Avec le projet de loi 141, l’industrie regarde de près l’enjeu de la vente d’assurance par Internet. La commission parlementaire tenue à cet égard a permis de dégager un constat : des divergences demeurent quant à l’encadrement à appliquer.

Le 7 décembre, la Commission des finances publiques étudiait le projet de loi 141. Le Journal de l’assurance a assisté aux audiences du Regroupement des cabinets de courtage d’assurance du Québec (RCCAQ), de la Corporation des assureurs directs de dommages du Québec (CADD), du Bureau d’assurance du Canada (BAC) et du Conseil des professionnels en services financiers (CDPSF).

Sur le fond, tout le monde reconnait que la vente de produits d’assurance par Internet doit être facilitée au Québec en raison de la modification des habitudes d’achat des consommateurs. Est-ce que la vente de tous les produits d’assurance devrait être autorisée sur le Net, l’assurance vie autant que l’assurance automobile et assurance habitation ? Le député péquiste Nicolas Marceau a soulevé la question. Les réponses ont varié selon les intervenants.

Le plus profond désaccord porte sur l’intervention ou non d’un représentant certifié même si la vente se fait en ligne. Le RCCAQ a vigoureusement réclamé la participation obligatoire d’un représentant certifié à un stade ou l’autre de la transaction pour des motifs de sécurité pour les clients.

Son président, Christopher Johnson a répété à plusieurs reprises devant le ministre Carlos J. Leitão que le domaine de l’assurance était complexe. Les consommateurs devraient être bien conseillés lors d’un achat par Internet au risque de ne pas être correctement ou suffisamment protégés ou pas protégés du tout en cas de sinistre, a-t-il mentionné.

« La modernité ne doit pas se faire au détriment de la protection du consommateur. Ça coute moins cher de se prendre un courtier d’assurance que de se prendre un avocat. Tout est dans la déclaration de risque ».

Risque de faillite

M. Johnson dit que des gens pourraient même se retrouver en faillite en cas de sinistre. L’assurance qu’ils contracteraient sur le Web pourrait ne pas les couvrir suffisamment. Il juge que l’intervention d’un représentant certifié à qui le consommateur devrait s’adresser à un moment ou l’autre représenterait un « sceau de protection » et mettrait le client à l’abri d’un tel danger.

Il a reçu le soutien total du député caquiste François Bonnardel, qui s’est rangé à ses arguments. Le député a dit craindre que les consommateurs qui achètent en ligne sans les conseils d’un représentant certifié ne disposent pas de la couverture appropriée en cas de sinistre.

Le BAC et la CADD en désaccord avec le RCCAQ

Le point de vue du RCCAQ n’est pas partagé par le BAC et la CADD. La distribution de l’assurance de dommages par Internet répond à un besoin grandissant, a fait valoir la CADD, en rappelant que l’Autorité des marchés financiers avait élaboré onze orientations claires en 2015 pour encadrer la distribution d’assurance par Internet. Alain Camirand, membre du conseil d’administration de la Corporation et directeur de la conformité chez TD Assurance, a souligné la flexibilité que le projet de loi 141 amenait à l’égard de la vente d’assurance par Internet.

« Le projet de loi fournit un cadre juridique qui permet la vente par Internet et éventuellement, d’autres moyens de vendre des produits d’assurance aux consommateurs. Ce qu’on apprécie dans ce cadre juridique, c’est sa flexibilité. Le projet de loi permet au régulateur la possibilité d’émettre des conditions supplémentaires par règlementation ou par une autre voie. C’est notre compréhension que l’Autorité va compléter les conditions nécessaires afin que la protection des consommateurs soit assurée lors d’une transaction par Internet ».

De l’avis du BAC, l’offre de produits d’assurance par Internet n’est qu’un moyen nouveau, un choix additionnel pour souscrire à une police et les consommateurs intéressés doivent avoir toute la latitude pour le faire sans être obligés de parler à un représentant certifié comme le voudrait le RCCAQ. Le BAC pense que la règlementation visant la souscription par Internet n’a pas à être ni plus, ni moins contraignante que celle encadrant les autres moyens de communication avec les consommateurs.

Ultimement, souligne le Bureau d’assurance du Canada, l’assureur ou le cabinet aura la responsabilité de s’assurer que les informations et les outils qu’il met à la disposition du consommateur pour souscrire un produit d’assurance sur Internet seront suffisants pour lui permettre d’identifier ses besoins et bien comprendre les besoins qui lui sont proposés. Les outils technologiques sont suffisamment sophistiqués aujourd’hui pour guider et permettre au consommateur de faire un choix éclairé, a soulevé Jean-François Desautels, premier vice-président, division du Québec d’Intact Assurance et président du comité BAC-Québec.

Qu’arrivera-t-il si un consommateur qui a contracté son assurance sur Internet n’est pas suffisamment couvert en cas de sinistre ?

« Si on s’aperçoit qu’un client a acheté une police sur Internet et que notre site Web avait de la confusion et qu’il ne guidait pas très bien la personne, on n’ira pas perdre notre réputation pour une erreur que l’on a commise. On va la supporter, a commenté Michel Laurin, président de la CADD et d’iA Auto et habitation au Journal de l’assurance. Tous les assureurs directs ont cette mentalité ».

Le CDPSF souhaite qu’un accompagnement soit inclus

Président du CDPSF, Mario Grégoire a salué que la vente par Internet soit désormais encadrée. Il veut toutefois que cet encadrement prévoie qu’un représentant certifié soit accessible durant tout le processus de vente, que celui-ci se déroule en ligne ou en personne. La bonne connaissance du client par l’analyse des besoins financiers et le profil de risque ne doit pas jouer uniquement dans un sens, estime M. Grégoire.

« On souhaiterait qu’en ligne, il y ait une démarche d’analyse de besoins universelle pour l’ensemble de la profession. On souhaiterait une analyse de besoin simplifiée, pour tous les produits qui s’offrent sur le marché. Nous croyons alors que le consommateur qui fera sa démarche sur Internet posera pas mal plus de questions. Il demandera l’accompagnement d’un professionnel en services financiers. »