L’Autorité des marchés financiers vient de lancer aux assureurs une invitation à la prudence quant à certaines pratiques commerciales en usage dans l’industrie.Dans le document Présentation des résultats de l’autoévaluation des pratiques commerciales par les assureurs, rendu public peu avant de mettre sous presse, l’Autorité a montré qu’il existe des écarts entre sa perception des saines pratiques et celles des assureurs. Il en va ainsi des incitatifs de vente comme les concours, par exemple. L’Autorité y affirme même que certaines pratiques « étaient de nature à créer une apparence de conflit d’intérêts ». Si certains passages semblent sonner l’alarme, Patrick Déry, surintendant à la solvabilité de l’Autorité des marchés financiers, assure toutefois qu’il n’en est rien.

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Plutôt que d’adopter une stratégie punitive, M. Déry affirme que l’Autorité préfère miser sur une veille prudentielle pour amener les assureurs à améliorer la gestion de leurs pratiques. « On veut que l’industrie gagne en maturité sur ce point pour que certaines situations ne se produisent pas. On ne veut pas être alarmiste. Toutefois, on veut éviter qu’une compagnie subisse une atteinte à sa réputation et que ça la place dans une position d’insolvabilité », dit le surintendant.

« Les concours de vente ciblant un produit donné peuvent stimuler les ventes d’un produit au détriment du besoin réel des consommateurs, peut-on aussi lire dans le rapport. Or, l’Autorité s’attend à ce que les consommateurs soient confiants que les produits qui leur sont conseillés conviennent véritablement à leurs besoins. »

L’Autorité donne deux exemples de bonnes pratiques concernant les incitatifs de vente dans son rapport. En premier lieu, elle indique que tous les programmes d’incitatifs des assureurs ont un déclencheur lié à la satisfaction de la clientèle, soit la probabilité qu’un client recommande l’assureur et le représentant à un ami. Si l’objectif n’est pas atteint, aucun incitatif n’est versé.

Aussi, l’Autorité remarque que la politique de gestion des incitatifs stipule qu’un non-respect des règles de souscription ou du code de déontologie, lequel inclut des éléments de traitement équitable des consommateurs, peut entrainer la suspension du versement des incitatifs. Avec sa démarche, Patrick Déry affirme que l’Autorité a voulu prendre un pas de recul par rapport à ce qui s’était fait précédemment. « On ne vient pas dire que les incitatifs de vente ne sont pas bons. On ne veut pas intervenir de façon brusque. Globalement, les assureurs ont de très bonnes pratiques commerciales, mais il y a des zones de vigilance », a-t-il pris soin d’insister au Journal de l’assurance.


Le surintendant ajoute qu’il veut s’assurer que les manufacturiers ont la même vision que l’Autorité en matière de pratiques commerciales, en fonction de leurs obligations en distribution. « Ce n’est pas interdit pour les représentants certifiés de participer à des concours de vente, mais ça ne doit pas biaiser leur jugement », dit-il.

M. Déry ajoute que, d’un côté prudentiel, l’Autorité s’attend à ce que l’assureur ne place pas le représentant certifié dans une situation délicate en l’incitant à vendre un produit spécifique, qui pourrait ne pas être le meilleur choix pour le client. L’Autorité devrait-elle abolir les concours de vente? « Nous n’en sommes pas là dans notre réflexion, dit M. Déry. On le ramène en incitatif. Que ce soit des dollars, un voyage, une moto ou n’importe quoi d’autre, nous ne sommes pas contre cela. Toutefois, ça ne doit pas nuire au traitement équitable du consommateur », dit-il.

Des faiblesses

Dans son rapport, lorsqu’elle traite de gouvernance et de culture d’entreprise, l’Autorité indique que peu de codes d’éthiques et de déontologie des assureurs présentent des objectifs clairs en matière de traitement équitable des consommateurs. Aussi peu d’assureurs ont « clairement désigné » un responsable équitable du traitement équitable des consommateurs. Pour ceux qui l’ont fait, cette personne n’a généralement pas de mandat spécifique et documenté.

Si nécessaire, des rencontres individuelles pourront être menées auprès d’assureurs pour discuter des zones de risques observées, précise M. Déry.

« Il y a quelques années, lorsque nous avons sorti plusieurs lignes directrices, ça avait fait des vagues. On n’en entend plus parler aujourd’hui. Elles sont bien intégrées. On applique la même recette dans ce cas-ci », ajoute M. Déry.

M. Déry dit voir le tout comme un long travail de conscientisation. Il rappelle que le Fonds monétaire international (FMI) avait soulevé cette question dans son évaluation de l’Autorité en 2013. La prochaine est prévue pour 2018. Il ajoute qu’il y a une volonté de tous les régulateurs provinciaux, regroupés au sein du Conseil canadien des responsables de la règlementation en assurance (CCRRA). M. Déry est le président du Conseil. Il précise par ailleurs que les remarques de l’Autorité visent tant les assureurs vie que les assureurs de dommages, et pas plus dans un secteur que l’autre.