Lorsqu'ils appellent à l'Agence du Revenu du Canada (ARC) sur les heures ouvrables, les dirigeants de PME espèrent une réponse rapide et correcte à leur question, souligne la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI). Depuis 2010, la Fédération produit une évaluation de l'ARC.
Dans sa plus récente évaluation menée en 2019 et publiée le 7 janvier, la FCEI accorde une note de D à l'Agence, comparativement une note de « C- » accordée en 2017.
La ligne de renseignements pour les entreprises reçoit plus de 8 millions d'appels par année, selon le rapport annuel 2017-2018 de l'Agence. Parmi les principales préoccupations citées par les dirigeants de PME, le fardeau associé à l'impôt et à la conformité est souvent évoqué. Or, le centre d'appels de l'ARC offre des renseignements aux chefs d'entreprise sur les questions d'ordre fiscal. Si les renseignements fournis sont erronés, les entrepreneurs s'exposent à de lourdes conséquences et à des amendes salées.
« Le fait de ne pas pouvoir obtenir d'information sur l'admissibilité aux crédits, sur les possibilités d'économiser de l'argent ou encore sur comment se conformer aux exigences pour éviter de recevoir une amende peut potentiellement perturber le fonctionnement d'une entreprise », indique-t-on dans l'évaluation.
Méthodologie
Pour évaluer le centre d'appels de l'ARC, quelque 200 appels ont été effectués entre le 3 et le 28 juin 2019. Les appelants devaient évaluer s'ils pouvaient accéder au centre d'appels, puis le temps d'attente avant qu'on leur réponde. Ils notaient ensuite l'information orale et écrite fournie par l'agent, ainsi que son attitude et l'exactitude de sa réponse.
Un tiers des appels ont eu lieu en français. Un groupe de 17 employés de la FCEI établis partout au Canada ont participé à l'évaluation, la majorité des appels ayant été faits à partir de l'Ontario (43 % des appels), de la Colombie-Britannique (21 %), de l'Alberta (10 %) et du Québec (8 %).
Quatre scénarios
Deux des scénarios (1 et 2) ont été répétés, par souci d'uniformité et de comparaison avec les évaluations précédentes. On voulait ainsi vérifier si les agents étaient bien informés et s'ils fournissaient des renseignements mis à jour.
La FCEI reconnait que ces scénarios ne représentent qu'un mince échantillon de la globalité des questions posées aux agents responsables de la ligne de renseignements aux entreprises. Cependant, ces scénarios ont été inspirés par des questions posées par les membres à leur Fédération et « les répercussions peuvent être lourdes si les renseignements fournis sont erronés », indique la FCEI.
Voici les scénarios utilisés.
1) Quelles sont les règles entourant l'application de la TPS ou de la TVH pour une société de conseil qui souhaite offrir des services dans tout le pays?
2) Je crois comprendre que si un propriétaire d'entreprise embauche son fils ou sa fille, il pourrait ne pas être tenu de percevoir la cotisation à l'assurance emploi. Est-ce exact? Quelle est la marche à suivre dans une telle situation?
3) Mon client, un fabricant d'outils de jardinage, achète des machines d'occasion afin d'accroitre sa capacité de production. A-t-il droit à la déduction pour amortissement?
4) L'allocation pour frais d'automobile pour le personnel de vente est-elle considérée comme un avantage imposable?
Les auteurs de l'évaluation ajoutent que durant la période d'évaluation, ils ont appris que seuls les agents principaux étaient habilités à répondre aux questions posées dans les scénarios 3 et 4, même s'il est arrivé que les agents de première ligne y répondent eux-mêmes. Il s'agit d'une différence par rapport aux évaluations antérieures où une seule question entrainait un tel transfert de l'appel. Les auteurs reconnaissent que cette différence peut avoir influencé les résultats en prolongeant le temps d'attente.
Nouveau système
En 2017, le Vérificateur général avait déploré la proportion d'appels (54 %) faits à l'ARC qui n'avaient pas abouti ou avaient été bloqués sur les lignes dédiées aux particuliers et aux entreprises. Depuis, l'Agence a migré vers un nouveau système téléphonique qui permet à la quasi-totalité des appelants de joindre la ligne de renseignements pour les entreprises sans recevoir de signal occupé. Mais ça ne veut pas dire que les problèmes ont été réglés.
Par exemple, dans 9 % des cas, l'appelant n'a pu accéder au centre d'appels parce que le message automatisé indiquait que le centre était fermé, ce qui était faux. En tout, 49 % des appels n'ont pu être terminés à cause de l'attente trop longue ou parce qu'ils ont été bloqués ou interrompus.
La FCEI déplore la prolongation du temps d'attente. Il faut attendre en moyenne 15 minutes, au lieu de 2 minutes auparavant, pour parler à un agent de première ligne. Et il faut attendre environ une heure pour joindre un agent principal.
Le temps d'attente le plus long a été de 40 minutes pour parler à un agent de première ligne, et l'appelant a d'ailleurs interrompu l'essai sans parler à quiconque. Pour parler à un agent principal, le pire délai a atteint 2 heures.
Lors des évaluations précédentes, la FCEI avait fixé une limite de 30 minutes pour obtenir une réponse. Seulement 42 % des appels ont permis d'obtenir une réponse dans les 30 minutes suivant le début de la communication. En ajoutant les appels qui ont dépassé les 30 minutes, on voit que 51 % des appels ont permis à l'appelant d'obtenir une réponse.
À l'ARC, la norme de service est de répondre à 65 % des appels en 15 minutes ou moins. Seulement 59 % des appels menés par la FCEI où un agent a répondu ont respecté cette norme, mais cela ne signifie pas nécessairement que l'appelant ait obtenu une réponse à sa question.
Sur les 181 appels auxquels un agent a répondu, le contact a été établi en 30 minutes ou moins dans 92 % des cas. Dans ce groupe, seulement 42 % d'entre eux ont permis à l'appelant d'obtenir une réponse à sa question en 30 minutes ou moins.
Exactitude des renseignements
Sur les 101 appels terminés, les appelants ont obtenu des renseignements complets ou qui allaient au-delà de leurs attentes dans 60 % des cas. Pour les autres, les appelants ont obtenu des renseignements incomplets (28 %) ou inexacts (13 %).
Pour la FCEI, ces données sont inquiétantes. « Cela peut avoir une incidence négative sur les décisions que les propriétaires d'entreprise sont amenés à prendre : ils risquent de ne pas réclamer des crédits auxquels ils pourraient avoir droit ou de s'exposer à des sanctions financières et légales en cas de non-conformité », écrivent les auteurs. Concernant la déduction pour amortissement, le quart des agents ne semblaient pas être au courant des nouvelles déductions entrées en vigueur à l'automne 2018.
Site Internet
Autre nouveauté dans cette évaluation : on a mesuré par des indicateurs l'exactitude et la lisibilité du contenu des pages Web suggérées par les agents. « Même si les notes accordées sont généralement plus positives que négatives, il est possible de les améliorer en simplifiant le langage, en s'assurant que les pages Web contiennent toute l'information clé qu'un propriétaire d'entreprise doit connaitre, et en insérant plus de renvois vers des renseignements complémentaires », souligne la FCEI.
Les pages ont obtenu l'évaluation suivante par les appelants : exceptionnelle (6 %), très bonnes (38 %), satisfaisantes (24 %), améliorables (21 %) et sans intérêt (11 %).
Les appelants ont constaté que les agents proposaient de leur envoyer un lien vers de l'information publiée dans le site Internet dans 47 % des cas. Une proportion similaire d'appelants a dû demander à l'agent de leur fournir un lien vers de l'information écrite. Le rapport comprend aussi des évaluations sur la responsabilité et le professionnalisme de l'agent de l'ARC.
La FCEI soumet donc plusieurs recommandations visant à permettre à l'ARC d'améliorer son service, notamment :
• de répondre à 80 % des appels, plutôt que 65 %, dans un délai de 15 minutes;
• d'établir une nouvelle norme de service pour s'assurer que 80 % des appels sont résolus dans un délai de 20 minutes;
• d'informer plus régulièrement les agents de l'ARC des changements apportés aux politiques fiscales afin d'éviter qu'ils donnent aux propriétaires d'entreprise des renseignements périmés;
• de mieux faire connaitre « Mon dossier d'entreprise », puisque l'ARC honorera les réponses que ses agents donnent par écrit aux propriétaires d'entreprise, de façon à ce que ces derniers ne soient pas pénalisés si, plus tard, les renseignements reçus sont faux.
« Les précédentes éditions nous ont montré que l'ARC est à l'écoute de nos recommandations et disposée à s'améliorer », conclut Jasmin Guénette, vice-président des affaires nationales à la FCEI.