Même si l’intention entrepreneuriale demeure élevée au pays, de moins en moins de personnes créent leur entreprise. Parmi celles qui osent le faire, près du tiers devront se résigner à la fermeture dans un horizon de cinq ans.
Ce constat est fait par Pierre Cléroux, vice-président et économiste en chef de la Banque de développement du Canada (BDC). En marge de la Semaine de la PME qu’elle organise, la BDC a publié une étude qui constate ce sérieux déclin du nombre d’entrepreneurs au pays et tente d’en expliquer les raisons.
Intitulée Entrepreneuriat en mouvement : compétences et réussite dans un monde changeant, l’étude a été rendue publique le 16 octobre dernier. Réalisée avec la collaboration de l’Université de Montréal, l’étude est basée notamment sur un sondage mené auprès de 1 250 entrepreneurs.
Le Canada compte près de 100 000 entrepreneurs de moins en 2022 comparativement à l’an 2000, indique la BDC dans les faits saillants. On parle ici de travailleurs autonomes qui emploient du personnel.
En 2022, quelque 14 % de la population aspiraient à s’engager dans le parcours entrepreneurial, ou 140 sur 1000. Mais le passage à l’action se concrétise pour 100 fois moins de personnes, soit 1,3 personne sur 1 000. Ce ratio était plutôt de 3 personnes sur 1 000 en 2000. Ces données proviennent de l’Enquête sur la population active de Statistique Canada.
La situation n’est pas unique au Canada, précise-t-on, car la situation est assez similaire dans presque tous les pays industrialisés. Trois facteurs principaux expliquent ce déclin de l’entrepreneuriat :
- Le premier est le vieillissement de la population. Les personnes les plus susceptibles de créer une entreprise sont généralement âgées de la fin de la vingtaine au début de la quarantaine. Or, cette part de la population diminue à mesure que le groupe des 55 ans et plus s’accroît et ce phénomène pèsera encore sur la création d’entreprises au cours des prochaines années ;
- Le deuxième facteur est relié à la vigueur du marché de l’emploi. Avec le taux de chômage sous les niveaux historiques, les conditions de travail plus souples et les salaires plus élevés, ces éléments font en sorte qu’il est plus aisé d’obtenir un emploi bien rémunéré que de lancer une entreprise ;
- Le dernier facteur mentionné est l’évolution de l’environnement d’affaires. La rareté de la main-d’œuvre, les perturbations technologiques et la hausse des coûts créent un environnement d’affaires plus complexe. Il devient plus difficile pour les petites entreprises de faire concurrence aux plus grandes. La taille moyenne des entreprises est en hausse et il devient plus difficile pour les entreprises en démarrage de concurrencer les plus grands acteurs dans certains marchés.
Les compétences
Une entreprise sur trois ne survit pas cinq ans, répète la BDC, mais si on prolonge l’analyse sur 15 ans, ce sont deux entreprises sur trois qui n’atteignent pas ce stade.
Le risque associé au lancement d’une entreprise crée une certaine peur de l’échec qui peut paralyser les entrepreneurs et nuire à la concrétisation de leurs projets. Avec les bonnes connaissances et compétences enseignées dans un système d’éducation qui les prépare adéquatement, les étudiants seront mieux préparés à concrétiser et à faire durer leur projet entrepreneurial.
L’étude de la BDC regroupe les compétences par ordre d’importance. L’étude sonde les entrepreneurs sur leur perception de l’importance de chacun des groupes dans leur expérience entrepreneuriale.
Le premier groupe est celui de la ténacité et des compétences relationnelles. Au cœur de groupe, on énumère la capacité de résoudre des problèmes, de faire face à des revers et de s’adapter au changement. Ce groupe est celui qui est considéré comme étant le plus important par les participants au sondage de la BDC.
Le deuxième groupe est formé des compétences en marketing et en finance. Le développement de stratégie de publicité et la réalisation d’études de marché permettent de cerner les occasions. On mise aussi sur la compréhension des options de financement.
Le troisième groupe de compétences traite du leadership et des relations humaines, notamment la capacité de motiver les membres de l’équipe et de déléguer les tâches aux collègues.
Le quatrième et dernier groupe est composé des compétences en administration opérationnelle.
Pas une ligne droite
L’étude de la BDC comprend aussi des exemples de parcours entrepreneurial, qui n’est pas toujours linéaire. On précise que le temps passé à chaque étape de la croissance varie selon l’entreprise et que les étapes peuvent se superposer. On rappelle que le déclin et la fermeture de l’entreprise peuvent survenir à tout moment du parcours.
Toujours à propos de la ténacité, la BDC renvoie aux travaux de la psychologue Angela Duckworth. Cette dernière la définit comme étant la combinaison de la passion et de la persévérance pour atteindre des objectifs à long terme. Cette qualité englobe à la fois la capacité de continuer à relever les défis et à affronter les échecs qui se présentent.
Selon Duckworth, la ténacité n’est pas un comportement inné ou acquis, mais plutôt une caractéristique que l’on peut développer. Cette affirmation est d’ailleurs valable pour toutes les compétences requises par l’entrepreneuriat. Le développement des capacités est requis à toutes les étapes de la croissance.
L’étude prodigue ainsi cinq conseils pour améliorer les compétences des entrepreneurs, et le premier suggère de trouver une personne offrant du mentorat ou du coaching. Le dernier conseil ? Prévoir du temps pour prendre soin de soi.
Main-d’œuvre
Toujours dans le cadre de la Semaine de la PME, la BDC a publié une autre étude intitulée Le défi de la décennie : comment gérer la pénurie de main-d’œuvre au Canada, signée par l’économiste Isabelle Bouchard. Elle y précise que ce facteur est un des éléments principaux qui limitent la croissance des entreprises.
L’étude met à jour des études sur le même thème publiées par l’organisme fédéral en 2018 et 2021. On propose trois solutions aux entrepreneurs : 1) investir en technologie et en automatisation, 2) élaborer une stratégie de gestion du personnel et 3) élargir le bassin d’embauche.