Un assureur de personnes n’a pu convaincre le tribunal qu’un assuré aujourd’hui décédé a produit une fausse déclaration en omettant de déclarer une faillite au moment de souscrire une police d’assurance vie, peut-on lire dans un bulletin de la firme Charbonneau avocats conseils, dont le Portail de l’assurance a obtenu copie. 

Lorsque l’assureur flaire une fausse déclaration, le fardeau de la démontrer repose sur ses épaules. Il a deux ans pour contester. Au-delà de ce délai, il doit démontrer que l’assuré avait l’intention de le frauder, s’il veut annuler la police ou en réduire les indemnités. L’assurance invalidité fait exception : la règle ne s’y applique pas si l’invalidité survient dans les deux premières années de la police (voir l’article 2424 du Code civil du Québec).

Assuré endetté

Dans le cas présent, une nouvelle police est souscrite pour une couverture de 1,6 M$, au nom de l’assuré qui entre-temps a fait faillite. L’assuré avait auparavant une police avec le même assureur pour un montant de 1,2 M$. L’entrée en vigueur de cette nouvelle police a eu pour effet d’annuler au même moment l’ancienne police. Six ans plus tard, l’assuré décède par accident et le syndic de faillite réclame son dû, ce qui met la puce à l’oreille de l’assureur qui s’oppose à cette réclamation.

Le failli était passablement endetté, révèle la teneur jugement rendu en décembre par la Cour supérieure du Québec du district de Beauharnois. Parmi ses dettes, des créances « élevées » pour de l’impôt non payé, tant au palier fédéral que provincial. « Nonobstant le fait qu’il faisait des revenus très considérables, soit plus de 300 000 $ par année, le failli n’a pas réussi, jusqu’à son décès, à rembourser en totalité les autorités fiscales », ajoute la cour. 

Assureur et syndic s’affrontent

Le jugement expose les motifs de l’assureur. Celui-ci allègue que si le formulaire avait été bien rempli, il n’aurait pas émis la police, tout du moins pas aux mêmes conditions. On peut lire que l’assureur s’oppose à la réclamation de l’indemnité d’assurance. Il invoque la nullité de l’a police d’assurance pour fausse déclaration, au motif que l’assuré a omis de déclarer son statut de failli au moment de la proposition. « L’assureur déclare que si ce fait avait été dévoilé, il aurait refusé de lui émettre une police tout comme les autres joueurs de l’industrie, à moins d’une enquête le convainquant que le risque étant acceptable », poursuit le jugement. 

Pour sa part, le syndic plaide que l’assureur ne s’est pas déchargé du fardeau de la preuve qui lui incombe : prouver l’intention de l’assuré de le frauder pour obtenir une assurance vie. « Au contraire, la fausse information dans le formulaire de souscription résulte d’une erreur d’inscription du courtier qui a rempli le formulaire et donc d’une méprise de l’assuré », rapporte le jugement sur le plaidoyer du syndic.

Amnésie du conseiller

La juge Chantal Corriveau en a statué autrement. « L’assureur est tenu de verser l’indemnité d’assurance, dont une partie doit être remise au syndic de faillite de l’assuré et l’autre, à la succession », a-t-elle tranché. Les trous de mémoire manifestés à la barre des témoins par le conseiller en sécurité financière qui avait vendu la police à l’assuré aujourd’hui décédé n’ont pas aidé la cause de l’assureur.

Le bulletin de Charbonneau avocats conseils résume ainsi les motifs de la juge Corriveau : « Le courtier n’est pas crédible lorsqu’il prétend se rappeler que le débiteur (l’assuré décédé) aurait répondu par la négative à la question concernant une faillite de sa part. Il ne se souvient plus de plusieurs éléments importants et se contredit à plusieurs reprises. Il y a tout lieu de croire que la proposition d’assurance a été en partie remplie en se basant sur l’ancien contrat alors en vigueur, qui avait été conclu 10 ans auparavant, et qui contenait donc des informations périmées. » 

Trop à perdre

Dans son résumé de la cause, le bulletin ajoute que rien ne permet de douter du fait que l’assuré aurait mentionné sa faillite si la question lui avait été posée. « Il n’aurait certainement pas mis en péril une indemnité d’assurance vie de 1,2 M$ en mentant pour obtenir une nouvelle police de 1,6 M$, d’autant que c’est le courtier qui l’a sollicité pour lui offrir ce nouveau contrat », rapporte la firme d’avocats. 

Selon la cour, l’assuré ne savait sans doute pas que son statut de failli pouvait constituer une raison pour l’assureur de refuser le risque et mener à une enquête. « Il n’est donc pas possible de lui reprocher de ne pas l’avoir divulgué d’emblée », a-t-elle ajouté.

Un motif peu exploré

Il n’est pas usité pour un assureur d’invoquer une fausse déclaration lorsqu’il soupçonne un assuré d’avoir omis de déclarer une faillite, relève Charbonneau avocats conseils. « Selon la jurisprudence, les cas où l’assureur a réussi à prouver l’intention de frauder sont habituellement en lien avec un élément de santé non dévoilé, la consommation de drogues, d’alcool ou un casier judiciaire relié à la criminalité. Nous n’avons relevé aucun exemple en lien avec la faillite », commente-t-il.