Le 16 mai 2016, la Cour d’appel du Québec s’est prononcée sur la possibilité pour un assureur de responsabilité professionnelle d’invoquer la nullité de la police en raison de fausses déclarations ou de réticences de l’assuré.
Cet arrêt est d’intérêt puisqu’il se prononce sur la question inédite de savoir si un assureur de responsabilité peut demander la nullité d’un contrat d’assurance que son assuré doit obligatoirement détenir en vertu de la législation applicable, explique le cabinet d’avocats Lavery dans une note publiée récemment.
2,5 M$ investis aux Bahamas et aux Îles Cayman
Afin de préparer leur retraite, Jean-Pierre Brunet et Giovanni Berretta ainsi que leurs sociétés de portefeuille ont investi plus de 2,5 M$ par l’intermédiaire d’un cabinet de courtage en épargne collective, Gestion de capital Triglobal et de son président et administrateur, Thémiskoklis Papadopoulos, inscrits auprès de l’Autorité des marchés financiers. M. Papadopoulos a géré le patrimoine de M. Brunet et Mme Berretta et l’a investi ainsi que celui de plusieurs autres investisseurs dans deux fonds extraterritoriaux situés aux Bahamas et aux Îles Cayman.
Axa Assurances a été l’assureur de responsabilité de Triglobal et de ses 200 représentants jusqu’au début de l’année 2008.
En 2007, un quotidien a fait état d’allégations selon lesquelles les fonds extraterritoriaux dans lesquels le couple avait investi ont fait l’objet de malversations par Triglobal, Papadopoulos et un autre actionnaire. Quelques jours plus tard, le quotidien a publié un rectificatif partiel nuançant ses propos. Axa a alors décidé, sur le fondement des réponses fournies par Triglobal et ses représentants, de prolonger la couverture des polices d’assurance en vigueur et de les renouveler par la suite.
Axa annule la police d’assurance
Or, quelques mois après le renouvellement des polices d’assurance, une ordonnance de blocage, d’interdiction d’opérations sur valeurs et d’interdiction d’agir à titre de conseillers en valeurs a été prononcée contre Triglobal et M. Papadopoulos en vertu de certains articles alors en vigueur de la Loi sur l’autorité des marchés financiers et de la Loi sur les valeurs mobilières. Un administrateur provisoire a également été nommé. Quelques jours plus tard, Axa a informé Triglobal qu’elle annulait sa police d’assurance.
Les faits mis en preuve révèlent que M. Papadopoulos et l’un de ses acolytes ont fait transiter par les fonds extraterritoriaux certains placements confiés à Triglobal en vue de spolier certains investisseurs dont M. Brunet, Mme Berretta et leurs sociétés par l’utilisation d’un montage financier frauduleux, soit un « stratagème à la Ponzi ». M. Brunet, Mme Berretta et leurs sociétés ont poursuivi Axa à titre d’assureur de responsabilité de Triglobal afin de récupérer leur perte.
Jugement confirmé par la Cour d’appel
En première instance, le juge en est venu à la conclusion qu’Axa pouvait demander la nullité de la police. Selon lui, les dirigeants de Triglobal ont manqué à leur obligation de déclarer les circonstances de nature à influencer de façon importante le risque, à savoir, le montage financier frauduleux. La décision d’Axa d’annuler la police était justifiée puisque si elle avait connu toutes les circonstances entourant le risque, la compagnie n’aurait pas accepté d’émettre la police. Il a donc rejeté l’action de M. Brunet, Mme Berretta et leurs sociétés.
La Cour d’appel a par la suite confirmé unanimement le jugement de la Cour supérieure. Il s’agit de la première décision de la Cour d’appel du Québec sur la question de savoir si un assureur peut demander la nullité d’un contrat d’assurance de responsabilité qu’un de ses assurés doit obligatoirement détenir selon la réglementation. Cette décision vient confirmer qu’à moins d’une disposition expresse prévue par le législateur l’interdisant, un assureur peut demander la nullité de la police d’assurance si les conditions pour ce faire sont respectées.