Le recul des ventes d'assurance de soins de longue durée au Canada en 2008 a caché une bonne nouvelle : le public cible a rajeuni. Ainsi, assureurs et conseillers redoublent d'efforts pour viser cette clientèle pour qui le produit est plus abordable.Le sondage annuel de LIMRA International, Canadian LTC Insurance, Annual Review 2008 montre que le produit de soins de longue durée n'est plus destiné uniquement aux personnes âgées. La moyenne d'âge des assurés s'est établie à 48 ans en 2008. Il s'agit d'un changement notable, car elle tournait autour de 55 ans en 2007.
De plus, les données de LIMRA montrent que 92 % des polices de soins de longue durée vendues en 2008 l'ont été à des Canadiens de moins de 65 ans. Ce groupe d'âge a aussi accaparé 86 % des nouvelles primes en 2008.
En janvier 2009, les assureurs affirmaient au Journal de l'assurance qu'ils mettaient les bouchées doubles pour attirer une clientèle plus jeune depuis déjà un bon moment. Ils ont ainsi lancé un nombre croissant de produits de départ destinés à une clientèle plus jeune. Ces produits hybrides étaient aussi dotés d'une option de transformation assurance de soins de longue durée.
La Financière Sun Life et la Financière Manuvie ont procédé à de tels lancements en 2009. Tôt dans l'année, Sun Life a ajouté une option de transformation vers une protection de soins de longue durée à son produit Assurance Maladies Graves SunSpectrum. Le changement s'était accompagné de l'ajout d'une couverture en cas de lésion cérébrale acquise. Manuvie a ensuite doté ses produits d'invalidité Pro Cadres II et Franprise d'une option de transformation vers une couverture soins de longue durée. Des compagnies avaient déjà posé le geste vers des produits similaires, dont Croix Bleue Canassurance, L'Union-Vie et RBC Assurances en 2008.
Clientèle rajeunie
Pour Nathalie Tremblay, chef d'équipe, prestations du vivant et assurance vie, chez Desjardins Sécurité financière, il est normal de voir la clientèle cible rajeunir puisque conseillers et clients sont de plus en plus conscients qu'une perte d'autonomie peut survenir à tout âge. Aux États-Unis, il y a 13 millions de personnes à qui on dispense actuellement des soins de longue durée. Environ 40 % d'entre elles ont entre 18 et 64 ans, révèlent les dernières données publiées en 2004 par l'America's Health Insurance Plans (AHIP) dans Guide to Long-Term Care Insurance.
Principal joueur dans le marché, Sun Life note aussi un rajustement de la clientèle cible. « L'âge moyen a beaucoup diminué depuis la naissance du produit il y a un peu plus de dix ans. Au début, les clients avaient en général 60 ans ou plus », dit son vice-président, région Ouest du Québec pour le réseau de carrière, Stéphane Beaumier.
Il est plus difficile de faire souscrire le produit pour les clients potentiels de 65 ans, ajoute M. Beaumier. « Le taux d'acceptation est assez bas : autour de 50 % de refus. Il faut être conscient que les gens vivront de plus en plus vieux et seront malades de plus en plus longtemps. Nous avons commencé à viser les 45 ans et plus en offrant le produit à prime payable pendant 15 ans seulement. Cette stratégie lui a donné un nouvel élan. Nous commençons même à le vendre à des gens âgés de 25 à 30 ans. Nous développons un marché plus jeune depuis deux ans et son apport a stabilisé nos résultats », dit-il.
Parmi les premiers à offrir le produit, Sun Life possède une base d'affaires mature en soins de longue durée et reçoit maintenant des réclamations toutes les semaines, souligne M. Beaumier. Or, le rajeunissement de la clientèle cible se fait sentir là aussi. « Nous recevons des réclamations de personnes jeunes. Par exemple, nous avons un jeune assuré qui a réclamé six mois de prestations en soins de longue durée pour un accident d'auto. Nous en avons eu un autre pour un accident de ski et qui a dû se déplacer en chaise roulante pendant quatre mois », précise-t-il.
Le collectif pèse sur les résultats
Cet élan du joueur principal n'a toutefois pas suffi à maintenir la forte croissance de 2007 des ventes en assurance soins de longue durée. Tous produits confondus, elle s'est effondrée en 2008 sous le poids d'une contreperformance marquée dans le secteur collectif et groupes-associations.
Les nouvelles primes d'assurance soins de longue durée ont reculé de 50 % et le nombre d'assurés de 83 % en 2008 par rapport à 2007. Entre 2007 et 2006, les primes et le nombre d'assurés avait respectivement cru de 98 % et de 421 %.
Cette forte baisse s'explique par le fait que la croissance de l'assurance aux groupes, très forte en 2007, a été nulle en 2008. C'est ce qui ressort du sondage annuel de LIMRA International, Canadian LTC Insurance, Annual Review 2008.
Relativement petit en raison des primes très peu élevées par participant, le marché de l'assurance soins de longue durée collective est aussi très volatil. Un seul gros groupe signé une année peut changer la donne de façon draconnienne. Par exemple, ACE INA Vie avait conclu sa première vente dans ce secteur en 2007 auprès d'un important syndicat. Potentiel de l'entente : plus de 35 000 vies assurées.
L'individuel plus stable
Marché phare pour ce produit, le secteur individuel montre un recul moins marqué que dans le secteur collectif, révèle le sondage de LIMRA. Les nouvelles primes d'assurance soins de longue durée ont reculé de 7 % et le nombre d'assurés de 12 % en 2008 par rapport à 2007, même si près de 8 000 Canadiens ont acheté de l'assurance soins de longue durée individuelle en 2008.
Tous les joueurs n'ont pas eu la main heureuse. Les assureurs présents dans le segment individuel de l'assurance soins longue durée ont connu des résultats très variés de l'un à l'autre, souligne le sondage de LIMRA. Le joueur le plus performant a connu une croissance de ses nouvelles primes de 31 % en 2008, alors que le pire joueur a essuyé un recul de ses nouvelles primes de 73 % cette même année. (NDLR : LIMRA ne dit pas qui sont les joueurs en question dans son rapport.)
Le réseau captif demeure le plus productif dans ce marché, comptant pour 64 % des nouvelles primes souscrites en soins de longue durée en 2008. Le réseau des conseillers indépendants a recueilli 30 % de cette part. Le reste se partage entre les comptes nationaux (2 %) et les autres réseaux (4 %). Selon LIMRA, cinq assureurs distribuent l'assurance soins de longue durée par l'entremise de leur réseau captif. L'une d'entre elles utilise exclusivement ce réseau. Cinq assureurs recourent au réseau indépendant pour vendre l'assurance soins de longue durée.
Les produits payables en 20 ans ont pour leur part recueilli 49 % des nouvelles primes et 41 % des polices vendues en 2008. Les produits payables à vie ont recueilli 36 % des nouvelles primes, mais 44 % des polices vendues en 2008. Les autres résultats se partagent en différents types de polices, dont celles payables jusqu'à 55 ans, lesquelles ont recueilli 6 % des nouvelles primes en 2008. La majorité des produits individuels vendus en 2008 offre une prestation de 3 000 $ ou moins par mois.
À petits pas
Malgré la croissance qui recule, les affaires de soins de longue durée en vigueur ont augmenté en 2008 par rapport à 2007, tant au chapitre des nouvelles primes que du nombre de polices. La taille du marché demeure toutefois modeste.
Plus de 105 000 canadiens détenaient au 31 décembre 2008 une police d'assurance de soins de longue durée, dont 69 000 polices individuelles. C'est 5 % de plus qu'en 2007, tous produits confondus, et 8 % de plus pour les polices individuelles.
Les primes en vigueur ont atteint plus de 90 millions de dollars (M $) à la fin de 2008, dont 80 M $ de primes en assurance soins de longue durée individuelle. C'est une augmentation de 7 % par rapport à 2007, tous produits confondus, et 8 % de plus pour les polices individuelles.
Les trois plus gros joueurs détenaient 70 % du marché au 31 décembre 2008, tous produits confondus, et les trois plus gros joueurs en individuel en détenaient 76 %. LIMRA indique aussi que les trois principaux joueurs ont compté pour 83% du marché en termes des nouvelles primes pour 2008.
Joueur numéro un, Sun Life détenaient 62% du marché en 2008. L'assureur est actif principalement par l'entremise de son réseau captif, mais aussi à travers le réseau indépendant. « Nous vendons à peu près 6 à 7 M $ de primes par an sur un marché de 10 M $. C'est ce que nous avons fait l'an passé et c'est ce que nous ferons en 2009 », a affirmé Stéphane Beaumier. Par ailleurs, il note que la prime annuelle moyenne des produits vendus oscille entre 1 500 $ et 2 000 $.
Il faudra attendre avril prochain pour disposer du sondage de LIMRA en ce qui touche les résultats en SLD pour 2009. Aux États-Unis, les résultats les plus récents compilés par LIMRA font état d'un recul de 34 % des primes annuelles et de 32 % du nombre de personnes couvertes au premier trimestre de 2009 par rapport au même trimestre en 2008.
Toutefois, pour 2009, certains joueurs canadiens ont leur idée sur ce qu'il faut faire pour faire croitre les ventes. Selon Nathalie Tremblay, de Desjardins Sécurité financière, brandir des statistiques ne fonctionne plus. Elle convient que le sujet d'une perte d'autonomie est délicat à aborder avec des clients.
« Ce que l'on a appris lors du congrès organisé par Munich Re sur les soins de longue durée cet automne, c'est que les conseillers qui vendent beaucoup d'assurance soins de longue durée au Canada ont une histoire à raconter. Ils ne vous disent pas que vous avez une chance sur deux de perdre votre autonomie à un moment ou un autre de votre vie », dit-elle. Rusé, un conseiller présente l'assurance soins de longue durée comme un produit de « Liberté 80 », raconte-t-elle.
Gilles Carle
Stéphane Beaumier abonde dans le sens de l'histoire et note que plusieurs de ses conseillers évoquent le triste cas du réalisateur québécois Gilles Carle lorsqu'ils rencontrent des clients.
Par ailleurs, Sun Life se dit heureux du renforcement de la concurrence et de la promotion autour du produit amenée par les récents lancements de produits hybrides. « Notre plan d'affaires n'est pas de conserver une part de 62 % des affaires en vigueur. C'est insoutenable à long terme. Nous voulons bien sûr faire croitre nos ventes, mais si tous les joueurs pouvaient faire augmenter la tarte globale, ce serait bénéfique pour le marché », dit-il.
Chez Manuvie, John Parker sait que les assureurs ont déjà fait beaucoup d'efforts pour fournir des outils et de l'information aux conseillers dans ce marché. Le vice-président adjoint au développement et au marketing des produits de prestations du vivant reconnait toutefois que l'industrie doit changer son approche. « Les efforts que nous avons fait ne se sont pas nécessairement traduits dans le niveau de croissance des ventes que nous espérions », dit-il.
Le défi sera selon lui de convaincre un à un les conseillers d'engager la conversation sur le sujet. « Nous devons comprendre ce dont les conseillers ont besoin pour se sentir à l'aise de parler de soins de longue durée avec leurs clients », ajoute-t-il.
Les compagnies suivantes ont participé au sondage de LIMRA pour le Canada en 2008 : ACE INA, Desjardins Sécurité financière, Chevaliers de Colomb, Manuvie, La Capitale assurances et gestion du patrimoine, RBC Assurances et Sun Life.