Transférer son entreprise à ses enfants est historiquement accompagnée d’une lourde facture fiscale, semant une embûche supplémentaire à la chose et nuisant à la pérennité de PME au pays.
Au point tel qu’il est souvent plus avantageux pour un entrepreneur, d’un point de vue fiscal, de vendre son entreprise à une personne sans lien de parenté qu’à un membre de sa famille, vu les dispositions actuelles de la Loi de l’impôt sur le revenu.
Avec le dépôt du projet de loi C-208, des allègements sont à prévoir, célèbrent divers groupes de défenses d’intérêts d’entrepreneurs au pays.
C’est d’ailleurs le cas de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI). « Cela fait des années que ce déséquilibre fiscal affecte les chefs d’entreprises familiales », affirme Jasmin Guénette, vice-président des affaires nationales à la FCEI.
Il ajoute que les propriétaires de PME ne devraient pas être pénalisés parce qu’ils ont choisi de garder leur entreprise au sein de la famille, considérant aussi que la plupart d’entre eux comptent sur la vente de leur entreprise pour financer leur retraite. « Le moment est venu de passer à l’action, dit M. Guénette, d’autant plus qu’il se pourrait bien qu’une élection ait lieu prochainement. »
Le transfert des entreprises d’une génération d’entrepreneurs à l’autre est à la fois un défi et une opportunité pour l’économie canadienne, clame la FCEI. Selon des sondages qu’elle mène, près des trois quarts (72 %) des propriétaires de PME comptent prendre leur retraite d’ici 2028. Cela représente à peu près 1,5 milliard de dollars d’actifs. Un peu moins de la moitié (46 %) souhaitent que leurs enfants reprennent l’entreprise familiale.
Le cœur du problème
Le hic, c’est que le transfert d’une entreprise aux membres de la famille est considéré comme un dividende, tandis que la vente à un tiers est considérée comme un gain en capital donnant droit à l’exonération cumulative des gains en capital (ECGC). Les propriétaires de PME qui transfèrent leur entreprise à leurs enfants ne peuvent donc pas bénéficier de l’ECGC, ce qui signifie qu’ils sont soumis à un taux d’imposition plus élevé.
« Les propriétaires de PME sont éprouvés par la crise et plusieurs ont déjà pris la décision de mettre fin à leurs activités ou de déclarer faillite. Ce projet de loi facilitera la vie de ceux qui décident de passer le flambeau aux membres de leur famille », dit M. Guénette.
Les courtiers y portent attention
Des courtiers d’assurance de dommages ont d’ailleurs fait face à cette problématique au fil des ans alors qu’ils songeaient à céder leur entreprise. Tant l’Association des courtiers d’assurances du Canada (ACAC) que le Regroupement des cabinets de courtage d’assurance du Québec (RCCAQ) disent y porter une grande attention.
« Actuellement, les règles fiscales sur la scène fédérale font en sorte qu’il est plus avantageux pour un propriétaire de PME de vendre son entreprise à un tiers en-dehors de sa famille plutôt qu’à ses propres enfants, a indiqué dans un courriel Typhaine Letertre, porte-parole du RCCAQ, dans un courriel destiné au Portail de l’assurance. L’industrie du courtage, qui se compose essentiellement de PME, est donc directement touchée. »
Le RCCAQ et l’ACAC considèrent ainsi que la question de la relève intergénérationnelle, tout comme celle de la pénurie de main-d’œuvre, a des conséquences importantes sur la pérennité des cabinets. « En autorisant les petites entreprises à bénéficier de la même exemption fiscale lorsque la vente se fait au sein d’une même famille que lorsqu’elle se fait auprès d’une personne non apparentée, le projet C-208 pourrait corriger une iniquité importante et favoriser le maintien des entreprises en région », dit Mme Letertre.
Nombreux reports
Ce projet de loi, qui a été soumis au Comité permanent des Finances à Ottawa pour fins d’étude, fait écho aux démarches déjà suivies par le RCCAQ entre 2014 et 2017 pour appuyer des initiatives du même ordre, souligne aussi la porte-parole du RCCAQ. Le précédent texte sur le sujet (C-274), présenté en 2016-2017 n’avait pas abouti.
« Les enjeux de relève et de pénurie de main-d’œuvre dans les cabinets de courtage font partie des priorités établies par le RCCAQ et celui du transfert d’entreprise entre apparentés s’inscrit directement dans ce travail : ne plus pénaliser les propriétaires de cabinets de courtage qui souhaitent transférer leur entreprise à la prochaine génération est primordial pour la vitalité de notre industrie et le dynamisme des régions », a aussi commenté Sylvain Turgeon, président sortant du RCCAQ.