au Port de Montréal. C'est inexact, c'est lorsque le conteneur se retrouve déjà sur un bateau que les couts peuvent grimper.