Quittant ses fonctions de président et chef de la direction de La Capitale Groupe financier, René Rouleau a confié au Journal de l’assurance qu’il souhaite que les mutuelles d’assurance regroupent leurs services d’arrière-guichet. Il en va de leur compétitivité, dit-il.

M. Rouleau accompagnera le nouveau président et chef de la direction Jean Saint-Gelais jusqu’à l’automne pour assurer une transition harmonieuse. Il demeurera actif au sein de la mutuelle, notamment comme président du conseil d’administration de La Capitale assurances générales. En entrevue au Journal de l’assurance, il a fait le bilan de ses douze années passées au sein du conseil d’administration de l’assureur, dont neuf à titre de président et chef de la direction.

La Capitale a un modèle de gestion unique, alors que le président et le chef de la direction dirige à la fois les opérations quotidiennes et celles du conseil d’administration. À l’automne, alors que le Journal de l’assurance avait appris que Jean Saint-Gelais joignait le conseil d’administration de La Capitale, il avait confié qu’il aurait une importante réflexion à faire, alors qu’il arrivait au terme de son troisième mandat de trois ans à titre de président.

Il aurait pu continuer, mais a choisi de se consacrer à d’autres activités, notamment siéger sur des conseils d’administration. Il était d’ailleurs souvent approché, mais déclinait pour éviter tout conflit d’intérêts. Il a vient d’être nommé président du Conseil québécois de la coopération et de la mutualité (CQCM).

« Il y a aussi une question de timing. Nous avons eu la chance de rentrer Jean Saint-Gelais, avec sa feuille de route. On craignait de le perdre. Il fallait être authentique dans cette démarche. Je ne coupe pas le cordon demain matin. Ça se fera de façon très humaine », dit M. Rouleau.

Il est arrivé à la tête de La Capitale en 2008, en même temps que Monique Leroux au Mouvement Desjardins. Il souligne avec un sourire en coin que les gens se souviennent moins de son arrivée que de celle de Mme Leroux, qui vient aussi de quitter ses fonctions.

Il est aussi arrivé dans un contexte difficile, alors que la crise financière s’amorçait. M. Rouleau souligne qu’il n’était pas évident pour une mutuelle d’évoluer dans ce contexte, puisqu’une organisation de ce genre n’a pas de capitaux à proprement dit.

Créer un véritable groupe financier

Il est toutefois allé de l’avant avec sa vision de faire de La Capitale un véritable groupe financier. « Nous avions déjà des gens compétents pour diriger nos activités d’assurance, notamment Steven Ross en assurance vie et Constance Lemieux en assurance de dommages.

« Mais tout l’arrière-guichet, qui comprend les fonctions de technologie, de ressources humaines, de communications, de relations publiques et de markéting, il fallait s’en occuper et montrer la valeur ajoutée de ces fonctions, tout en contrôlant les couts unitaires. Il fallait permettre les deux. Ça a été mon grand défi : faire adhérer tout le monde à cette vision et que ça donne des fruits. »

À la fin des années 2000, La Capitale avait aussi réalisé des acquisitions en Ontario : Penncorp en assurance vie et York & Fire, devenue depuis Unica, en assurance de dommages. Ces acquisitions n’avaient toutefois pas été intégrées au sein de La Capitale. « Il fallait le faire, tout en se délestant de certaines choses qui fonctionnaient moins bien. On pensait se faire regarder de travers en Ontario du fait que nous étions francophones, mais non ! Ils sont fiers de travailler avec nous », relate-t-il.

Un autre grand projet a été lancé : doter La Capitale d’un nouveau siège social à Québec. M. Rouleau souligne qu’il a fallu rallier toute l’entreprise derrière ce projet, car il y avait des sceptiques.

« C’était un placement ! Ce n’est pas tout le monde qui était d’accord à ce moment. Notre siège social est devenu un outil de recrutement depuis. »

La Capitale a aussi rajeuni son image par la suite. Elle s’est dotée d’une nouvelle image de marque, mais a aussi accentué sa présence sur les médias sociaux.

Quand on lui demande quel bilan il fait de ses neuf années à la tête de La Capitale, M. Rouleau affirme que le tout n’est pas une question de chiffres. « Dire que La Capitale a maintenant un actif de 5,8 milliards de dollars serait le discours parfait. Mais je n’ai pas fait cela tout seul ! Ma plus grande satisfaction personnelle est d’avoir amélioré la culture de l’organisation à l’interne.

« On vit selon nos valeurs. Ça se voit dès qu’on entre dans notre édifice. Les gens sont souriants. Ils travaillent ensemble. Il y a une bonne atmosphère et nos divisions d’affaires s’entraident. Avant, on faisait des coupures sur la qualité et la quantité. Ce n’est plus le cas maintenant. Notre centre d’appel compte 180 agents en distribution. Nous avons aussi revampé notre réseau d’agents affiliés. Ça a été un travail de longue haleine, mais nous avons créé un vrai groupe, qui est passé de 1 800 employés à 3 000. »

M. Rouleau se dit aussi heureux de laisser une maison en bon état. « Tout y est propre. Le conseil d’administration est solidaire et il n’y a pas de tension. Nous y avons des gens de grand calibre. On ne peut demander mieux. On fait juste assez d’argent, avec un bénéfice de 55 M$ en 2015. Ce fut plus difficile en collectif, vu quelques réclamations, mais tout va pour le mieux. »

En mode acquisition

À quoi ressemblera La Capitale dans dix ans ? M. Rouleau croit qu’elle devra réaliser quelques acquisitions pour réaliser son plein potentiel. « On a commencé avec Securiglobe l’an dernier. Nos mutualistes nous demandent toutefois de plus en plus de leur intérêt pour des produits d’épargne études. Les grands-parents en veulent pour leurs petits-enfants. On doit compléter notre offre en fonction de la demande nos groupes. On se tient plus loin des produits demandant en capitaux. »

M. Rouleau ajoute qu’un principe guide La Capitale dans la conception de ses produits. L’assureur ne fabrique pas de produits dont ses employés n’achèteraient pas eux-mêmes.

« On ne le fait pas, même si parfois ça pourrait être très payant de le faire. On traite nos clients comme nous voudrions être traités. Il faut penser à la personne de 80 ans avec qui l’on traite et qui se sert d’une tablette pour la première fois », dit-il.

M. Rouleau dit aussi caresser un souhait. Voir les mutuelles présentes au Québec s’assoir et regarder de quelle façon elles pourraient mettre en commun certains couts, notamment ceux touchant l’arrière-guichet. Il révèle d’ailleurs avoir fait cette réflexion après avoir participé à l’assemblée générale annuelle du Mouvement Desjardins.

« Pour survivre, on doit faire les mêmes choses. On doit regarder s’il y a moyen de s’assoir en ce sens. C’est mon espoir des cinq prochaines années », dit-il.

Il affirme que La Capitale est chanceuse en ce sens. Elle compte sur le soutien financier de la mutuelle française Covéa. M. Rouleau s’envolait d’ailleurs en France au lendemain de notre entrevue pour y rencontrer ses dirigeants.

« Avec nous, ils ont un capital patient. Ça nous permet de faire des pas de plus pour acquérir une autre société. On pourra compter sur leur soutien », dit-il. M. Rouleau ajoute que La Capitale devra probablement regarder du côté de l’Ouest canadien pour réaliser une acquisition. « On profitera de notre présence en Ontario pour pousser vers l’ouest. C’est là qu’il y a du monde », dit-il.