Polices d’assurance vie étrangères : naviguer dans les règles fiscales canadiennes

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Lucas Gareri

Directeur principal, service fiscalité, retraite et planification successorale, Manuvie

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Polices d’assurance vie étrangères : naviguer dans les règles fiscales canadiennes

Publié le 9 juin 2025

Le paysage fiscal canadien présente une série complexe de règles pour les nouveaux immigrants, notamment en ce qui concerne le traitement des polices d’assurance vie étrangères. Deux récentes interprétations de l’Agence du revenu du Canada (ARC) — les vues 2024-1018491E5 et 2024-1025011I7 — offrent des indications sur la façon dont ces polices sont imposées lors de l’immigration.

Cet article explore les implications de ces vues, le cadre législatif prévu par la Loi de l’impôt sur le revenu, ainsi que les considérations pratiques pour les contribuables et leurs conseillers devant naviguer dans ces règles. 

Introduction 

Immigrer au Canada ne signifie pas seulement changer de lieu de résidence; cela implique un changement complet des obligations fiscales. Parmi les aspects moins connus, mais aux conséquences importantes de cette transition, figure le traitement des polices d’assurance vie étrangères. Bien que ces instruments puissent avoir été acquis à l’étranger à des fins de planification successorale, d’investissement ou en lien avec une hypothèque, leur traitement fiscal au Canada peut être très différent. 

Les récentes directives administratives de l’ARC offrent l’occasion de revoir l’imposition des polices d’assurance vie étrangères, en particulier à la lumière des règles d’acquisition présumée prévues à l’article 128.1. Cet article vise à décortiquer les dispositions législatives pertinentes, les orientations interprétatives et les implications pratiques pour les nouveaux résidents canadiens. 

Disposition et acquisition présumées à l’immigration 

En vertu de l’alinéa 128.1 (1) (b), les particuliers qui deviennent résidents du Canada sont réputés avoir disposé de tous les biens qu’ils possédaient immédiatement avant de devenir résidents à leur juste valeur marchande (JVM). Simultanément, l’alinéa 128.1 (1) (c) prévoit qu’ils sont réputés avoir acquis les mêmes biens à cette JVM, établissant ainsi un nouveau prix de base aux fins fiscales canadiennes. 

Ce mécanisme de disposition et d’acquisition présumées garantit que seuls les gains réalisés après l’immigration sont assujettis à l’impôt canadien. Toutefois, une exception importante existe pour une « police d’assurance vie au Canada », selon la définition du paragraphe 138 (12).

Cette exception s’applique uniquement aux polices émises par des assureurs canadiens sur la vie de résidents canadiens au moment de l’émission. Par conséquent, les polices d’assurance vie étrangères sont généralement exclues de cette exception et sont assujetties aux règles d’acquisition présumée. 

Définition d’une police d’assurance vie 

La Loi de l’impôt sur le revenu fournit une définition large de la « police d’assurance vie » au paragraphe 138 (12), englobant les contrats qui prévoient des prestations de décès ou des caractéristiques de rente. La question de savoir si un produit spécifique peut être considéré comme une police d’assurance vie est une question de fait.Dans les avis de l’ARC cités en référence, la police d’assurance vie hypothécaire britannique et la police d’épargne hypothécaire néerlandaise ont toutes deux étés considérées comme pouvant répondre à cette définition. 

Cette classification n’est pas uniquement théorique : elle détermine l’application des règles d’imposition par accumulation et la possibilité d’une exemption selon le droit canadien. 

Imposition par accumulation et test de la police exonérée 

Le paragraphe 12.2 (1) impose l’inclusion annuelle du revenu pour les polices d’assurance vie acquises après 1989, en fonction de la croissance de l’investissement de la police. L’inclusion du revenu est calculée comme l’excédent du « fonds d’accumulation » de la police sur son « prix de base rajusté » (PBR), tels que définis respectivement à l’article 307 du Règlement de l’impôt sur le revenu et au paragraphe 148 (9). 

Le fonds d’accumulation reflète l’accumulation des investissements de la police, tandis que le PBR inclut les primes versées et le revenu déjà déclaré. Pour les nouveaux résidents, la date d’acquisition présumée selon l’article 128.1 devient la date d’acquisition effective pour déterminer si la police est assujettie à l’imposition annuelle par accumulation. 

Cependant, en vertu de l’article 306 du Règlement, les polices qui répondent à la définition de « polices exonérées » sont exclues de ce régime d’accumulation. Une police exonérée est généralement conçue principalement pour fournir une prestation au décès plutôt que pour servir de véhicule d’investissement. La détermination du statut exonéré nécessite une analyse actuarielle et l’accès à des renseignements détaillés sur la police, ce qui nécessite souvent l’intervention d’un actuaire qualifié connaissant les règles fiscales canadiennes. 

Imposition des produits d’assurance 

Les vues de l’ARC clarifient également le traitement fiscal des produits tirés des polices d’assurance vie. Les prestations de décès provenant de polices exonérées ne sont pas considérées comme une disposition et sont donc reçues en franchise d’impôt. Cependant, lorsqu’une police arrive à échéance ou fait l’objet d’une disposition, le titulaire peut réaliser un « gain de police », défini comme l’excédent des produits sur le PBR. 

Il est important de noter qu’un gain de police n’est pas un gain en capital. Les polices d’assurance vie ne sont pas considérées comme des biens en capital au sens de la Loi, et par conséquent, la totalité du gain de police est entièrement imposable à titre de revenu. Cette distinction est essentielle en matière de planification fiscale et de conformité, particulièrement lorsque les polices arrivent à échéance après que la personne soit devenue résidente canadienne. 

Obligations de déclaration des biens étrangers 

En plus des considérations relatives à l’impôt sur le revenu, les résidents canadiens doivent se conformer aux obligations de déclaration des biens étrangers en vertu de l’article 233.3. Les polices d’assurance vie étrangères entrent dans la définition des « biens étrangers déterminés ». Si le coût total de tels biens dépasse 100 000 $ CA, le contribuable doit produire le formulaire T1135 chaque année. 

Le défaut de produire le formulaire T1135 peut entraîner des pénalités pouvant atteindre 2 500 $ et prolonge la période de nouvelle cotisation de trois ans. Bien que le formulaire n’impose pas d’impôt supplémentaire, il s’agit d’une obligation de conformité cruciale que les nouveaux résidents ne doivent pas négliger. 

Considérations pratiques et recommandations 

Compte tenu de la complexité de ces règles, les nouveaux résidents canadiens devraient prendre les mesures suivantes : 

  • Engager un actuaire : déterminer si la police étrangère répond à la définition d’une police exonérée selon les règles canadiennes.
  • Établir le PBR : calculer le prix de base rajusté de la police à la date d’acquisition présumée en utilisant les principes fiscaux canadiens.
  • Surveiller le revenu par accumulation : si la police n’est pas exonérée, suivre la croissance annuelle de l’investissement aux fins de l’inclusion dans le revenu.
  • Se préparer à l’échéance : comprendre les implications fiscales de l’échéance de la police et planifier en conséquence.
  • Respecter le T1135 : veiller à produire en temps opportun et avec exactitude la déclaration des polices d’assurance vie étrangères et autres biens étrangers déterminés.

Conclusion 

L’imposition des polices d’assurance vie étrangères au Canada est régie par une interaction nuancée entre les dispositions législatives et les définitions réglementaires. Les récentes directives de l’ARC soulignent l’importance de comprendre ces règles, en particulier pour les nouveaux immigrants qui pourraient ignorer les conséquences fiscales canadiennes de leurs arrangements financiers existants. 

En faisant appel à des professionnels qualifiés et en respectant les obligations de conformité, les nouveaux résidents peuvent atténuer leur exposition fiscale et éviter des pénalités coûteuses. À mesure que la mobilité internationale augmente, la maîtrise des règles fiscales transfrontalières devient de plus en plus essentielle, en particulier dans des domaines aussi complexes que l’imposition des assurances vie. 

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