Les conseillers âgés s’assoient sur leurs commissions de renouvellement plutôt que de vendre leur clientèle? Un mythe, disent des spécialistes. Ce qui leur manque, c’est un programme qui les incite à le faire. Une planification de relève hâtive, la présence du vendeur pour soutenir la relève, une formule de partage de commissions sont des ingrédients essentiels à la réussite de ces transactions.Plusieurs transactions déraillent pour des questions de gros sous. L’évaluation d’une clientèle variera en effet selon le côté de la clôture qu’occupe le conseiller : acheteur ou vendeur. Rick Forchuk, conseiller spécial, distribution d’assurance chez Empire Vie l’a appris en épaulant plusieurs conseillers dans le passé.
M. Forchuk dit que sa compagnie n’offre plus de programme de financement à l’achat de clientèle. C’est tout un défi, dit-il. « Le vendeur croit que sa clientèle vaut davantage que ce que veut payer l’acheteur. Ainsi, les négociations achoppent fréquemment pour une question de prix », affirme-t-il.
Pas de garanties
Qu’il s’agisse de multiples de vente sur trois ans, voire cinq ans, l’acheteur dira qu’il a trop payé et le vendeur, qu’il n’a pas reçu assez, entend souvent M. Forchuk. Il remarque en effet que la perspective est différente d’un côté ou de l’autre de la transaction. Le vendeur croit pouvoir tirer trois ans de paiements de la vente de son bloc sans rien d’autre à faire.
Or, rien ne garantit à l’acheteur que les clients resteront avec lui pendant ces trois années, ni que le bloc est structuré de façon à assurer un revenu régulier à plus long terme. « Les transactions qui ont le mieux fonctionné sont celles où les deux conseillers ont travaillé ensemble pendant un an, deux ans même trois ans », a observé le conseiller spécial d’Empire Vie.
Penser relève est la clé. Dans ces transactions réussies, M. Forchuk a observé que les deux conseillers ont rencontré ensemble tous les clients. Ils leur ont envoyé un message à l’effet que cette transition fait partie d’un plan de relève, a-t-il ajouté. Le vendeur demeure disponible au bout du fil pour les clients alors que l’acheteur fait tranquillement son chemin à travers la nouvelle clientèle.
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Cela peut prendre des années, mais c’est ce qui fonctionne le mieux, croit Rick Forchuk. Parfois, le vendeur peut demeurer indéfiniment. Les deux parties effectuent un partage des commissions sur les nouvelles ventes.
Mais assureurs, agents généraux et conseillers ne sont pas prêts, croit-il. « La planification de la relève est un problème critique et je ne crois pas que l’industrie ait encore trouvé une façon de le régler », dit-il. Les conseillers devront être mieux formés à cet égard pour comprendre la réelle nature d’une telle transaction. Ce n’est pas une vente finale mais le début d’un processus, insiste M. Forchuk. « Si le conseiller vend pour des raisons de santé ou parce que le premier jour de l’année, il prend sa retraite et quitte pour le Mexique, une partie de la transaction pourrait ne pas fonctionner », illustre le conseiller spécial d’Empire Vie.
Marieuse demandée
iA Groupe financier cherche aussi une réponse à l’épineux problème des transactions mal orchestrées. Il s’apprête à stimuler ce marché entre acheteurs et vendeurs, un marché plus endormi qu’inexistant, soutient son vice-président principal, administration et ventes, Bruno Michaud. En phase de test, le programme sera offert au réseau des agents de carrière, mais pourrait éventuellement l’être aux agents généraux et au réseau Investia Services Financiers, a-t-il révélé.
« Le problème, ce n’est pas que les blocs ne sont pas à vendre, c’est qu’il faut trouver la façon d’inciter les conseillers en phase de retraite à les vendre. Le conseiller se demande si tel ou tel candidat sera celui qui saura bien traiter sa clientèle. Je dois me trouver une marieuse », a-t-il lancé.
Formule pour les conseillers de 50 à 55 ans
L’assureur développe actuellement une formule pour encourager les conseillers de 50 à 55 ans à préparer leur relève dans l’optique de vendre un jour leur clientèle à un conseiller qui aura eu le temps de faire ses preuves. Outre son programme de financement déjà en place, la compagnie envisage une formule de partage de commissions où le conseiller vendeur tire un revenu des ventes que l’acheteur réalise à partir de la clientèle qu’il lui a achetée.
« Ce serait un élément déclencheur qui incite à la vente, croit M. Michaud. Le conseiller ne doit pas forcément tout vendre. Il peut segmenter sa clientèle. Il faut lui expliquer qu’il ne perd pas le contrôle de sa clientèle et qu’il joue le rôle de mentor. De son côté, le junior n’est pas obligé d’acheter tout d’un coup. Il peut le faire progressivement. »
M. Michaud observe que chez les conseillers financiers qui ont décidé de garder une partie de leur clientèle, cette partie redevient souvent aussi grosse que l’était leur clientèle entière avant la segmentation. « Après la segmentation, le conseiller a plus de temps pour servir sa clientèle privilégiée, soit la plus payante. Un conseiller qui avait gardé les deux tiers de sa clientèle a mis seulement trois ans à récupérer un actif similaire, avec moins de clients et plus de temps. »
Le programme créera des jumelages plus féconds, dit M. Michaud. « Le conseiller se demande souvent : qu’est-ce qui arrive si cela ne marche pas avec ce gars-là? Ils veulent bien essayer de passer le flambeau, mais pas tous les six mois. » Pour qu’un tel programme fonctionne, l’assureur doit y placer une personne dédiée et c’est une telle personne qu’il recherche actuellement.
Augmenter la rétention des recrues
Si le programme incitera le vendeur à l’action, il permettra aussi d’augmenter le taux de rétention des nouvelles recrues au sein du réseau carrière. « Ce sont les deux premières années qui sont les plus difficiles pour une recrue. S’il peut tirer parti d’un bloc d’affaires existantes, il devient pas mal plus facile de prospecter et trouver des clients. » Il se souvient que dans le réseau de carrière, les recrues tiraient 30 % de leurs revenus de l’unité de service qui leur était confié à l’embauche (clientèle orpheline d’un représentant qui a quitté).
Il faut motiver le vendeur à chercher et trouver sa relève, résume M. Michaud. Mais planifiez tôt et commencez à y penser 10 ou 15 ans avant, insiste-t-il. Une fois la personne identifiée, ne vous lancez pas sans plan d’affaires. « En premier, il faut avoir le modèle financier. » Il soutient ne pas avoir vu de cas de divorce après transaction chez les conseillers qui ont suivi toutes les étapes d’un processus de relève plutôt que de procéder à une vente de feu.