Dans une récente décision, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière a tenu des propos très durs envers une institution financière qui employait l’auteur d’une infraction. Avec l’aveu de culpabilité de la part de l’intimé, et en l’absence de tout débat contradictoire, ces critiques du comité représentent du « travail complètement inutile », selon l’avocat en droit de l’assurance Maurice Charbonneau.Le procureur avait déjà pris connaissance de la décision rendue par le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière. Selon Me Charbonneau, il arrive fréquemment que ce genre de critique « sortant de nulle part » apparaisse dans les décisions du comité, même si aucun débat contradictoire n’a eu lieu lors de l’audience disciplinaire sur sanction. La décision en question concerne le dossier de Frédéric Blin (CD00-1016) tranché par le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière le 25 juin. Ayant reconnu sa culpabilité et s’étant présenté sans avocat devant le comité, l’intimé a été sanctionné. On lui a imposé un mois de radiation temporaire. Il était accusé d’avoir contrefait les initiales de ses clients sur deux formulaires reliés à l’ouverture d’un compte conjoint. Le geste qu’on lui reprochait remonte à juillet 2012. Il ne pratique plus aujourd’hui.

À la section « Analyse et motifs » touchant la détermination de la sanction, le comité de discipline présidé par Me Janine Kean prend note de la reconnaissance de la culpabilité de l’intimé pour la contrefaçon des initiales. Mais au paragraphe 19, il met en lumière des constatations à l’égard des formulaires de Desjardins Sécurité financière, l’institution financière en cause. Dans une énumération de huit alinéas, le comité de discipline souligne certaines incongruités associées aux formulaires lors de l’ouverture d’un compte conjoint.

Protéger l'institution financière avec des initiales

Les exigences touchant les initiales de codétenteurs du compte semblent poser problème au comité de discipline. « La section où sont apposées les initiales ne relève pas d’une obligation règlementaire, mais sert plutôt à protéger l’institution financière en ce qui concerne les informations recueillies et les opérations faites sur le compte. Il s’agit donc davantage d’un aspect administratif que d’un aspect règlementaire », écrit le comité à l’alinéa g du paragraphe 19.

Après avoir souligné le caractère intolérable de la contrefaçon des initiales, le comité de discipline ajoute un peu plus loin: « L’exigence des paraphes des clients à cette section est celle de l’institution et a pour effet de limiter sa responsabilité à l’égard des détenteurs de compte conjoint, notamment dans le cas d’instructions données par un seul codétenteur. Comme mentionné, il parait inhabituel qu’un compte conjoint fasse l’objet de deux formulaires indépendants qui n’identifient pas le nom et les informations des deux détenteurs plutôt que d’un seul », peut-on lire au paragraphe 22 de la décision.

Du travail inutile

Pour ce dossier, que Me Charbonneau considère fort simple, où l’intimé a avoué sa culpabilité et n’était même pas représenté par un procureur, les critiques du comité de discipline à l’égard des formulaires de l’institution financière sont du travail complètement inutile. C’est bon pour la poubelle », insiste-t-il.

Il déplore que les membres du comité de discipline semblent « se chercher de l’ouvrage » en prenant plus de trois mois pour déterminer la sanction et commenter la preuve documentaire, alors que la pertinence de celle-ci n’a pas été analysée. À l’étape de la détermination de la sanction, cette façon de faire ne sert selon lui « qu’à facturer des heures supplémentaires ». « Quand le comité de discipline rend un jugement où l’on construit un litige qui n’existe même pas, il n’y a pas d’appréciation de la preuve ni de débat entre les parties. Ce n’est que l’initiative de la personne qui rédige la décision, et qui décide de se raconter une histoire. Et qui la croit », dit-il.

Maurice Charbonneau ne comprend pas pourquoi le comité a utilisé la preuve documentaire pour critiquer les procédures de l’institution financière. « Tu réussis à produire un jugement de 10 pages sur un dossier non contesté, en citant de la jurisprudence... Mais quel travail inutile! »

Quant à la sanction, l’avocat estime que la jurisprudence soumise par la partie plaignante n’est pas pertinente. « Le vrai débat sur la sanction doit être fait en analysant plein de choses. Dans des jugements par défaut, le débat n’est pas fait, le travail de caractérisation des éléments n’est pas fait en profondeur. On a un embryon d’analyse, et ça n’a aucune forme d’autorité pour la suite des choses. On ne crée pas un précédent avec cela, ce n’est pas sérieux », dit-il.

Le mal est déjà fait

De manière générale, Maurice Charbonneau reproche au comité de discipline la longueur de ses délibérations, le manque de rigueur dans la détermination de la sanction et le caractère inéquitable de la procédure pour le représentant visé, quelle que soit les infractions reprochées.

« Quand il est question d’une période de radiation, qu’elle dure un mois ou un an, ça n’a aucune importance, l’intimé a déjà tout perdu », dit-il. Dès le moment où l’enquête menée par le bureau du syndic entraine une audience disciplinaire, souvent, le représentant est tenu de confier sa clientèle à un autre collègue du cabinet ou de l’institution financière. Il doit prévenir tous ses clients de la procédure menée contre lui. La plupart du temps, il perd soit son emploi, soit les commissions, qui sont l’essentiel de ses revenus. « Le plus grand des dégâts, dans plusieurs dossiers, ce n’est pas la sanction, mais les délais avant que la décision ne soit rendue », note Maurice Charbonneau.

Il insiste sur l’importance d’un réel débat contradictoire entre les parties qui appuient le comité dans la détermination de la sanction. Il nous a fait suivre des décisions dans lesquelles cette discussion sur les critères d’appréciation de la sanction a permis au comité de discipline de la Chambre d’établir des sanctions nuancées, en s’inspirant notamment des lignes directrices de la Cour d’appel dans CSF c. Murphy. Peu importe la longueur de la radiation, elle entraine généralement la fermeture du bureau et de l’entreprise du représentant, fait-il observer.

L’une de ces décisions concerne l’un de ses clients, Gennaro Natale. Ce conseiller a été trouvé coupable en mars 2012 sous neuf chefs d’accusation. En janvier 2013, il a été condamné à la radiation temporaire pour six mois sur chacun des neuf chefs. Il avait fait souscrire à ses clients un placement alors qu’il n’y était pas autorisé en vertu de sa certification. La décision sur la sanction est d’ailleurs plus longue que celle portant sur la culpabilité. À cette étape, des assureurs sont venus parler des impacts de l’enquête sur les revenus du conseiller, souligne-t-il.