Robert Plante a dédié sa carrière et son entreprise à promouvoir la valeur assurable au Québec. Il dit observer du progrès, mais il reste néanmoins du travail à faire.
Il y a dix ans, ce sont les propriétés de Monsieur et Madame Tout-le-monde qui étaient sous-assurées. Maintenant, ce sont les équipements qu’on retrouve dans les entreprises qui empêchent le président de SPE Valeur assurable de dormir le soir, a-t-il expliqué en entrevue au Journal de l’assurance.
« Le même problème demeure toujours, même s’il a évolué. Les règles de coassurance sont encore là. Pourtant, il n’y a pas deux bâtiments pareil. Ça reste toujours à l’assuré de déterminer sa valeur assurable, avec le courtier à ses côtés pour le conseiller. Si ce dernier ne fait qu’effleurer le sujet, c’est là que les problèmes peuvent commencer. »
M. Plante se dit toujours surpris de constater que des assureurs font des expertises poussées pour assurer un bijou de 10 000 $, mais qu’ils n’en font pas pour une bâtisse de 100 millions de dollars (M$). « Les assureurs utilisent encore la règle de coassurance ou encore la règle du pouce, où on met un montant donné pour reconstruire une unité de tant de pieds carrés. »
Le tout peut même entrainer de la surévaluation, dit M. Plante, ce qui n’est guère mieux à son sens. « Ça ne sert à rien d’assurer dans le vide, mais ce n’est pas mieux d’être sous-assuré. On voit souvent les courtiers être pris entre l’arbre et l’écorce dans ces situations. »
La formation des courtiers est primordiale
Il continue donc de marteler le même message : il est primordial d’assurer une propriété en fonction de ses valeurs. M. Plante mise sur la formation des courtiers pour faire changer les mœurs au Québec, délaissant la sensibilisation des assureurs à ce problème. Il en a formé plus de 1 200 courtiers au cours des dix dernières années.
Il juge que certains courtiers sont en avance sur les autres en matière de valeur assurable. M. Plante dit aussi voir d’un bon œil que des assureurs font certaines vérifications, ce qui amène de l’amélioration et réduit la sous-assurance.
Il reste toujours des zones grises, déplore-t-il toutefois. « On voit certains courtiers jouer avec les déductibles (franchises) pour faire sauver de l’argent à leur client. Si son bâtiment a une valeur de 10 M$, ça peut être une autre paire de manches. S’il a fait souscrire à son client une franchise de 50 % et que celui-ci subit un sinistre de 100 000 $, ça peut tuer l’entreprise. »
M. Plante se dit toutefois outré de constater que des assureurs couvrent encore des entreprises sans exiger de liste d’actifs. « Ils assurent ces entreprises à l’œil ! Certains entrepreneurs ne font que confier le tout à leur comptable. Or, si cette liste n’a pas été mise à jour depuis deux ans, les actifs se sont dépréciés et la liste ne vaut plus grand-chose. Il y a encore beaucoup de chemin à parcourir à ce niveau, mais ça reste un sujet délicat. »
Ne pas s’improviser évaluateur
Il rappelle aussi que le courtier ne peut s’improviser évaluateur. Il en donne pour exemple l’obligation que les syndicats de copropriété ont d’assurer leur immeuble, tel que stipulé dans l’article 1073 du Code civil du Québec. « C’est indiqué qu’ils doivent le faire assurer, mais il n’est inscrit nulle part qu’ils doivent le faire évaluer. Comment peut-il être assuré s’il n’est pas évalué ? »
La situation des condos préoccupe d’ailleurs passablement M. Plante. « Je vois parfois des syndicats de copropriété qui n’ont même pas en main les plans de l’entrepreneur en construction qui a bâti leur immeuble ! Or, un condo, ça ne se vérifie pas comme une maison unifamiliale. Pourtant, en assurance des entreprises, il est obligatoire d’avoir une évaluation, mais dans certains cas, ça se fait encore au pif. Ça n’a pas de bon sens ! »
Et il ajoute que bien souvent, le client n’est pas au fait de ces risques. « Il se doit pourtant de bien comprendre la règle de coassurance. Je recommande maintenant au courtier de faire signer à leurs clients une décharge indiquant qu’ils ont bien compris en quoi consiste la règle de coassurance. Les notes du courtier dans un tel dossier ne valent plus rien devant les tribunaux », dit le président de SPE Valeur assurable.
M. Plante ajoute qu’en matière de valeur assurable, le concept de plus bas soumissionnaire ne tient pas la route, car l’exposition aux poursuites est trop grande. « Le courtier doit gérer l’enveloppe budgétaire de son client, qui en plus essaie toujours de négocier. Dans l’évaluation de la valeur assurable, il faut aussi considérer les taxes, comme la TPS et la TVQ, mais aussi les intrants. »
Ça peut créer des problèmes s’ils ne sont pas bien calculés, prévient M. Plante. « Ces montants peuvent faire gonfler la facture de 35 %. Si on n’y fait pas attention, ça ne tient plus la route. Ça force les courtiers à faire de la finance. Mais dans certains cas, la discussion sur la valeur assurable ne dure pas très longtemps… »
Pas 2 bâtiments pareils
Et M. Plante se porte en faux lorsqu’il voit des assureurs couvrir des bâtiments commerciaux au même prix. « En assurance des entreprises, c’est impossible qu’ils soient pareils. C’est du cas par cas. Ça ne s’assure pas en quelques questions, même s’il est pratiquement impossible d’avoir une mesure totalement précise. En résidentiel, si le courtier a oublié de lister une chaine stéréo de 20 000 $, ce n’est pas agréable. Mais imaginez les impacts qui peuvent survenir lors d’un oubli ou d’une mauvaise mise à jour dans le secteur industriel. Certains industriels ne sont pas sensibilisés à cela. »
M. Plante compare d’ailleurs la nécessité de bien établir la valeur assurable d’une entreprise à celle de souscrire un avenant pour l’interruption des affaires. « La seule façon d’en voir le bout est de bien conseiller son client. Le courtier ne doit pas jouer à l’évaluateur. Il se met en danger sinon. »
Le président de SPE Valeur assurable dit qu’ils s’entourent de gens compétents pour se tenir à jour en la matière, notamment des ingénieurs. Il dit aussi appeler des entrepreneurs régulièrement pour connaitre les variations de prix des matériaux de construction.
« L’industrie ne peut fonctionner en se basant sur des moyennes. Ce n’est pas sérieux ! Il faut voir la valeur assurable comme un investissement. »