Des dirigeants de distribution d’assurance ont cerné plusieurs enjeux qui freinent les ventes de polices d’assurance vie individuelle année après année au Canada. C’était lors d’un panel qui s’est déroulé au Canada Sales Congress le 30 septembre 2025 à Toronto, un événement des Éditions du Journal de l’assurance inc. L’un des coupables qu’ils ont identifiés : la difficulté de recruter de nouveaux conseillers dans une industrie qui n’est pas réputée pour leur faciliter l’entrée

Martin Deslauriers

Un ancien de l’assurance de personnes a repris du service dans l’industrie pour aider à dénouer l’impasse du recrutement. Il a lancé un programme de formation destiné aux candidats qui souhaitent prendre la relève d’un dirigeant de cabinet. Nommé directeur général du Centre d’entrepreneuriat ESG UQAM en mars 2024, Martin Deslauriers vient de mettre sur pied le programme Vision Repreneuriat – Services financiers. Il sera offert par le Centre, rattaché à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM (ESG UQAM).

Le Centre d’entrepreneuriat ESG UQAM offrira gratuitement cette formation encore embryonnaire aux 20 premiers candidats de moins de 35 ans qui se présenteront et répondront à certains critères. Par exemple, ils doivent être de futurs diplômés de l’UQAM et avoir moins de 35 ans. Un don de la Fondation Jean-Louis Tassé (FJLT) a permis à la première mouture du nouveau programme de voir le jour.

En entrevue avec le Portail de l’assurance, Martin Deslauriers dit avoir bon espoir de clore l’appel de candidatures en janvier et de démarrer la formation au début de février 2026. Il dit qu’il fera « beaucoup de bruit en décembre » pour interpeller les candidats potentiels.

Manque de ressources neutres 

M. Deslauriers s’est fait connaître dans l’industrie de l’assurance pour ses conseils sur l’acquisition et la vente de clientèle en vue d’assurer la pérennité des cabinets d’assurance de personnes et de services financiers. Il a analysé et traité de tels dossiers dans sa maîtrise en administration des affaires (MBA), diplôme qu’il a obtenu de l’UQAM en 2007. Il était alors directeur régional associé à La Capitale, maintenant Beneva.

« Il n’y a pas eu beaucoup d'évolution depuis », a lancé Martin Deslauriers, à l’endroit de la relève des cabinets d’assurance de personnes et de services financiers. Il déplore au passage le manque d'organismes « neutres » dédiés au repreneuriat dans ce secteur. « Il demeure difficile de trouver des sources de financement pour de petites pratiques en assurance de personnes individuelles », remarque M. Deslauriers.

Redonner 

Le Centre d'entrepreneuriat ESG UQAM est un organisme à but non lucratif entièrement financé par des dons, dont celui de la FJLT. « Je le fais pour redonner et contribuer à un beau transfert de pouvoir et d'actif dans le milieu des services financiers », dit-il au sujet du nouveau programme de formation.

Selon la section des nouvelles du site d’ESG UQAM, la FJLT a fait un don de plus d’un million de dollars à la Fondation de l’UQAM en 2021, pour soutenir la relève étudiante à l’École des sciences de la gestion (ESG UQAM) et appuyer le Centre d’entrepreneuriat ESG UQAM. De ce montant, le Centre d’entrepreneuriat ESG UQAM reçoit des versements annuels de 50 000 $ jusqu’à 2026. 

La FJLT a été créée en 2000 par Jean-Louis Tassé, avec pour mission d’investir dans la jeunesse et son éducation à tous les niveaux d’études. En 1967, M. Tassé a fondé la firme de courtage Tassé & Associés limitée, qu’il a vendue à Valeurs mobilières Banque Laurentienne, en 2000. 

Accompagnement de terrain 

Martin Deslauriers précise que le programme Vision Repreneuriat – Services financiers n’est pas un cours intensif, mais un accompagnement. Ce volet pratique prendra une grande place dans le programme. « Il y aura entre autres des ateliers qui porteront sur différentes thématiques, et seront axés sur la collaboration, explique-t-il. Il y aura aussi de petits volets théoriques, par exemple sur l'image de marque. » 

Le programme s’étendra sur six périodes d’un mois au cours de 2026, à raison d’une journée par mois en classe. Pour le reste, l’accompagnement occupera une grande part. « Les candidats admis auront la chance d'être accompagnés gratuitement à différents niveaux pour les aiguiller », poursuit M. Deslauriers.

Le directeur général du Centre d’entrepreneuriat ESG UQAM estime que cet aiguillage est crucial, car trop peu de jeunes finissants à un MBA rejoignent le réseau de distribution en assurance de personnes et services financiers. « Ils iront plutôt du côté des banques. Ils ne veulent pas aller dans un cabinet, parce qu’ils ne sentent pas qu’ils seront accompagnés ; ils sentent plutôt que le propriétaire veut vendre son cabinet. » 

Le programme leur donnera selon lui l’heure juste, grâce à un accompagnement d’intervenants du milieu. M. Deslauriers dit solliciter d’éventuels collaborateurs.

Benoit Goulet

Parmi eux, Benoit Goulet a confirmé sa participation. En entrevue avec le Portail de l’assurance, il a confié travailler aux derniers détails du programme avec Martin Deslauriers. Vice-président, recrutement, courtage externe et comptes spéciaux de Lafond + Associés, M. Goulet ajoute que l’expertise de l’équipe de département Lafond Gestion permettra d’épauler les futurs étudiants.

Dans son rôle professionnel, Benoit Goulet recrute régulièrement de nouveaux conseillers et les intègre au sein de Lafond + Associés. Son expérience l’a amené tant du côté des assureurs que des agents généraux. Il a amorcé sa carrière à La Métropolitaine en 1993 (depuis fondu dans Clarica qui a fusionné avec Sun Life) et a été directeur régional des ventes à La Capitale de 2001 à 2006. M. Goulet est passé au courtage indépendant avec l’agent général Pro Vie Assurances qui deviendra ensuite Aurrea Signature, puis Réseau d'assurance IDC Worldsource, acquis par Desjardins Assurances en 2022.

Critère principal : avoir le profil entrepreneur 

Cette collaboration avec Lafond viser entre autres à offrir un coaching individuel aux candidats retenus. Benoit Goulet souligne que l’un des critères pour accéder au programme est d’avoir un profil d’entrepreneur. « Grâce à notre département Lafond gestion, nous sommes en mesure d’identifier ceux qui ont de l'intérêt pour devenir entrepreneur dans le secteur des produits financiers, et leur montrer comment acquérir une clientèle, et créer une relation avec un éventuel vendeur », dit le vice-président, recrutement, courtage externe et comptes spéciaux de Lafond. 

C’est au niveau de cette expertise que se jouera le rôle de Lafond dans le programme de formation. M. Goulet pilotera ce rôle. Il dit que le programme évaluera en premier lieu si le candidat a un profil d’entrepreneur. « C’est le critère numéro un », insiste-t-il. 

À partir de là, l’expertise de Lafond sera dispensée aux étudiants au cours de la formation, comme le fait régulièrement le cabinet multidisciplinaire pour ses nouveaux conseillers qui songent à prendre la relève d’un collègue en bout de piste. 

Prendre le temps 

Cette expertise sera salutaire dès le départ. Benoit Goulet a observé en plus de 30 ans de carrière qu’il faut prendre le temps de mener une relève à terme : « Souvent, la transaction se fait trop vite, et finalement ça ne marche pas. À Lafond, nous sommes en mesure de nous mettre entre l'acheteur et le vendeur puis de les faire évoluer à l'intérieur d'une vision, d'une segmentation, de trouver le financement, et d'intégrer la recrue auprès du conseiller senior. » 

Mais avant d’en arriver là, une vérification diligente s’impose : le cabinet à acquérir respecte-t-il les normes de conformité? A-t-il un système de gestion de la clientèle, et de qui cette clientèle est-elle composée? M. Goulet se souvient d’un conseiller qui souhaitait vendre rapidement sa clientèle au prix de 250 000 $ dollars. « La clientèle était constituée de polices d’assurance invalidité qui arrivaient à échéance à 65 ans. Sa clientèle avait une moyenne d'âge de 55. Le vendeur rêvait juste d'avoir son argent et de s'en aller vivre à l'étranger. Une somme de 250 000 $ peut paraître alléchante, mais il faut prendre le temps de segmenter la clientèle pour voir son potentiel », insiste-t-il.

Se faire voir 

Lafond préconise aussi de promouvoir le nouveau conseiller sur les réseaux sociaux comme Facebook et LinkedIn, et de l’inciter à concevoir un site Web. Selon M. Goulet, ce sera ensuite l’occasion pour le jeune conseiller d’envoyer une lettre à tous les clients du vendeur et de leur faire connaître les nouveaux services qu’il peut leur offrir en leur envoyant une lettre. « C'est très complet comme présence », ajoute-t-il à propos du coaching et de l’accompagnement intergénérationnel qu’offre Lafond. « C’est ce qui a amené Martin à nous contacter », précise Benoit Goulet. 

Passer à la caisse 

D’après M. Goulet, il importe de trouver pour la relève un vendeur disposé à laisser du temps à l’acheteur d’amasser une mise de fonds, ou à l’aider en lui accordant une avance que remboursera l’acheteur une fois bien en selle. Il ajoute que ce solde de vente doit être assorti d’une condition que le vendeur s’engage à bien présenter le nouveau conseiller à ses clients. Cela assure l’acheteur de retenir davantage de clients.

Pour le reste, il faut trouver du financement, ce qui n’est pas toujours facile pour un cabinet indépendant en assurance de personnes. Plusieurs prêteurs n’accepteront de financer une transaction que si les acheteurs sont en mesure de fournir des garanties autres que la clientèle, par exemple des actifs financiers ou immobiliers, peut-on lire dans un complément au magazine de l'édition de février 2022 du Journal de l'assurance portant sur l’Indice de la valeur d’une clientèle en assurance vie individuelle

Benoit Goulet s’insurge contre la croyance qu’il n’existe pas de source de financement pour les petits cabinets. « Il y a plusieurs sources de financement dans l'industrie, du côté des agents généraux et des assureurs », dit-il. Des assureurs acceptent selon lui de prêter jusqu’à 80 %, du coût d’acquisition. Un courtier en épargne collective ou un agent général pourra avancer le 20 % qui reste à financer. Selon la relation qu’ils entretiennent avec l’acheteur, ces distributeurs pourront d’après lui allonger la somme totale.

Opportunité grandissante 

L’opportunité est là, dit Benoit Goulet. Le rapport d’activité du 1er janvier au 3 juillet 2025 de la Chambre de la sécurité financière (maintenant Chambre de l’assurance) estime à 45 ans la moyenne d’âge de ses 34 211 membres. Selon lui, la moyenne tourne davantage autour de 60 ans chez les conseillers en sécurité financière. Il prévoit que plusieurs conseillers prendront leur retraite dans les prochaines années. 

La suite des choses 

Pour l'instant, notre premier collaborateur est Benoit Goulet, a confirmé Martin Deslauriers au Portail de l’assurance. Il a ajouté que M. Goulet sera un acteur dans le développement du programme. 

« Nous sommes également à la recherche de partenaires financiers. Toutefois, notre donateur nous permet de démarrer le programme pour 2026 », dit le directeur général du Centre d’entrepreneuriat ESG UQAM. 

Des versements annuels de 50 000 $ reçus d'un don de la FJLT, « la majeure partie du don est investie dans ce programme et dans des bourses », précise Martin Deslauriers. 

Pour espérer démarrer à temps, il faudra toutefois avoir des candidats. M. Deslauriers a dit n’avoir aucun candidat au 28 novembre 2025. « Nous allons lancer l'appel aux candidats à la fin janvier 2026, et allons sélectionner les 20 meilleurs », explique-t-il.