L’Association canadienne du médicament générique (ACMG) s’est exprimée en faveur des nouveaux pouvoirs qui seraient accordés aux pharmaciens québécois, ont-ils dit lors la commission parlementaire consacrée au projet de loi 31 modifiant la Loi sur la pharmacie. Elle espère toutefois que les pharmaciens seront rémunérés adéquatement afin de les inciter à offrir ces services supplémentaires et croit que le recours aux génériques et biosimilaires va permettre de leur assurer une rémunération appropriée.
Preuve de l’importance que des retombées financières que l’ACMQ espère de ce projet de loi, le président de l’Association, Jim Keon, est venu à Québec exprimer l’appui de son organisme aux propositions gouvernementales en compagnie de son directeur québécois, Éric Lamoureux, et du directeur des Affaires gouvernementales chez Sandoz Canada, Christian Ouellet.
Les fabricants de génériques ont tout à gagner financièrement dans les propositions du gouvernement Legault qui a déposé ce projet de loi afin d’améliorer l’accès à certains services de santé à la population en accordant plus de pouvoirs aux pharmaciens au détriment des médecins.
Prescrire des médicaments en vente libre
S’il est adopté sans modifications majeures, le projet de loi 31 permettra notamment aux pharmaciens de vacciner, d’initier, d’ajuster ou de cesser une thérapie médicamenteuse et d’ajuster ou de prolonger les ordonnances de tous les prescripteurs, pas seulement celles des médecins. Nouveauté majeure : les pharmaciens pourront prescrire des médicaments en vente libre qui seront déterminés par règlement.
« De façon générale, commente à ce propos l’Ordre des pharmaciens du Québec (OPQ), les médicaments de vente libre ne sont pas remboursés, ni par l’assureur public, ni par les assureurs privés et ce, qu’ils soient prescrits ou non. Permettre aux pharmaciens de les prescrire aura donc très peu d’effets financiers pour les assureurs. »
La Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) n’est toutefois pas de cet avis. Elle se questionne sur la pertinence que soient remboursés par les assureurs privés ou par le Régime québécois d’assurance médicaments des médicaments en vente libre « puisque cela pourrait entrainer, croit-elle, une augmentation des couts, pour tous les régimes et pour l’État ».
L’importance des génériques
En 2018 au Québec, 75 % des 289 millions d’ordonnances ont été remplies avec des médicaments génériques. Selon l’ACMG, les génériques coutent en moyenne le cinquième du prix des médicaments de marque. En 2018, affirme-t-elle, pour chaque augmentation d’un point de pourcentage du recours aux médicaments génériques, les économies pour le Québec se seraient élevées à 184 millions de dollars, soit 105 millions pour le secteur public et 79 millions pour le secteur privé.
Néanmoins, déplore l’Association, le Québec arrive en queue de peloton parmi les provinces canadiennes en matière de recours aux médicaments génériques dans le secteur des régimes privés d’assurance médicaments. « Les économies potentielles, soutient-elle, pourraient être considérables lorsqu’on considère qu’un bon nombre d’employeurs du Québec, incluant le gouvernement et la grande majorité des institutions publiques et parapubliques, donnent accès à leurs employés à ce type de régime. »
Appui au projet de loi
L’ACMG estime que les mesures proposées dans le projet de loi 31 sont positives pour les patients, les contribuables et l’ensemble du système de santé québécois. Elle a rappelé qu’elle était en faveur d’un rôle accru des pharmaciens afin de mieux soutenir les patients dans l’écosystème de soins de santé au Québec.
« En raison de leur proximité avec les patients et de leurs connaissances des médicaments, ont soutenu ses trois représentants devant les parlementaires, les pharmaciens sont souvent les mieux placés pour les soutenir et contribuer à désengorger le système de santé. »
L’Association se dit toutefois préoccupée par la rémunération qui sera rattachée aux nouvelles tâches qu’ils leur soient confiées et trouve important que le gouvernement les rémunère adéquatement pour refléter ces responsabilités nouvelles. Sans incitatifs financiers, craignent-ils, il y a risque qu’ils ne donnent pas ces services.
L’ACMG croit que le recours accru aux médicaments génériques et biosimilaires engendrera des économies qui accorderont au gouvernement une marge de manœuvre supplémentaire pour améliorer la rémunération des pharmaciens.
Critiques du milieu médical
Durant la commission parlementaire, les médecins de famille et les médecins spécialistes ont tour à tour critiqué plusieurs dispositions du projet de loi 31, notamment la substitution d’un médicament prescrit par un médecin.
« Cela équivaudrait à procéder à un traitement sans diagnostic établi, ce qui outrepasse selon nous le champ d’exercice de la pharmacie », a d’ailleurs commenté la présidente de la FMSQ, la Dre Diane Francoeur. Elle a aussi soutenu qu’en aucun cas, un médicament ne devrait être substitué si l’ordonnance initiale porte la mention « Ne pas substituer ».
Tant les médecins de famille que les médecins spécialistes ont aussi exprimé des craintes sur de possibles conflits d’intérêts des pharmaciens qui pourront à la fois prescrire et vendre des médicaments.
Il y a quelques jours, l’Association canadienne des assurances de personnes (ACCAP) a demandé aux élus devant la même commission parlementaire d’exclure du Régime général d’assurance médicaments les nouveaux services qui seront accordés aux pharmaciens après l’adoption du projet de loi 31. L’ACCAP craint que les régimes privés d’assurance ne soient forcés de payer pour ces actes lorsqu’ils seront rendus par les pharmaciens et que la hausse des couts qu’ils entraineront ne compromette la pérennité de certains régimes privés.