Fiscalité : les chefs de PME ne doivent pas retenir leur souffle
Selon la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), parmi les préoccupations majeures des chefs de PME, le fardeau fiscal global arrive au premier rang. Quels seront les progrès à ce chapitre en 2020 ?
En aout 2019, la FCEI a publié un rapport au titre évocateur : « Taxes sur la masse salariale : un obstacle à la croissance et à la compétitivité des PME ».
La FCEI insiste pour utiliser le terme « taxes sur la masse salariale » à propos des cotisations aux régimes publics de retraite (RPC/RRQ) ou à la santé et la sécurité du travail (CNESST), car « ces charges sont basées sur les salaires, sont non volontaires et imposées par la loi ».
C’est au Québec où les employeurs paient le plus de taxes différentes sur leur masse salariale, avec sept contributions distinctes. Dans trois cas, elles sont payées tant par les employeurs que les employés : RPC/RRQ, Régime québécois d’assurance parentale (RQAP) et assurance emploi.
Quatre autres sont imposées uniquement aux employeurs : le régime d’indemnisation des accidents du travail, les taxes provinciales comme l’impôt-santé ou la taxe pour l’éducation, la cotisation relative aux normes du travail et la contribution au Fonds de développement et de reconnaissance des compétences de la main-d’œuvre. Les deux dernières n’ont pas d’équivalent ailleurs au Canada, tout comme le RQAP. Seulement en 2017-2018, la cotisation des employeurs au Fonds des services de santé a totalisé 6,2 milliards de dollars (G$).
Pour le salaire de 50 000 $ d’un employé, le taux effectif des taxes sur la masse salariale de 12,98 % au Québec correspond à un montant de 6 488 $. C’est un sommet au Canada, l’Alberta ayant le taux effectif le plus bas (8,09 %) et la moyenne canadienne étant de 9,77 %. Comme ces taxes s’ajoutent aux salaires, cet employé coute donc 56 488 $. Rappelons que l’employé québécois ne ramène chez lui que 46 531 $ en raison des ponctions qui sont faites sur son chèque pour sa part des cotisations salariales.
Deux bonnes nouvelles
En 2019, les employeurs ont quand même eu deux (relativement) bonnes nouvelles. Le 13 septembre dernier, la Commission de l’assurance emploi du Canada (CAEC) a annoncé des baisses de cotisation pour 2020. Les employeurs verseront 2,21 $ par tranche de 100 $ de gains assurables, une baisse de 0,06 $ par rapport au taux en vigueur en 2019.
Le maximum de la rémunération assurable a été indexé à 54 200 $. La contribution maximale de l’employeur sera de 1198,90 $, une baisse de 5,41 $ sur celle en vigueur en 2019.
Par ailleurs, le 11 juin dernier, le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, Jean Boulet, a annoncé une baisse de cotisation de 6 % des taux de cotisation au RQAP pour l’année 2020. Il a profité de l’occasion pour rappeler que le gouvernement avait déjà réduit de 4 % le taux de cotisation en vigueur en 2019.
Déposé le même jour, le rapport actuariel du Fonds d’assurance parentale montrait que le solde du Fonds serait de près de 1,44 G$ au 31 décembre 2023. En tenant compte de la diminution des taux de cotisation, les surplus atteindront quand même 125 M$ par année.
Le ministre Boulet a par ailleurs déposé le projet de loi 51 sur l’assurance parentale le 28 novembre dernier. Ce sera l’occasion pour la FCEI de répéter sa recommandation de partager à parts égales la facture du régime entre les travailleurs et les employeurs, comme c’est le cas pour le RRQ.
Relève entrepreneuriale
Le transfert d’entreprises familiales est l’objet d’une demande récurrente des grandes firmes de fiscalistes, à chaque budget fédéral. Cette demande suggère de permettre à un particulier de profiter de la déduction pour gains en capital (DGC) lorsqu’il cède une entreprise constituée en société à une autre société avec laquelle il a un lien de dépendance.
Le gouvernement fédéral n’a pas encore modifié l’article 84.1 de la Loi sur l’impôt et le revenu, qui traite du lien de dépendance lors du transfert d’entreprise. Au Québec, la mesure existe, mais elle est encore peu utilisée, faute d’harmonisation avec la règle fédérale.
Le processus a été entrepris en mars 2015. Le ministre des Finances du Québec de l’époque, Carlos Leitao, a alors proposé d’assouplir les dispositions fiscales applicables au transfert d’entreprises familiales pour certains types d’entreprises. Deux ans plus tard, la portée de l’assouplissement a été étendu à tous les secteurs d’activité économique.
En mars 2016, le ministre des Finances a annoncé les sept critères retenus qui permettent de rendre admissible le transfert à la mesure d’assouplissement. Le second critère stipule que le cédant devra avoir eu une part active dans la société durant les 24 mois qui précèdent la transaction. Le troisième critère touche la part active dans l’entreprise après l’aliénation, limitée au transfert de connaissance, ce qui semble favoriser les vendeurs qui deviendront passifs dans l’entreprise.
Si l’entrepreneur n’est pas admissible à la déduction pour gains en capital, le gain obtenu lors du transfert est considéré comme un dividende réputé et le taux d’imposition combiné s’applique. En 2019, la DGC est de 866 912 $, et elle sera de 883 384 $ en 2020. S’il est admissible, l’impôt n’est alors payable que sur 50 % du gain en capital.
Toujours ministre des Finances au sein d’un gouvernement minoritaire depuis le scrutin fédéral du 21 octobre, on voit mal comment Bill Morneau s’y prendra pour faire adopter cette mesure. Après tout, il a déposé quatre budgets sans rien annoncer à cet égard durant le premier mandat du gouvernement Trudeau.
Étant donné le brouhaha soulevé par M. Morneau lorsqu’il a modifié les règles fiscales touchant les fiducies familiales, nous suggérons aux entrepreneurs qui préparent leur relève de ne pas retenir leur souffle d’ici à ce que le gouvernement fédéral adopte les mêmes règles qu’au Québec.
Rareté de main-d’œuvre : encore pire pour les très petites entreprises
Selon la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), la pénurie de main-d’œuvre arrive au deuxième rang des préoccupations de ses membres. Quels seront les progrès à ce chapitre en 2020 ?
Le 21 novembre dernier, la FCEI a publié la mise à jour de son rapport trimestriel sur le nombre de postes à pourvoir dans le secteur privé au Canada. À l’échelle nationale, le taux de postes restés vacants depuis au moins quatre mois est de 3,2 %, ou 433 000 postes. Ce niveau record est similaire à celui du 2e trimestre de 2019.
Pour les très petites entreprises (TPE), le taux de postes vacants atteint même 5,4 %. Le même taux est de 4,8 % pour les PME ayant entre 5 et 19 employés, et de 3,4 % pour les entreprises de 20 à 49 employés.
Selon la FCEI, ces postes vacants « obligent les entreprises à recourir aux heures supplémentaires, ce qui fait baisser leur productivité et, au final, nuit à leur rentabilité et à leur croissance ». Les entreprises qui ont au moins un poste à pourvoir prévoient d’ailleurs que la hausse moyenne des salaires sera de 2,3 % en 2019, comparativement à 1,4 % pour les entreprises qui n’ont pas besoin de recruter.
Encore une fois, le Québec se distingue en première position, avec un taux de postes vacants de 4,0 %, soit près de 120 000 emplois. La Colombie-Britannique affichait un taux de 3,8 % au troisième trimestre, tandis que l’Ontario est au même taux que la moyenne nationale, à 3,2 %.
Si on segmente la pénurie d’activités, on voit que le secteur des services personnels (coiffure, nettoyage à sec, services funéraires) affiche le taux le plus élevé, à 4,9 %. Le secteur de la construction suit à 4,7 %. Au 3e trimestre de 2019, les secteurs de l’hébergement et de la restauration (4,0 %), de l’agriculture (3,7 %) et de l’information (2,4 %) ont aussi vu une augmentation des besoins de recrutement.
Pour les entreprises de plus grande taille, la FCEI a recours aux données obtenues par Statistique Canada dans son Enquête sur les postes vacants et les salaires (EPVS), qui est menée depuis le début de 2015. Ce sont les propriétaires d’entreprise et les responsables du recrutement qui sont sondés, plutôt que les services de la paie des sièges sociaux.
Les plus récentes données sur le marché du travail montrent une détérioration à l’échelle canadienne. Le nombre de personnes actives sur le marché du travail a baissé de 71 200 personnes en novembre 2019. Le taux de chômage a grimpé à 5,9 %. Au Québec, le nombre d’emplois a baissé de 45 100 personnes et le taux de chômage a atteint 5,6 %.
Est-ce le signal de l’inévitable récession économique ? Les économistes s’attendent à un certain ralentissement de la croissance économique en 2020.
Paperasserie : un formulaire à la fois
Selon la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), la lourdeur administrative et règlementaire imposée par les différents paliers de gouvernement est au troisième rang des préoccupations majeures des chefs de PME. Quels seront les progrès à ce chapitre en 2020 ?
Au gouvernement provincial, le ministre de l’Économie et de l’Innovation, Pierre Fitzgibbon, a récemment annoncé la tenue d’une consultation visant une nouvelle forme d’allègement règlementaire.
La FCEI souligne régulièrement les efforts des administrations qui tentent de réduire le volume de paperasserie. Ainsi, le 24 janvier 2019, la Fédération a dévoilé les lauréats des prix Coupe-paperasse d’or des trois paliers de gouvernement.
À cette occasion, le maire de Gatineau, Maxime Pedneaud-Jobin, a été finaliste et a obtenu une mention honorable pour avoir dépoussiéré en un temps record « un grand nombre d’obligations et de formalités obsolètes ou inutiles imposées aux entreprises grâce à une règlementation omnibus innovante ».
Le 5 février 2019, la FCEI a félicité la Ville de Saguenay qui s’est engagée à mettre sur pied un comité sur l’allègement règlementaire. Elle devenait alors la 7e municipalité au Québec, et la 10e au Canada, à relever le défi lancé par la FCEI à l’ensemble du pays.
Le 30 aout 2019, la Fédération a félicité la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, pour la mise à jour de la règlementation touchant les appareils d’amusement. La Régie des alcools, des courses et des jeux du Québec faisait partie de la liste des poids lourds de la paperasserie rendue publique le 21 janvier 2019. Chaque appareil devait avoir un permis qu’il fallait renouveler chaque année. Avec la mise à jour de sa règlementation, 81 % des appareils d’amusement n’auront plus besoin d’être immatriculés. Le gouvernement estime les économies pour les PME à près de 1,3 million de dollars.
La FCEI tiendra, en janvier 2020, la 11e édition de la Semaine de sensibilisation à la paperasserie. On y dévoilera, encore cette fois, les lauréats des prix Coupe-paperasse 2020 et la liste des poids lourds de la paperasserie inutile. En tout temps, les membres sont encouragés à raconter leur histoire d’horreur de lourdeur administrative par l’entremise de la page www.fcei.ca/poidslourd.
Une prédiction ? Le MAPAQ et ses inspecteurs responsables de la salubrité des produits alimentaires ne feront jamais partie des lauréats salués par la FCEI.