Récession ou pas, l'assurance voyage pour les touristes hivernants (snowbirds) continue de se vendre. Car les quinquagénaires qui remplissent un questionnaire de santé avant de souscrire une police d'assurance partent toujours en voyage. Cette vente se fait très souvent par l'intermédiaire de courtiers spécialisés.

C'est ce qu'a souligné Emmanuel Reinaud, vice-président marketing chez etfs lors d'une entrevue accordée au Journal de l'assurance. Plusieurs raisons à cela : premièrement, les touristes hivernants sont conscients de la nécessité de se couvrir avant de partir en voyage. Toutefois, comme l'assurance voyage est un produit complexe, ils entreprennent des recherches sur Internet, mais n'achètent pas sur le Web. Ils préfèrent se fier aux conseils de courtiers avisés.

Deuxièmement, peu de touristes hivernants achètent leur protection par le biais des agences de voyage sur le Web. « Cela intéresse plutôt les jeunes », précise M. Reinaud. Robin Ingle, président d'Ingle International, constate que ces touristes ne recherchent pas plus à rencontrer des agents de voyages.

Troisièmement, les assureurs ne font pas recette, car leurs questionnaires semblent complexes. De plus, ils ne sont pas standardisés et diffèrent donc d'un assureur à l'autre. Selon M. Reinaud, l'industrie sera bien obligée de revoir la structure et le format des questionnaires, ainsi que les risques qui y figurent.

Pour le moment, face à l'embarras des clients, les courtiers sont bien placés pour intervenir. Lorsqu'ils cherchent un produit, ils s'informent sur les prix de tous les assureurs avant d'en proposer un. Ainsi, selon M. Reinaud, le manque de standardisation leur donne beaucoup de poids. Les courtiers ont tout intérêt à contenter leur clientèle, car en assurance voyage comme ailleurs, un client satisfait en vaut plusieurs. « Le bouche à oreille fonctionne bien », confirme Patrick Lavoie, vice-président marketing chez Securiglobe.

Les touristes hivernants peuvent aussi se tourner vers les associations de consommateurs ou des organisations pour les personnes âgées. Certains leur proposent de l'assurance voyage et leur prodiguent des conseils. Un service dont bénéficient les clients et l'industrie. Toutefois, le besoin de simplification de ces polices d'assurances reste criant, d'autant que la population est vieillissante. « Les Canadiens vivent plus longtemps, surtout les femmes », souligne M. Ingle. Ainsi, nombreux sont les retraités susceptibles de devenir des touristes hivernants.

Certains d'entre eux souscrivent leur assurance voyage dès la fin de l'été. Ces znowbirds qui magasinent tôt peuvent parfois profiter de prix avantageux. « La plus grosse partie des ventes se fait entre le 15 septembre et le 15 novembre. Toutefois, elles se maintiennent durant le reste de l'année », précise Jean Hervieux, vice-président ventes et marketing chez Tourmed.

Les États-Unis en tête de liste

Que les touristes hivernants fassent appel à un courtier ou non, la prime varie en fonction de la destination choisie. Joanne Parent, directrice régionale du développement des affaires au Québec chez TIC, constate deux nouvelles tendances. Les snowbirds apprécient particulièrement la République Dominicaine et le Costa Rica, dit-elle.

Selon M. Lavoie, les États-Unis restent très prisés des snowbirds québécois. « Ils ont un faible pour le sud-est de la Floride, Hollywood, Palm-Beach et le Texas, mais ils apprécient aussi le Mexique », dit-il.

Du côté de ETFS, le son de cloche n'est pas le même. Selon M. Reinaud, il y a moins de touristes hivernants qui prennent leur envol pour les États-Unis. « Aujourd'hui, beaucoup partent en Europe, notamment en France », dit-il.

Or les primes, qui évoluent sur une base annuelle, varient selon la destination. « La prime moyenne pour un séjour au Mexique coute très cher », affirme Robin Ingle. En général, les primes pour un séjour aux États-Unis sont plus onéreuses que pour un séjour en Europe. Elles ont beaucoup augmenté à cause de l'inflation des couts d'hospitalisation dans le pays.

Un constat que partage Emmanuel Reinaud : « L'inflation est d'environ 8 % par an. » Patrick Lavoie de préciser : « Si on est en bonne condition physique, il faut compter environ 334 $ pour un voyage de 90 jours. Toutefois, cela varie d'un assureur à l'autre. »

La prime dépend aussi de la durée du séjour. Celle-ci semble d'ailleurs avoir diminué. « Les voyages des touristes hivernants sont plus courts », dit M. Reinaud. Cela tire les primes vers le bas, puisque le risque est exponentiel avec la durée.

Un problème : le vocabulaire

D'autres facteurs déterminent le montant de la prime. Celles-ci varient notamment en fonction du dossier médical du client. Quel que soit son âge, il est difficile de se faire assurer quand on a des antécédents médicaux.

« De plus, un certain nombre de produits ont des clauses limitatives ou d'exclusion. Un assureur va estimer que vous êtes couvert tant que vous n'avez pas changé de médication, tant que vous n'avez pas été hospitalisé ou été traité par un médecin. Toutefois, le simple fait de consulter un docteur peut être considéré comme un traitement. Ça peut rendre la couverture invalide ». Comprendre les mots utilisés par l'assureur peut être problématique, surtout pour les courtiers. En effet, un courtier qui vend aussi des assurances habitation ou responsabilité peut ne pas être familiarisé avec ce type de nuance, dit M. Ingle.

Sans compter que le médecin peut juger la santé d'un client stable alors que pour la compagnie d'assurance, elle ne l'est pas, affirme-t-il. Même type de problème pour les réclamations : le vocabulaire change d'une année à l'autre.

Ainsi, ce qui peut faire l'objet d'une réclamation durant une année ne le sera pas forcément l'année suivante pour une même compagnie d'assurance. Ne reste plus qu'une solution aux touristes hivernants : « ils ne doivent pas hésiter à poser des questions et à prendre des notes », dit M. Ingle.

Autre difficulté : se faire assurer quand on a 80 ans et des antécédents médicaux. « C'est souvent très difficile pour les clients, mais aussi pour les courtiers et agents d'assurance. Il y a de moins en moins de compagnies qui fournissent cette couverture », poursuit M. Ingle. Si un assureur prend ce risque, la prime sera très élevée.

Des primes plus élevées

Emmanuel Reinaud fait toutefois remarquer que de manière générale, les primes d'assurance voyage pour les touristes hivernants sont de plus en plus élevées. « Quant au processus de vente, il est long et fastidieux, car les snowbirds prennent le temps de magasiner. À l'inverse, le produit se vend en quelques minutes auprès des jeunes », constate M. Reinaud.

La plupart des touristes hivernants optent pour le contrat de base qui comprend les soins médicaux et d'hospitalisation. « La majorité d'entre eux ne choisissent ni l'annulation ni l'interruption de voyage. Ils n'achètent rien de superflu », poursuit-il.

Patrick Lavoie relève toutefois que les sondages réalisés par les assureurs leur ont permis d'affiner leur offre de produits. « Ils ont élaboré des clauses qui correspondent aux besoins des snowbirds qui partent pour un long séjour », dit-il.

Certaines garanties, comme l'aller-retour d'urgence, ont la cote. « On peut l'utiliser en cas de décès d'un proche ou de catastrophe chez soi. Le voyage est alors remboursé de la destination à la ville d'origine », explique M. Lavoie. C'est le cas aussi de la garantie Intermed voyage. « Elle permet de revenir au pays pour 15 jours ou moins sans mettre fin au contrat d'assurance voyage. C'est pratique si l'on veut par exemple, retourner auprès de sa famille pour les Fêtes », continue-t-il. Il y a aussi la carte pharmacie qui paie les médicaments. Seuls quelques dollars sont débités de la carte, dit-il.

Produit complexe ou pas, l'assurance voyage pour les touristes hivernants a encore de beaux jours devant elle. Être snowbird semble être un style de vie. « C'est la dernière chose que les gens couperont », assure M. Lavoie.

Si les revenus de placement de certains retraités ont diminué, le marché canadien semble avoir été moins touché par la récession que les États-Unis. C'est en tout cas, ce que pense Robin Ingle. M. Lavoie, lui, observe même des chiffres encourageants : « Au début de la saison, il y avait une possibilité de hausse des ventes de l'assurance par rapport à l'année dernière. »