La Chambre de l’assurance de dommages a entrepris un vaste chantier au cours des derniers mois pour optimiser le traitement des plaintes qu’elle reçoit à l’égard de ses assujettis. L’organisme d’autorèglementation (OAR) réfléchit aussi aux façons de corriger le tir pour les cabinets pris en défaut, sans nécessairement passer par son comité de discipline.La Chambre reçoit de plus en plus de plaintes d’année en année, et les preuves qu’elle traite sont de plus en plus étoffées. L’OAR a donc décidé d’optimiser ses façons de faire pour assurer un traitement des plaintes le plus efficace possible, ont confié Maya Raic et Carole Chauvin, respectivement PDG et syndique de la Chambre.

Il s’agit du dernier chantier qu’entreprendra Mme Chauvin à la Chambre, car elle quittera l’OAR le 14 février 2014, après quatorze ans à son service. Ce chantier se déploie depuis les neuf derniers mois et comporte trois volets.

Le premier a trait à la clarification du processus disciplinaire. Lors du traitement préliminaire des plaintes, ce sont les dossiers les plus problématiques et les plus porteurs qui sont priorisés. Par la suite, lors du processus décisionnel du traitement d’une plainte, les critères ont été précisés pour l’identification des dossiers qui nécessitent une enquête.

Finalement, la Chambre a modifié ses méthodes pour valoriser le travail de l’enquêteur. Auparavant, la majorité de la correspondance entre les enquêteurs et les représentants visés par une plainte se faisait par écrit. Dorénavant, les approches se feront par téléphone ou lors d’une rencontre en personne. Les demandes écrites suivront ensuite.

Grand stress

Mme Chauvin se dit consciente que la réception d’une plainte peut générer un grand stress chez le représentant visé. « L’impact et les répercussions peuvent être importants. Notre révision devrait générer une diminution des couts et des exigences demandées aux membres et aux entreprises lors d’une enquête. On veut aussi diminuer le niveau de stress du professionnel. On devait le faire, car ce n’est jamais un processus agréable pour celui qui le vit », dit-elle.

En contrepartie, la syndique dit s’attendre à ce que les employeurs soutiennent la Chambre dans cette approche. « Ils doivent prendre le temps de nous répondre et de trouver le dossier visé par une plainte. Selon nous, la proximité amènera une chaleur dans le processus. Notre travail pourra aussi se faire dans un délai plus raisonnable », dit-elle.

Objectif : OAR complet

Cette révision des processus du syndic s’inscrit aussi dans le désir de la Chambre de devenir un OAR complet, qui superviserait l’ensemble des activités du secteur de l’assurance de dommages. Actuellement, la Chambre partage cette tâche avec l’Autorité des marchés financiers.

« Nous dessinons la pratique professionnelle par les décisions que rend le comité de discipline, mais aussi par les décisions administratives rendues par le bureau du syndic. On vient dire aux représentants comment exercer leur profession pour atteindre les objectifs de protection du public. On veut ainsi s’assurer que nous avons les bonnes ressources et les bonnes façons de faire en ce sens. Certains assujettis trouvent les enquêtes longues. C’est une préoccupation pour nous. On doit néanmoins faire ce travail », dit Mme Raic.

La Chambre changera aussi de système informatique, ce qui touchera la gestion des dossiers du syndic. « Nous avions le même système depuis 1999, soit depuis la fondation de la Chambre. Le tout devrait se déployer sur deux ou trois ans », dit la PDG de la Chambre.

Un volet important de l’objectif visant à devenir un OAR complet passe par le droit d’inspecter les cabinets de 24 représentants et plus, pouvoir qui est actuellement dévolu à l’Autorité. « Nous faisons des inspections depuis 2005. On commence à sentir dans certains secteurs un souhait de voir la Chambre se déployer un peu plus largement. Nous avons pu apprivoiser nos partenaires du secteur à cet effet. On a voulu s’assurer d’avoir un bon accueil. Il y a plus d’intérêt qu’avant à nous voir inspecter les cabinets de 24 représentants et plus », dit Mme Raic.

« Pas d’acharnement envers le courtage »

Les deux femmes se disent néanmoins sensibles aux récriminations de certains courtiers qui se sentent visés par la Chambre, alors que celle-ci en a épinglé quelques-uns fort connus devant son comité de discipline. « Il n’y a qu’une plainte sur dix qui se retrouve devant le comité de discipline. Ce n’est pas majeur, vu le nombre de transactions que l’industrie traite. Il n’y a pas d’acharnement envers le courtage. Si c’était le cas, on le ressentirait autrement que par le témoignage de quelques individus. Quand on vit une telle expérience pour la première fois, on la trouve dramatique. La réaction émotive peut être au rendez-vous. Il faut relativiser le tout », dit Mme Raic.

La PDG de la Chambre rappelle toutefois que la Chambre ne peut faire autrement qu’enquêter quand il y a une plainte. « Il faut respecter cela. L’individu pris tout seul peut voir cela différemment pendant un temps, jusqu’à ce que la poussière retombe », dit-elle.

Mme Chauvin ajoute que tous ses enquêteurs sont très sensibles au stress ressenti par les individus qui font l’objet d’une enquête. « Ça se fait au quotidien avec un respect total. Quand on croise et valide des faits, c’est à partir de là que le stress peut augmenter. On prend toujours le temps d’expliquer nos fonctions et de démystifier à quoi on sert. Nous avons toujours fait des efforts pour ne pas être perçus comme étant dans une tour d’ivoire. On rencontre l’industrie et on ne se cache pas », dit-il.

La syndique de la Chambre rappelle d’ailleurs que plus de 90 % des gens sanctionnés en discipline n’ont pas des comportements malhonnêtes, comme s’approprier de l’argent. « On ferme environ 20 % des dossiers par l’envoi d’un avis de conformité au membre visé par une plainte. Ça reste une mesure confidentielle. Ce sont 12 % des dossiers qui se retrouvent devant le comité de discipline. Ce n’est pas énorme et ça représente 330 plaintes formelles en 14 ans, dont 92 % ont été trouvés coupables par le comité de discipline », dit-elle.

Une réflexion s’impose

Pour Mme Raic, une réflexion s’impose d’ailleurs sur les cas qui sont présentés devant le comité de discipline de la Chambre. « Ultimement, il faudra se pencher sur les causes qui y sont présentées. Peut-être y a-t-il d’autres moyens pour corriger le tir d’un représentant qui a commis une faute déontologique. La Loi sur la distribution des produits et services financiers dit que nous devons le traduire devant le comité de discipline. Il faudra peut-être penser à des mesures alternatives dans la loi. L’objectif ultime demeure la protection du public », dit-elle.

La PDG de la Chambre ajoute que d’autres ordres professionnels se posent les mêmes questions. « On suit de près ce qui s’y passe », dit-elle.

Pour Mme Chauvin, il faut effectivement réfléchir à tout ce processus disciplinaire. « Le fardeau de preuve devient plus lourd et plus sérieux. L’intimé a toutefois un droit de défense. Ça implique un processus qui se judiciarise, mais il a ses droits. C’est donc difficile de s’en sortir. C’est quelque chose qui doit être regardé dans les années à venir », dit-elle.