Au cours des prochaines années, l’accélération des efforts pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) au niveau mondial entraînera une restructuration et une transformation rapide de l’économie canadienne. Les provinces qui auront pris les devants connaîtront une ère de prospérité ; les autres qui accusent du retard s’exposent à de grands bouleversements. Le Québec est déjà bien positionné pour faire face à ce virage déterminant. Il figure déjà parmi les chefs de file au pays, indique une nouvelle étude de l’Institut climatique du Canada publiée il y a quelques jours.

Financé par Environnement et Changement climatique Canada, cet organisme réunit des experts en adaptation et en atténuation des changements climatiques, économie, sciences naturelles et sociales, politiques publiques, systèmes énergétiques, connaissances autochtones et ingénierie. Le directeur général d’Ouranos, Alain Bourque, en fait partie.

En 2021, l’Institut climatique du Canada avait produit un autre rapport au titre très révélateur, « Ça passe ou ça casse » où il soulevait que la transition mondiale vers la sobriété en carbone était nécessaire pour éviter les pires répercussions des changements climatiques. Les événements météorologiques extrêmes survenus depuis à travers le pays depuis l’an dernier ont fait la démonstration.

Ce virage a déjà des conséquences positives au pays. En Colombie-britannique, l’établissement de plus codes rigoureux ont contribué à créer un marché pour les technologies de construction de pointe. Après avoir suspendu les admissions à son programme de génie pétrolier et gazier en 2021, l’Université de Calgary lance maintenant un nouveau programme en génie des systèmes durables.

Par contre, d’autres provinces ont fait marche arrière à certains niveaux. L’Ontario a annulé son programme de plafonnement et d’échange de carbone ou l’Alberta a fermé Energy Efficiency Alberta. Il y a un énorme risque à faire ce genre de choix : les investisseurs commencent à se méfier des marchés dépendants des politiques climatiques », souligne l’Institut.

Peu importe les fluctuations et l’incertitude à court terme causée notamment par la guerre en Ukraine, on assistera à un déclin de la demande de combustibles fossiles et de produits polluants et à une hausse de la demande d’énergie et de technologies propres. « Pour les provinces à contre-courant de ces tendances mondiales, le combat est perdu d’avance : la croissance leur sera inatteignable, surtout si l’évolution est plus rapide que prévu », affirment les experts canadiens.

Classement canadien

Toutes les provinces canadiennes ne sont pas au même stade en matière de carboneutralité : certaines ont déjà une longueur d’avance et d’autres viennent seulement de s’y mettre et ont pris du retard. Le rapport identifie les quatre chefs de file de cette transition au Canada : le Québec, la Colombie-Britannique, l’Ontario et l’Alberta.

Trois autres montrent des signes verse cette transition : le Manitoba, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick.

La Saskatchewan, l’Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve-et-Labrador y font à peine leurs premiers pas.

Le Québec en bonne posture

L’étude 2022 intitulée « Les possibilités de la transition carboneutre : une comparaison interprovinciale » brosse un portrait du Québec qui est en bonne posture pour saisir les occasions de la transition carboneutre. La province regorge de ressources naturelles, son électricité est des moins chères et des plus propres au Canada et attire d’importants investissements.

Les experts de l’Institut climatique du Canada identifient plusieurs atouts du Québec :

  • La province compte 133 entreprises porteuses de transition ayant leur siège social dans la province, qui attire activement des investissements dans ces secteurs. Plusieurs d’entre elles logent à l’extérieur de la région du Grand Montréal.
  • Elle possède un écosystème de capital de risque actif, des investissements publics novateurs et des institutions financières privées dotées de stratégies d’investissement en financement vert. En fonction de la taille relative de son économie provinciale, le Québec est un champion national pour la quantité d’investissements privés par les entreprises engagées dans cette transition.

La province compte certaines des plus grandes entreprises canadiennes de transport sobre en carbone qui attire des investissements d’envergure. L’étude cite en exemple le fabricant d’autobus et de camions électriques Lion Électrique, le constructeur de véhicules tout-terrain électriques Taiga Motors et Add Énergie, un exploitant de réseaux de recharge pour véhicules électriques.

Le Québec a d’autres cartes maîtresses dans son jeu. En plus de son électricité, il dispose d’un secteur minier mature appuyé par un plan provincial de valorisation de ses minéraux critiques et stratégiques : lithium, graphite, cobalt, éléments du groupe du platine, métaux du groupe des terres rares, niobium, titane et vanadium ; elle a déjà un statut de chef de file des technologies de stockage par batterie et de transport sobre en carbone ; plusieurs centres de recherche renommés travaillant sur l’innovation et les technologies propres.

Des obstacles potentiels

Toutefois, s’il a des atouts majeurs, le Québec fait aussi face à des obstacles. Les auteurs ajoutent deux conditions : la province doit s’assurer d’inclure les communautés rurales et autochtones dans ces possibilités de croissance et pour contrer la pénurie de personnel, elle doit miser sur le perfectionnement et la formation de la main-d’œuvre pour soutenir la transition vers cette nouvelle économie et ses industries.