Les agents généraux demandent aux assureurs de s'impliquer davantage au plan technologique et de moderniser les méthodes de transferts de données entre eux et le réseau de distribution.« Nous travaillons toujours avec le modèle des années 1980 », a déploré Charles Copoloff, vice-président de Copoloff Insurance Agencies, un des quatre participants au panel des agents généraux (MGA) organisé au Congrès de l'assurance et de l'investissement, le 13 novembre dernier à Montréal.
Par exemple, les agents généraux doivent entrer chaque fois manuellement les informations d'un client, même si l'assureur a déjà toutes les données dans son système informatique. C'est un contraste par rapport à l'industrie des fonds communs qui utilise depuis plusieurs années le système FundServ, qui permet l'échange électronique de renseignements.
L'industrie de l'assurance travaille déjà depuis plusieurs années sur des normes d'échange de données, appelée Canadian Insurance Transaction Standardization (CITS). L'objectif : développer un système similaire de type « LifeServ ». M. Copoloff ne croit pas que la situation se résoudra avant plusieurs années.
Occasion à saisir
Canadian Life Insurance EDI Standards (CLIEDIS) travaille depuis une décennie à intégrer les compagnies d'assurance vie dans le projet, rappelle pour sa part, John Hamilton, président de Financial Horizons Group. « Il y a des progrès, mais selon moi, ce sont les assureurs vie et plusieurs agents généraux qui ne saisissent pas l'occasion. »
Plusieurs petits agents généraux ne veulent pas investir dans les nouveaux systèmes requis pour automatiser le transfert des données dans l'ensemble de l'industrie, ajoute M. Hamilton. Entre-temps, de plus gros MGA investissent dans les logiciels nécessaires, dit-il.
Les grands MGA veulent que ces changements se mettent en place, mais les assureurs ne sont pas à l'écoute. « Il faut que ça change. Les assureurs vie doivent se joindre à nos efforts. La technologie est disponible. Les assureurs possèdent les logiciels; ils impriment les relevés de commissions, ils téléchargent. Leurs systèmes ne communiquent tout simplement pas avec les nôtres et vice-versa. »
Situation ridicule
Le meilleur exemple de cette problématique pour les MGA est lorsqu'un conseiller décide de faire affaire avec un autre MGA. « On doit refaire toute la paperasse, même si la compagnie d'assurance vie a déjà toute l'information requise. Les assureurs ne font pas le transfert des données. C'est ridicule, dit M. Hamilton. Nous, les gros agents généraux, avons beaucoup de gens qui ne s'occupent que des transferts. »
Pour M. Hamilton, il s'agit d'un problème récurrent. « Nous devons continuer la lutte. Nous devons soutenir le Canadian Association of Independent Life Brokerage Agencies (CAILBA) et travailler avec CLIEDIS. » Il estime qu'une solution technologique pour l'ensemble de l'industrie sera une réalité d'ici les cinq prochaines années.
M. Copoloff craint que ce ne soit plus long. « Les fournisseurs doivent se réunir. J'aimerais pouvoir dire que cinq ans ce n'est pas long, mais ça pourrait prendre plus de temps avant que tout ça entre en vigueur. »
L'un des points importants concernant le transfert des données, ajoute-t-il, c'est que ça doit aller dans les deux sens. « Avec FundServ, on peut télécharger et téléverser. Avec CITS, les normes qui en découlent sont à sens unique et ce n'est pas avantageux pour nous. »
La question du recrutement a aussi été abordée lors du panel. Qui a la responsabilité de recruter du sang neuf pour l'industrie? Les agents généraux, les assureurs ou les conseillers? « Je pense que c'est la responsabilité des trois, à divers degrés », a répondu James McMahon, président et chef de la direction de Force Financière Excel.
Toutefois, il note que depuis quelques années les compagnies d'assurance ont cessé de recruter. « Ils ont en quelque sorte transféré cette tâche aux agents généraux. » Cette situation fait en sorte que, depuis quatre ans, son cabinet a une division qui forme les nouveaux conseillers.
M. McMahon souligne que son entreprise alloue beaucoup de temps et d'énergie au recrutement et à la formation des nouveaux conseillers. Il aimerait voir les assureurs refiler aux agents généraux une partie des économies qu'ils ont réalisées en se désinvestissant de la formation.
Encadrement
Autre point abordé : la réglementation imposera-t-elle un jour un seul agent général par conseiller, comme c'est le cas pour l'industrie des fonds communs?
Si une telle situation survient, ce ne sera pas parce que les agents généraux l'auront demandé, a répondu M. McMahon. « Ça arriverait si les régulateurs décident d'imposer un tel modèle. S'ils le font, ce sera pour deux raisons : baliser la responsabilité et uniformiser les règles de conformité. Pour notre part, nous souhaitons l'indépendance de nos conseillers. »
M. Hamilton est d'accord : un tel modèle sera plutôt l'initiative d'un régulateur. « Il y a peut-être des agents généraux qui aimeraient recevoir la totalité des affaires de leurs conseillers, mais il faut être prudent à cet égard. » Un tel système signifierait que les agents généraux seraient, comme les fournisseurs de fonds communs,
responsables de la conformité de leurs conseillers et de tous leurs agissements, dit M. Hamilton.
Il ne croit pas que les conseillers en sécurité financière aient besoin du même niveau d'encadrement que les conseillers du secteur de l'investissement. « Les Earl Jones ne sont jamais impliqués dans l'assurance, mais plutôt dans l'investissement. Du côté des fonds communs, le régulateur a exigé que les cabinets soient responsables de tous leurs représentants en raison de nombreux cas de fraude. Touchons du bois, car nous ne semblons pas avoir ce problème en assurance jusqu'à maintenant », dit M. Hamilton.
Les agents généraux se doivent de recréer une force unifiée
Dissoute en juin dernier, l'Association des cabinets gestionnaires de services financiers (ACGSF) n'est pas morte dans l'esprit des agents généraux. Les plus influents d'entre eux souhaitent même la ressusciter... dans une forme ou une autre.
Les propriétaires d'influents agents généraux (MGA) du Québec ont exhorté leurs compétiteurs à retourner à la table de concertation. Il faut régler nos problèmes communs d'une seule et vive voix, disent-ils.
Ironie du sort, l'ACGSF était justement morte par manque de collaboration... entre compétiteurs.
Pourtant, Gilles Cloutier n'a pas hésité à qualifier de «très malheureuse» la dissolution de l'ACGSF, lors du panel des MGA organisé dans le cadre du Congrès de l'assurance et de l'investissement, le 13 novembre dernier. Le président du conseil de Groupe Cloutier croit qu'il est essentiel de défendre auprès des assureurs et des organismes de réglementation le point de vue des MGA sur des enjeux cruciaux tels que la conformité, les contrats de distribution, la technologie et la réglementation. « Il faut s'unir à nouveau ; nous n'avons pas le choix », pense-t-il.
Il a écarté la crainte de certains cabinets de perdre des informations concurrentielles. « Il n'y a aucun danger de fuite entre concurrents puisqu'il n'est pas question de révéler des secrets professionnels dans ces réunions », a-t-il dit.
M. Cloutier a toutefois ouvert une nouvelle porte : il suggère que les conseillers indépendants et les MGA soient regroupés au sein d'une même association.
Parmi les autres panélistes, le président directeur-général de Force financière Excel, James McMahon, propose d'élargir l'union hors du Québec : pourquoi ne pas joindre les rangs de Cailba ? « Nous pensons que la solution, c'est d'avoir une section Québec au sein de Cailba », a-t-il lancé à l'auditoire.
Rappelant que le Conseil canadien des responsables de la réglementation d'assurance (CCRRA) se penche actuellement sur la place que devrait occuper les MGA dans l'univers législatif canadien, il croit primordial de participer à ces démarches.
Consolidateur connu à travers le Canada, le président de Groupe Financier Horizons, John Hamilton, a soutenu la suggestion de M. McMahon. « Je suis membre de Cailba depuis le tout début de cette association et je suis convaincu qu'elle serait heureuse d'accueillir un chapitre québécois », croit-il.