Le Parti Québécois (PQ) revient à la charge dans le dossier du droit à l’oubli en assurance. Il cherche à faire intégrer ce droit dans le projet de loi 141.
Le 15 mars dernier, les députés du PQ ont déposé un amendement en ce sens. Le président de la Commission, le député Raymond Bernier, a accepté d’accueillir les amendements déposés, mais a demandé un avis juridique pour déterminer s’ils étaient recevables et pouvaient être débattus dans le cadre du projet de loi 141.
Cet ajout sur le droit à l’oubli en assurance a été suggéré par le député Nicolas Marceau, porte-parole de l’opposition officielle en matière de finances, et son homologue en matière de santé, Diane Lamarre. Le PQ voudrait que le législateur fasse en sorte que les assureurs ne puissent pas utiliser certaines maladies dont les patients s’étaient rétablis depuis un certain nombre d’années comme critère de tarification en assurance.
Le cas français
La pratique se fait en France sur le plan des hypothèques. Vingt ans après s’être rétablis d’un cancer, des Québécois déplorent que la maladie qu’ils ont surmontée ait encore un effet négatif sur leurs primes d’assurance, ce que les deux députés péquistes voient comme une forme de discrimination. « C’est un devoir collectif, un devoir de société qu’ils puissent bénéficier d’un droit à l’oubli », a estimé Nicolas Marceau.
« Il faut considérer qu’il y a des préjudices et injustices claires qui sont causés à des gens, a souligné Diane Lamarre. Il peut y avoir aussi des gens qui tirent avantage de la vulnérabilité de certains patients ».
Nouvelle tentative
Ce n’est pas la première fois que le PQ formule cette demande. Diane Lamarre l’avait fait une première fois à l’Assemblée nationale en décembre 2016. Cette fois, le parti de Jean-François Lisée procède différemment.
Il voudrait l’inclure dans le projet de loi141 parce que cette pièce législative touche certains volets en assurance. Mme Lamarre a rappelé que l’industrie de l’assurance était la seule qui avait le pouvoir légal de discriminer des clientèles, mais déplore que des gens considérés guéris par la médecine soient encore pénalisés par des assureurs après plusieurs années.
Les propositions du PQ
En vertu des propositions du Parti québécois, il serait interdit de prendre en considération comme facteurs de détermination de risques le fait d’avoir été atteint d’une maladie visée par règlement à compter d’un certain délai suivant la fin du protocole thérapeutique (médication ou des traitements comme la chimiothérapie).
Le terme maladie désignerait une pathologie cancéreuse ainsi que toute autre pathologie chronique lorsque les données et les progrès de la médecine attestent de la capacité de la science à circonscrire significativement et durablement les effets de cette maladie.
Déterminer par règlement
Selon les propositions de Diane Lamarre, le ministre des Finances ou de la Santé déterminerait par règlement le délai à compter de la fin du protocole thérapeutique où les maladies visées ne devraient pas être considérées dans la détermination du risque dans un contrat d’assurance. Dans les cas prévus par les règlements, le preneur de l’assurance et l’assuré ne seraient pas tenus de faire des déclarations à l’assureur.
L’utilisation de facteurs de détermination de risques dans les cas visés par le règlement constituerait une discrimination au sens de l’article 10 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Le Parti Québécois a suggéré que l’amendement qu’il propose devienne l’article 3.1 du projet de loi 141.
« Pas la bonne loi », selon le ministre
Le ministre des Finances, Carlos J. Leitão, s’est montré sensible aux situations que vivent les gens qui doivent payer des surprimes ou qui sont incapables de s’assurer après avoir survécu à une grave maladie, mais a repoussé la demande du PQ pour des motifs juridiques. « C’est un objectif louable, mais nous ne sommes pas dans la bonne loi », s’est-il défendu.
Il a évoqué le fait que ces propositions nécessiteraient obligatoirement des changements à la Charte pour toucher aux aspects traitant de discrimination, ce qui serait une entreprise longue et ardue. Il croit aussi qu’il faudrait en arriver à un consensus sur l’oubli en assurance, que les assureurs devraient être consultés et faire partie du consensus. Néanmoins, il juge la question capitale, d’autant que dans un certain avenir, on estime qu’une personne sur deux au Québec souffrira d’un cancer, mais beaucoup y survivront. « Il va falloir qu’on s’y attarde un jour », a-t-il admis.
Malgré les réticences du ministre, les deux représentants du Parti québécois ont déposé leur amendement. Ils vont attendre l’avis juridique que recevra le président de la Commission des finances publiques pour déterminer s’ils sont admissibles et que les élus pourront en discuter lors d’autres séances.