Comment renverser le déclin des ventes de polices d’assurance de personnes au Canada depuis 2010 ? Il existe des pistes, mais il reste beaucoup à faire.

C’est l’un des constats dressés par les 30 leaders qui ont été réunis à l’invitation des Éditions du Journal de l’assurance, dans une session de travail, le 5 septembre dernier à Montréal

Depuis la rencontre, des leaders se sont exprimés avec le Portail de l’assurance sur une base confidentielle, n’étant pas autorisés à prendre position publiquement ou pour éviter des conflits organisationnels. 

Les échanges ont été excessivement intéressants, ont commenté les participants. Ils ont trouvé bénéfique le fait de se rencontrer et d’échanger en toute transparence. On y trouvait des dirigeants provenant d’assureurs, d’agents généraux, de cabinets, de conseillers et d’experts indépendants. Une rencontre sans précédent, ont souligné certains d’entre eux.

Et si la session a suscité l’intérêt de 30 leaders influents dans l’industrie, a avancé une source, c’est que personne n’a la solution aux menaces qui pèsent sur la distribution : le déclin des ventes et le départ des conseillers dont quatre sur cinq quittent la profession avant leurs cinq années d’exercice. « Chacun cherche, mais ne trouve pas. » 

Si les pistes de solutions existent, dit l’un d’eux, il faut toutefois se méfier de la pensée magique quant à leur faisabilité.

Redresser les ventes au Canada de l’ordre des 100 000 polices qui ont échappé annuellement à l’industrie de 2010 à 2023 exigera qu’on recrute de nombreux conseillers.

Si on émet l’hypothèse qu’un conseiller vend 30 polices par année, avance un participant, on devra tout de même trouver 3500 conseillers. Et 30 polices par an, c’est peu, dit-on. 

Au-delà des chiffres de recrutement — ce qui est en soi un défi, dit-on —, il demeure un défi encore plus important, celui de les former.

Les deux défis sont énormes : où les trouver et comment les former ?   

Un leader d’une entreprise en formation affirme que l’assurance de personne affiche maintenant un manque d’intérêt pour la formation et le coaching. Les firmes de fonds d’investissement sont plus enclines à payer une partie des coûts de formation lorsqu’un conseiller adhère à un programme que le sont les sociétés en assurance, révèle cette personne.

Origines des faiblesses  

« Lorsqu’on jette un regard sur l’évolution de la distribution dans l’industrie, on observe des processus qui sont à la base aujourd’hui des faiblesses dans les réseaux de conseillers », affirment des participants.

« Les agents généraux ne font pratiquement plus de formation, à quelques rares exceptions, et seuls deux assureurs le font par le biais de réseaux de carrière. Les autres, non. »

« Des conseillers m’ont dit avoir regretté d’avoir passé autant de temps à faire les efforts pour bâtir un portefeuille en assurance de personnes qui, au bout du compte, a peu de valeurs lorsqu’on le vend », rapporte un participant.    

Certes, il y a des exceptions : se nicher auprès de clients comme les médecins, les gens riches, les gens d’affaires. Mais la clientèle des consommateurs rapporte peu de revenus. D’ailleurs, disent plusieurs, beaucoup de sociétés en assurance ont délaissé le marché familial, et les agents généraux ainsi que les conseillers ont suivi. 

« Où est passé l’argent que les assureurs plaçaient dans la formation et dans les réseaux carrières voilà trois décennies, se sont interrogés des participants ? Il l’est dans les commissions. On devrait ainsi s’interroger sur cette valeur : ne devrait-on pas la retourner dans la formation pour se donner des chances de conserver les conseillers ? »   

Un intervenant défend la position que rien ne vaut l’accompagnement d’un conseiller pour le conserver dans le réseau.

Un autre regrette que les barèmes de commissions versées par des assureurs nuisent à la santé de petits et moyens agents généraux. « Les commissions aux agents généraux atteignent déjà des sommets de 180 % à plus de 200 %, dit-il. En plus, certains assureurs versent aujourd’hui des bonis supplémentaires directement aux conseillers, en surplus de la commission à l’agent général. Un petit cabinet à toutes les difficultés à conserver des marges de profit acceptables puisqu’il lui faut aussi investir dans la conformité, la technologie, le service après-vente, etc. C’est regrettable. » 

Un autre intervenant a avancé qu’il est temps que les leaders de l’industrie se concertent et se parlent.

Avec une pointe d’humour, a rapporté l’un des participants, les gens savent qu’ils doivent se parler, mais personne ne veut faire le premier pas. 

Le Congrès de l’assurance de personnes abordera plusieurs des enjeux soulevés lors de la session avec les 30 leaders réunis le 5 septembre dernier. 

Serge Therrien 

Président et éditeur des Éditions du Journal de l’assurance